«Ces projets de loi ne créent pas plus de sécurité, ils affaiblissent plutôt notre État de droit et nos droits fondamentaux», analyse Patrick Walder d'Amnesty International. «Les parlementaires devraient prendre au sérieux les critiques apportées par des experts nationaux et étrangers aux lois antiterroristes et voter non. Ou au moins admettre avec une abstention qu'il y a encore trop de questions sans réponse autour de ces projets de loi.»
«Les parlementaires devraient prendre au sérieux les critiques apportées par des experts nationaux et étrangers aux lois antiterroristes et voter non.» Patrick Walder, Amnesty International
Les lois ouvrent la porte à l'arbitraire
Peu avant le vote final au Parlement jeudi, des professeurs de droit suisse ont également exprimé de vives critiques à l'égard de la loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT): la loi laisse « la porte ouverte à l'arbitraire », dénoncent-ils dans une lettre ouverte (voir pièce jointe) envoyée aux parlementaires.
La loi permet la répression sans garanties pénales, offre un contrôle judiciaire insuffisant et introduit une «présomption de dangerosité». En particulier, l'assignation à résidence proposée n'est pas compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).
«C’est en effet d’un État de droit fort dont la Suisse a besoin pour pouvoir répondre à la menace terroriste. Or le projet de loi devant l’Assemblée fédérale pose de sérieuses difficultés à la lumière de la Constitution fédérale et des instruments internationaux des droits humains. Son adoption porterait ainsi atteinte à notre État de droit», stipule la lettre ouverte.
Un modèle pour les gouvernements autoritaires
Dans une nouvelle prise de position, les experts des droits humains des Nations unies ont, eux aussi, vivement critiqué la loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT). Ils sont particulièrement préoccupés par le fait que la nouvelle définition de ce qui est une «activité terroriste» ne présuppose pas la commission d’une infraction pénale ou le recours à la violence. Au contraire, selon la loi, l’activité terroriste peut même inclure des actions légitimes visant à influencer l’ordre étatique, telles que les activités légitimes de journalistes, de la société civile ou de militants politiques.
«L'élargissement de la définition du terrorisme à toute campagne non violente impliquant la propagation de la peur va bien au-delà de l’actuel droit national suisse et contrevient aux normes internationales», soulignent les experts de l’ONU. «Cette définition excessivement large crée un dangereux précédent et risque de servir de modèle aux gouvernements autoritaires qui cherchent à réprimer la dissidence politique.»
La Plate-forme des ONG suisses pour les droits humains regroupe près de 90 organisations non gouvernementales.