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Commerce des armes Exporter des armes suisses dans les pays en guerre civile?

14 février 2018
Suite à des pressions répétées de l’industrie suisse de l’armement, le Conseil fédéral est, semble-t-il, prêt à faire un pas de plus vers un assouplissement du contrôle des exportations d’armes. A l’avenir, du matériel de guerre devrait ainsi pouvoir être exporté directement dans des pays qui vivent une situation de guerre civile. Amnesty International a pris position sur la question par le biais d’une lettre au Conseil fédéral.

La Section suisse d’Amnesty International est très inquiète d’apprendre que les départements concernés, après une intervention de représentants de l’industrie de l’armement auprès d’une commission parlementaire, vont proposer au Conseil fédéral un nouvel assouplissement de l’ordonnance sur le matériel de guerre. Il est essentiellement question d’abolir la disposition qui interdit d’exporter des biens militaires vers les pays en situation de guerre civile.

Amnesty International est forcée de constater que, ces dernières années, le contrôle sur les exportations de matériel de guerre s’est lentement érodé:

  • La règle selon laquelle aucune exportation ne doit être autorisée vers un pays en situation de conflit interne ou international n’a jamais été appliquée à la lettre: les exportations vers les États-Unis lorsqu’ils étaient en guerre en Afghanistan ou en Irak n’ont par exemple jamais été interrompues.
  • En novembre 2014, le Parlement a modifié l’ordonnance et rendu possible l’exportation de matériel de guerre vers des pays où les violations des droits humains sont graves et systématiques. Il suffit pour cela que le risque soit considéré comme minime de voir le matériel exporté utilisé pour commettre des exactions.
  • En avril 2016, le Conseil fédéral a donné une nouvelle interprétation de l’ordonnance en précisant que l’interdiction d’exporter du matériel de guerre vers des pays impliqués dans un conflit n’est applicable que dans les cas où le conflit se déroule directement dans le pays importateur.

Les critères d’exclusion que le Conseil fédéral avait mis en place en 2009, face à la menace d’une initiative populaire qui demandait l’interdiction totale des exportations d’armes, se retrouvent ainsi grandement affaiblis aujourd’hui.

Des contrôles à l’exportation stricts pour combattre la souffrance

Dans le cas où le Conseil fédéral déciderait d’un nouvel assouplissement des contrôles sur les exportations d’armement, il devrait veiller à ce que la Suisse continue à se conformer strictement aux engagements qu’elle a pris en ratifiant le Traité sur le commerce des armes (TCA).  Il doit être conscient que le risque que des armes exportées soient utilisées pour commettre de graves violations des droits humains ou du droit international humanitaire s’accroît lorsque le pays de destination est impliqué dans un conflit armé, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un pays connu pour violer gravement et systématiquement les droits humains.

Au vu de la crise humanitaire qui accompagne le conflit au Yémen, plusieurs États européens, dont l’Allemagne et la Norvège, ont suspendu tout transfert d’armement vers les pays membres de la coalition militaire conduite par l’Arabie Saoudite. La Suisse doit maintenant elle aussi veiller à ce qu’aucune de ses exportations d’armes ne soit autorisée si le risque existe qu’elles soient utilisées dans le conflit yéménite.

En sa qualité d’État hôte du TCA et des Conventions de Genève, la Suisse ne doit pas niveler vers le bas ses contrôles sur les exportations de matériel de guerre. Elle doit au contraire garantir un contrôle strict et efficace pour soulager la souffrance de milliers d’êtres humains et prévenir de nouvelles catastrophes humanitaires.