©  Kiana Hayeri / Amnesty International
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Suisse : Session spéciale Afghanistan au Parlement L’accueil des femmes afghanes ne doit pas être remis en question !

Communiqué de presse publié le 18 décembre 2023, Berne. Contact du service de presse
Cet été, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a décidé que les femmes et filles afghanes pouvaient bénéficier du statut de réfugié étant donné la persécution systématique qu’elles subissent en Afghanistan. Cette pratique, confirmée par un arrêt rendu par le Tribunal administratif fédéral en novembre, a été remise en cause par plusieurs motions. Ces dernières seront discutées dès demain au Parlement lors d’une Session spéciale Afghanistan. Amnesty International recommande vivement de rejeter ces motions et appelle à la poursuite de la pratique actuelle du SEM concernant les Afghan·ne·x·s.

En été 2023, le Secrétariat d'État aux migrations a décidé que les demandeuses d'asile afghanes pouvaient être considérées comme victimes à la fois d'une législation discriminatoire et de persécutions religieuses et que, par conséquent, le statut de réfugié devait leur être accordé dans le cadre d'un examen au cas par cas. Cette pratique est largement acceptée non seulement en Suisse, mais aussi dans plusieurs pays européens. L'arrêt rendu le 22 novembre par le Tribunal administratif fédéral (TAF) a confirmé la nouvelle pratique du SEM. Le TAF a retenu « qu’après la prise de pouvoir par les talibans et le retrait des troupes internationales, les conséquences ont été dramatiques dans tous les domaines de la vie en Afghanistan… Les femmes et les filles afghanes sont donc particulièrement en danger. »

Dès demain, le Conseil des États et le Conseil national se pencheront sur deux interventions dans le cadre d'une session extraordinaire consacrée à la pratique de l'asile en ce qui concerne les femmes et filles Afghanes. Les motions 23.4247 et 23.4241 demandent l'annulation de la pratique actuelle du SEM. La motion 23.4246, qui se concentre sur les Afghans de sexe masculin, demande même que le Conseil fédéral qualifie l'Afghanistan de « pays sûr » et négocie un partenariat migratoire avec le gouvernement des talibans.

Situation dramatique pour les femmes sur place

« Ces objets traités au Conseil national et au Conseil des États ont en commun d’ignorer totalement la situation actuelle dans le pays. Et l'idée d'élaborer un partenariat migratoire avec le gouvernement des talibans est des plus cynique. La situation des droits humains en Afghanistan reste précaire en raison de nombreuses violations documentées. Depuis la prise de pouvoir par les talibans, la situation des femmes et des filles en particulier n'a cessé de se détériorer. Elles sont systématiquement persécutées et leurs droits sont strictement limités », observe Alicia Giraudel, juriste à Amnesty Suisse.

La discrimination des femmes et des filles en Afghanistan touche tous les domaines de leur vie. Depuis l'effondrement de la République, les autorités ont démantelé le cadre juridique et institutionnel, et gouvernent avec les formes les plus extrêmes de misogynie, réduisant à néant les progrès relatifs en matière d'égalité des sexes qui avaient été réalisés au cours des deux dernières décennies. La vie des femmes et des filles en Afghanistan est détruite par le non-respect de leurs droits humains. Les femmes qui protestent pacifiquement contre ces mesures répressives sont exposées aux menaces, au harcèlement, aux arrestations arbitraires et à la torture. De nombreuses femmes font état de sentiments de peur et d'angoisse extrême. Elles décrivent leur situation comme une vie d'assignation à résidence.

La situation sur place s'est encore aggravée après des catastrophes naturelles telles que le tremblement de terre qui a lieu en octobre. Les réfugié·e·x·s ne trouvent pas non plus de protection au Pakistan voisin. En effet, les autorités pakistanaises violent leurs obligations au regard du droit international en harcelant les Afghane·e·x·s, en les emprisonnant ou en les expulsant en masse.

Le Parlement ne doit pas ignorer le droit international

« Les décisions du SEM et du TAF se basent sur des analyses récentes et détaillées de la situation en Afghanistan. Du point de vue de l’État de droit, il est extrêmement problématique de remettre en question la pratique actuelle du SEM, qui vient d’être confirmée par le Tribunal de dernière instance. Le Parlement devrait élaborer des politiques compatibles avec la loi, et non pas adapter la loi à ses politiques. Les trois motions discutées demain doivent absolument être rejetées, et le SEM doit poursuivre sa pratique actuelle en ce qui concerne les Afghan·ne·x·s », conclut Alicia Giraudel.