«On ne peut pas laisser mourir sans réagir», «il faut que la Suisse bouge», «parce que la vie humaine devrait toujours avoir plus de valeurs que ces traits sur des cartes que sont les frontières». Les messages de soutien à l’Aquarius, le navire de sauvetage affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières en mer Méditerranée abondent sur le site Change.org. Près de 25 000 personnes ont signé la pétition demandant au Conseil fédéral et au Parlement suisse d’accorder le pavillon suisse au dernier navire humanitaire sauvant des migrant·e·s fuyant la Libye en deux semaines, un engouement encourageant. «En tant que pays neutre et siège de nombreuses institutions humanitaires internationales, la Suisse se doit d'agir concrètement aux côtés des migrants et permettre à l'Aquarius de continuer à sauver des vies, chaque jour, au large des côtes méditerranéennes», demande la pétition. Une revendication soutenue et relayée par Amnesty International.
L’Aquarius est privé de pavillon, depuis que le Panama a révoqué l’enregistrement du navire, le 23 septembre, suite aux pressions exercées par les autorités italiennes. L’Italie invoque comme motif le refus des membres de l’équipage d’obéir aux instructions des garde-frontières libyens. Ceux-ci exigeaient le renvoi des personnes secourues vers la Libye, un pays qui ne peut être considéré comme sûr, puisque la torture et les mauvais traitements y sont systématiques. Il s’agit du dernier déboire d’une longue série : en juin, le bateau s’était déjà vu interdire l’accès aux ports italiens et contraint d’errer de longs jours en mer, afin de trouver une solution pour débarquer les rescapés secourus. Le navire s’était aussi vu retirer son pavillon par Gibraltar.
Mobilisation nationale
La Plusieurs personnalités ont adressé une lettre ouverte au gouvernement en demandant aux autorités suisses d'accorder un pavillon à l'Aquarius. Parmi elles, Micheline Calmy-Rey, ancienne présidente de la Confédération, Jacques Dubochet, Prix Nobel de chimie, Cornelio Sommaruga, l’ex-président du CICR, Carla Del Ponte, l’ex-procureure générale de la Confédération et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, ainsi que Charles Morerod, le président de la Conférence des évêques suisses. Quatre conseillers nationaux : Ada Marra (PS/VD), Kurt Fluri (PLR/SO), Aline Trede (Verts/BE) et Guillaume Barazzone (PDC/GE) ont également interpellé le Conseil fédéral afin de demander l’octroi du pavillon helvétique à l’Aquarius.
L’Aquarius a déjà secouru près de 30 000 personnes depuis deux ans et demi. Entraver son travail expose des milliers de personnes au risque de mourir en mer. En 2018, plus de 1260 sont déjà mortes en tentant de traverser la Méditerranée. «Ces morts ne sont pas accidentelles, elles ne sont pas inévitables. Elles sont le résultat d’une volonté délibérée des gouvernements européens de laisser mourir pour dissuader d’autres personnes de venir en Europe. Or, la seule manière de stopper la migration irrégulière vers l’Europe est de créer des voies migratoires sûres et légales», a expliqué Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse.
Renforcer les sauvetages
Amnesty International appelle la Suisse et les gouvernements européens à renforcer les opérations de recherche et sauvetage en Méditerranée et permettre aux personnes secourues de débarquer dans le port sûr le plus proche. Elle demande aux Etats européens d’encourager la solidarité au lieu de la punir. Enfin, elle les exhorte à revoir leur collaboration avec la Libye, pour prioriser la protection des droits fondamentaux des migrant·e·s, au lieu de contribuer à les piéger en enfer en Libye.
«Face à la politique migratoire européenne de plus en plus immorale et en porte-à-faux avec les valeurs européennes de respect des droits humains, la société civile s’organise et manifeste son indignation à travers des manifestations dans plusieurs pays, comme c’est le cas ces derniers mois en Suisse. Le gouvernement suisse ne peut continuer à ignorer ses revendications et doit agir rapidement pour sauver des vies et protéger les droits des migrant·e·s», conclut Manon Schick.