«L’interdiction de se voiler le visage ne contribue en rien à libérer les femmes, bien au contraire. C’est une manœuvre politique jouant sur les symboles, qui discrimine les femmes concernées et viole leur liberté d’opinion et de religion» dit Cyrielle Huguenot, responsable droits des femmes à Amnesty International Suisse.
«En Suisse, seule une poignée de femmes musulmanes dissimulent leur visage. La loi permet déjà de punir quiconque oblige une personne à se dissimuler le visage. Une interdiction manquerait donc sa cible et causerait du tort à celles qu’elle prétend sauver: les quelques femmes contraintes par leur mari ou leur communauté de porter le voile intégral risquent d’être criminalisées et isolées».
Une initiative disproportionnée et discriminatoire
Interdire à une personne d’exprimer une appartenance religieuse en arborant certains vêtements dans l’espace public contrevient à sa liberté de religion et à sa liberté d’expression. Une limitation de ces droits inscrits dans notre Constitution doit être justifiée par un intérêt public prépondérant, et elle doit être proportionnée.
Le comité des droits de l’homme des Nations-Unies, qui surveille la mise en œuvre du pacte international sur les droits civils et politiques, a précisé dans deux décisions rendues en 2018 que les États parties, dont la Suisse, pouvaient exiger des personnes qu’elles dévoilent leur visage dans certaines circonstances à des fins de contrôle de leur identité. Mais une interdiction générale de dissimuler son visage est selon le comité une mesure trop radicale. Il n’a pas été convaincu par les arguments présentés par la France, qui prétendait qu’une telle interdiction était nécessaire et proportionnée pour des raisons de sécurité et qu’elle visait à assurer le respect du «vivre ensemble». Le comité estime que loin de mieux protéger les femmes portant le voile intégral, une interdiction aurait pour effet de les marginaliser encore davantage. Elles risquent d’être cantonnées chez elles et exclues de la vie publique.
Cimenter les préjugés
L’interdiction de se dissimuler le visage est porteuse d’une grave menace, celle de renforcer les préjugés et l’intolérance à l’égard de certains groupes sociaux. On l’a vu avec l’initiative contre les minarets, lancée par ce même comité d’Egerkingen: sous couvert de promouvoir le vivre-ensemble, ce type d’initiative est toxique pour la cohésion sociale.
Bon nombre de musulmanes et de musulmans en Suisse perçoivent les interdictions visant des symboles religieux non comme des mesures favorisant l’intégration, mais comme un rejet de leurs communautés et de leur religion. Cela attise inutilement les conflits.
Pour toutes ces raisons, Amnesty International recommande de voter non à l’initiative «Oui à une interdiction de se dissimuler le visage» le 7 mars 2021.
Vous trouverez ici la position détaillée d’Amnesty International.