«La Constitution fédérale et les traités internationaux ratifiés par la Suisse obligent les autorités suisses à respecter et protéger le droit de toutes les personnes, y compris des minorités linguistiques, à rechercher et à recevoir une information diversifiée», souligne Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. «Or la mise en œuvre de l’initiative «No Billag» entraverait l’accès à des informations et des opinions libres et variées pour les minorités linguistiques et certaines personnes vivant avec un handicap.»
Protection de la liberté d'expression des minorités linguistiques
Comme le stipule le Comité des droits de l’homme des Nations unies, les États doivent donc encourager l’existence des médias de façon à protéger le droit des personnes appartenant à des minorités ethniques et linguistiques de recevoir une grande variété d’informations et d’idées. Le Comité insiste en particulier sur l’obligation faite aux États d’assurer l’indépendance des chaînes de radio et de télévision. Ils devraient leur fournir un financement d’une manière qui ne risque pas de compromettre leur indépendance.
La Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, à laquelle la Suisse est partie, requiert des États qu’ils veillent à ce que les personnes appartenant à une minorité nationale ne soient pas discriminées dans leur accès à l’information. La convention demande en particulier que les États veillent, dans leur législation nationale sur la radio et la télévision, à accorder aux personnes appartenant à des minorités nationales la possibilité de créer et d’utiliser leurs propres médias.
La Constitution fédérale prévoit également des obligations particulières vis-à-vis des minorités linguistiques. L’article 70 stipule que «la Confédération soutient les mesures prises par les cantons des Grisons et du Tessin pour sauvegarder et promouvoir le romanche et l'italien.» Or, en interdisant le financement de tous les médias audiovisuels (aussi bien de la SSR que des chaînes de radio et télévision régionales), l’initiative entraverait la capacité de la Confédération de remplir son mandat de protection des droits des minorités ethniques et linguistiques.
Enfin, les États sont tenus de combattre toutes formes de discrimination, y compris lorsqu’une pratique ou une loi apparemment neutre provoque un désavantage disproportionné pour un groupe particulier sans justification raisonnable. Or, les régions linguistiques francophones, italophones et romanches, seraient particulièrement touchées par la disparition du financement étatique de la SSR ainsi que des radios et télévisions régionales privées. En effet, la redevance radio et télévision bénéficie très largement à ces régions: 70% des redevances sont collectées en Suisse alémanique, mais seuls 45% servent à financer les médias alémaniques, le reste étant reversé aux régions minoritaires.
Accès à l’information pour les personnes vivant avec un handicap
La Suisse a également des obligations spécifiques liées à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui exige que les États garantissent l’accès de ces personnes, par exemple les malentendants, aux mass-médias. Sans financement étatique, il ne serait pas sûr que les médias privés puissent assurer la traduction de leurs programmes en langue des signes.
«L'adoption de l'initiative «No Billag» signifierait beaucoup plus que la simple suppression des redevances. La Confédération ne pourrait plus financer aucune chaîne de radio ou de télévision, ni exploiter ses propres chaînes. Cela aurait des conséquences dramatiques non seulement pour les minorités, mais aussi pour l’ensemble de la société civile. Si l'accès à l'information et à des opinions variées est restreint, cela nous concerne et nous menace tous», conclut Manon Schick.