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Suisse Une dureté non nécessaire envers des demandeurs d'asile érythréens

Communiqué de presse publié le 5 avril 2018, Berne. Contact du service de presse
Amnesty International critique la décision du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) de préparer la levée de l’admission provisoire de plus de 3000 Erythréennes et Erythréens et demande de ne pas appliquer cette mesure. La levée des admissions provisoires pousserait des milliers de personnes dans la situation précaire de l’aide d’urgence et dans l’illégalité.

Le SEM justifie la levée planifiée des quelque 3200 admissions provisoires d’Erythréennes et d’Erythréens par le jugement du Tribunal administratif fédéral d’août 2017. Bien qu’il ait expressément reconnu que les autorités suisses ignoraient beaucoup d’éléments sur la situation du pays, le Tribunal avait alors conclu qu’une convocation pour le «service national obligatoire» qui dure plusieurs années et/ou que l’emprisonnement pour certaines catégories de personnes était «improbable» et que, dès lors, le renvoi d’Erythréennes et d’Erythréens était acceptable. Amnesty avait vivement critiqué ce jugement en raison des grosses incertitudes qui persistaient.

«La situation des droits humains en Erythrée ne s’est pas améliorée ces derniers mois.»Reto Rufer, coordinateur de campagnes pour l’Afrique à Amnesty Suisse.

«Suite à ce jugement, le SEM ne serait pas obligé de lever les admissions provisoires déjà octroyées. La situation des droits humains en Erythrée ne s’est pas améliorée ces derniers mois. Au contraire, des manifestations et arrestations en masse ont eu lieu ces dernières semaines», affirme Reto Rufer, coordinateur de campagnes pour l’Afrique à Amnesty Suisse.

Concession à la pression politique en Érythrée

La pratique de la Suisse envers les demandeuses et demandeurs d’asile érythréen∙ne∙s est aujourd’hui déjà plus dure que d’autres pays européens comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni et le nombre de demandes d’asile chute.

«L'envoi de 3200 lettres avec la menace de la suspension du statut de protection aux Érythréens provisoirement admis devrait donc être considéré comme une concession à la pression politique interne en Érythrée», a déclaré Reto Rufer d’Amnesty International.  «La Suisse a exprimé sa préoccupation au sujet de la situation des droits humains en Erythrée - en particulier le 12 mars 2018 au Conseil des droits de l'homme de l’ONU à Genève - et explicitement critiqué le manque d’'information indépendante disponible sur la question. En même temps, elle durcit sa politique, rendant cet accès à l’information encore plus difficile.»

Situation inhumaine d'aide d'urgence et d'illégalité

Ceux et celles qui souffrent sont les Érythréen∙ne∙s concerné∙e∙s. Comme presque personne ne sera effectivement renvoyé, le SEM contraint des centaines de demandeurs et demandeuses d’asile dans la situation insoutenable et inhumaine de l'aide d'urgence et de l'illégalité. «Comme le SEM ne peut forcer personne à retourner en Erythrée, explique Reto Rufer, il ne verra pas de nombreux Erythréen∙ne∙s être arrêté∙e∙s à Asmara ou enrôlé∙e∙s de force dans l’armée après leur rapatriement forcé. Le SEM n'a donc pas à se demander si quelqu’un est réellement en danger. Sa mesure est avant tout une politique de dissuasion aux dépens des personnes concernées».

Face à cette situation, Amnesty demande au Département fédéral de justice et police (DFJP) et au SEM de ne pas mettre en œuvre la menace d'annulation massive d'enregistrements préliminaires.

Outre le SEM, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) subit des pressions politiques internes considérables pour développer de bonnes relations avec le régime d'Asmara. La question principale ici est la conclusion d'un accord de réadmission. Toutefois, une politique étrangère cohérente devrait commencer par l'amélioration de la situation des droits humains:  «Jusqu'à ce qu'au moins le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ait accès aux prisons érythréennes, l'ouverture d'une ambassade ou une visite officielle du conseiller fédéral Cassis à Asmara pourrait servir à légitimer le régime», a déclaré Reto Rufer.