Nekane Txapartegi © A. Maestre
Nekane Txapartegi © A. Maestre

Extradition de Nekane Txapartegi L'Espagne doit fournir les preuves d'une procédure équitable

14 Juin 2017
Amnesty International demande aux autorités suisses de renoncer à extrader la militante basque Nekane Txapartegi vers l’Espagne tant que la justice espagnole n’aura pas présenté des preuves claires démontrant que les accusations de torture ont été soigneusement examinées et que la procédure ayant conduit à sa condamnation a été équitable en tout point.

Nekane Txapartegi a été condamnée il y a dix ans par la justice espagnole pour avoir collaboré avec le groupe armé basque ETA. Elle a fui en Suisse en 2009. Les autorités suisses l’ont arrêtée à Zurich en avril 2016, suite à une demande d’extradition formulée par l’Espagne.

Dans son rapport annuel 2000, Amnesty International a exprimé publiquement ses préoccupations concernant les allégations de torture formulées par Nekane Txapartegi, qui s’était plainte en juin 1999 d’avoir été soumise à des mauvais traitements pendant une détention incommunicado de 10 jours en mars 1999.

Nekane Txapartegi a déclaré avoir été soumise à la torture et aux mauvais traitements au juge de l’Audience nationale espagnole (« Audiencia Nacional ») qui avait ordonné sa mise en détention. Le tribunal n’a pas pris ces griefs en considération et les poursuites ont été maintenues pour aboutir à une condamnation pour « appartenance à une organisation terroriste ». Suite à un appel devant la Cour suprême, sa condamnation a été requalifiée de « collaboration avec une organisation terroriste ». En conséquence, la peine est passée de 11 ans à 6 ans et neuf mois d’emprisonnement. Pour autant qu’Amnesty ait été correctement informée, Nekane Txapartegi n’a pas fait appel devant la Cour suprême espagnole contre le refus de l’Audience nationale espagnole d’enquêter sur ses allégations de torture, et elle a apparemment quitté le pays en novembre 2007.

Amnesty International reconnait qu’une investigation judiciaire sur les allégations de torture de Nekane Txapartegi pendant la période de détention incommunicado a été menée par une cour ordinaire. Cette cour a décidé de rejeter la plainte en 2009. Or Amnesty International a observé par le passé et dans des cas similaires que les investigations de ce genre n’avaient pas toujours respecté les normes internationales en matière de droits humains.

Nekane Txapartegi a déclaré avoir été insultée, abusée sexuellement, battue à coups de poings et de pieds, avoir reçu des menaces de mort et avoir été soumise à une asphyxie partielle avec un sac en plastique. Malgré le fait qu’Amnesty International ait poussé les autorités espagnoles à mener une enquête sur ces allégations, rien n’a jamais été entrepris en ce sens à notre connaissance.

Amnesty International est préoccupée par les conclusions de deux experts internationalement reconnus pour mener des entrevues basées sur le Protocole d’Istanbul, qui ont rencontré Nekane Txapartegi. Ces experts ont constaté que « les résultats et le récit du patient sur la torture correspondent aux résultats des examens physiques menés selon le Protocole d’Istanbul, avec les documents et les récits de témoins inclus dans le dossier ainsi qu’avec les séquelles caractéristiques aux victimes de torture ». Le 25 avril 2017, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, a déclaré publiquement que la Suisse ne devrait pas extrader Nekane Txapartegi et qu’il disposait d’informations relatives au fait qu’elle avait, entre autres exactions, été abusée sexuellement, soumise à des chocs électriques et privée de sommeil pendant sa détention. Un recours contre la décision  de l’Office fédéral de la Justice suisse d’extrader Nekane Txapartegi est actuellement pendant.

Amnesty International demande aux autorités suisses de renoncer à extrader Nekane Txapartegi tant que les autorités espagnoles n’auront pas fourni des preuves suffisantes démontrant que les normes internationales en matière de procès équitable ont été respectées tout au long de la procédure pénale menée contre elle.

Suite aux allégations de Nekane Txapartegi selon lesquelles ses déclarations avaient étés obtenues sous la torture, l’Espagne devrait en particulier être en mesure de démontrer que l’Audience nationale espagnole :

  • a requis toutes les informations nécessaires sur les circonstances dans lesquelles les déclarations ont été obtenues ;
  • a évalué soigneusement et dans une audience séparée la question de la légalité des aveux ;
  • n’a pas enregistré les aveux de Nekane Txapartegi avant qu’il ne soit établi au-delà de tout doute raisonnable qu’ils aient été obtenus de façon légale.