Amnesty > Chaque semaine, des centaines de réfugié·e·s sont refoulé·e·s à la frontière sud de la Suisse, dont de nombreux mineur·e·s non accompagné·e·s. Les autorités affirment qu’elles ne font qu’appliquer la loi. Les droits des mineur·e·s sont-ils vraiment respectés ?
Denise Graf < Non, les droits des mineur·e·s ne sont clairement pas respectés. Nous avons interrogé une trentaine d’enfants et d’adolescent·e·s et examiné une série de dossiers. Cela confirme ce qu’Amnesty International et d’autres ONG avaient précédemment observé : des mineur·e·s ont été refoulé·e·s par des gardes-frontières en Italie, alors qu’ils étaient venus chercher une protection en Suisse. Parmi eux, figurent des enfants et des adolescent·e·s qui prétendent avoir des proches qui pourraient s’occuper d’eux en Suisse. Dans d’autres cas, les autorités ont empêché des jeunes ayant de la famille en Allemagne ou dans d’autres pays d’Europe du nord de pouvoir les rejoindre en application du réglement de Dublin III qui favorise le regroupement familial, en les refoulant à la frontière.
> Le conseiller fédéral Ueli Maurer, responsable du corps des gardes-frontières affirme que tout est fait «dans les règles» à la frontière et que ce sont uniquement les personnes n’ayant pas de papiers valables, ne présentant aucune demande d’asile crédible, ou voulant uniquement traverser le pays qui sont renvoyés vers l’Italie.
< Il n’est pas de la compétence d’un garde-frontière de juger d’une demande d’asile, mais du Secrétariat d’État aux migrations (SEM). Ma critique ne concerne pas les gardes-frontières de Chiasso qui font leur travail. Ils exécutent clairement de nouvelles directives qui se traduisent par une forte augmentation du nombre d’expulsions. Depuis début juillet, les gardes-frontières ont refusé l’entrée à 60% des personnes sans papiers d’identités valables, alors que ce taux était auparavant de 10 %. De plus, les gardes-frontières ne sont pas formés pour cette nouvelle pratique. Il leur manque les connaissances et les moyens nécessaires pour juger correctement la situation. Il leur manque également des traducteurs et traductrices, afin de comprendre dans quelle situation les adolescent·e·s se trouvent.
Le simple fait qu’un·e mineur·e doive dormir dans la rue à Côme, alors qu’il souhaite rejoindre des proches en Suisse, doit être considéré comme une demande de protection. Les autorités doivent accepter ces jeunes. Elles doivent se préoccuper de les informer de leurs droits et de leur fournir une assistance. De plus, de nombreux enfants sont traités comme des adultes et refoulés après un examen superficiel. Dans de nombreux cas, les décisions ont été prises à la hâte et de façon arbitraire. Certains mineur·e·s non accompagné·e·s ont visiblement été admis·e·s au centre d’accueil de Chiasso, lors de leur deuxième ou troisième tentative.
> De combien de cas s’agit-il ? Qu’arrive-t-il aux mineur·e·s après qu’ils aient été refoulé·e·s à la frontière ?
< Parmi les milliers de personnes refoulées à la frontière sud de la Suisse cet été figurent beaucoup de mineur·e·s non accompagné·e·s. La plupart sont récemment arrivés en Italie après avoir traversé la Méditerranée pour fuir les conflits, la torture ou la pauvreté. Beaucoup viennent d’Afrique de l’est pour la plupart d’Erythrée et d’Ethiopie. Le prêtre Don Giusto Della Valle qui vient en aide aux mineur·e·s non accompagné·e·s, aux femmes enceintes et aux familles avec des enfants en bas âge à Rebbio dans la banlieue de Côme a, dans sa seule structure, enregistré 500 mineur·e·s non accompagné·e·s entre le 14 juillet et le 15 août.
De nombreux jeunes ne veulent pourtant pas rester et «disparaissent dans la nature». Ils retournent à la gare de Côme ou dans les camps improvisés dans le parc et retentent leur chance à la frontière. D’autres sont transférés par la police dans des camps de réfugiés dans d’autres régions d’Italie. Certains adultes sont menacés d’expulsion dans leur pays d’origine. Ils restent donc dans la rue, sans argent, sans protection et risquent fortement de se faire agresser.