Amnesty salue la décision du juge d’acquitter Flavie Bettex. C’est une décision importante qui montre qu’héberger une personne en situation irrégulière par solidarité et sans en retirer d’avantages personnels ni entraver le travail des autorités en charge de l’asile n’est pas punissable. La condamnation initiale était incompréhensible. En sous-louant son appartement à un requérant d’asile débouté à l’aide d’urgence, la jeune femme avait agi avec l’accord de l’Etablissement vaudois d’aide aux migrants (EVAM) et n’en a retiré aucun bénéfice matériel. A aucun moment, elle n’a obstrué le travail des autorités en charge de l’asile.
La Vaudoise avait été condamnée pour infraction à l’article 116 de la Loi sur les étrangers pour «incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux». Cette condamnation allait à l’encontre du principe de la bonne foi. Le requérant d’asile iranien, dont la demande d’asile avait été rejetée, souffrait de problèmes médicaux et ne pouvait pas être logé dans un foyer. C’est pourquoi, la jeune femme de 27 ans lui a proposé de lui sous-louer un appartement qu’elle avait obtenu à son nom. L’homme ne pouvait pas être renvoyé vers l’Iran, était financièrement soutenu par l’EVAM qui payait le loyer de l’appartement. La jeune femme n’avait donc aucune raison de se douter que son agissement était contraire à la loi, puisque les autorités étaient informées des modalités de la sous-location.
Près de 800 condamnations en 2017
Le cas de Flavie Bettex n’est pas unique. Amnesty International s’inquiète de la répression des personnes défendant les droits des migrants et des réfugiés en Europe. En Suisse, notamment, plusieurs cas de criminalisation de la solidarité ont récemment été médiatisés en Suisse. Il semblerait que ces cas ne soient pourtant que la pointe de l’iceberg. Les statistiques montrent que près de 800 personnes ont été condamnées l’an passé pour avoir facilité l’entrée, la sortie et le séjour illégal d’un étranger. Beaucoup d’entre elles ont payé leur amende sans faire recours. Amnesty s’inquiète du nombre important de ces condamnations.
L’article 116 de la Loi sur les étrangers doit servir à condamner les trafiquants, les passeurs et toute personne qui exploite la détresse des migrants et non les citoyens de notre pays qui agissent par solidarité pour protéger leurs droits fondamentaux. Amnesty International demande aux autorités judiciaires suisses d’appliquer avec bon sens et proportionnalité cet article et de s’abstenir de condamner des personnes ou des institutions qui fournissent des biens de première nécessité, comme de la nourriture ou un logement, à des personnes dans le besoin, sans statut légal en Suisse, sans en retirer d’avantages matériels.
Réintroduire une clause de non-punissabilité
En 2008, l’entrée en vigueur de la révision de la Loi sur les étrangers a fait disparaître la clause de non-punissabilité pour des «mobiles honorables». L’article 116 qui sanctionne «l’incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux» a été introduit. Amnesty demande au Parlement de réintroduire une telle clause. Les autorités helvétiques doivent poursuivre les trafiquants, les passeurs et toute personne qui exploite la détresse des migrants et des réfugiés mais pas les citoyens qui agissent avec solidarité pour protéger leurs droits fondamentaux.
Cette tendance inquiétante de criminalisation des défenseurs des droits des migrants va à l’encontre des engagements nationaux et internationaux pris par la Suisse en matière de protection des défenseurs des droits humains. Amnesty International exhorte les autorités suisses à encourager et non punir la solidarité envers les migrants et les réfugiés dans notre pays.