Nous devons en grande partie les acquis importants – que ce soit dans le domaine des droits des femmes, de la protection du climat, de la lutte contre les discriminations – à des personnes qui sont descendues dans la rue pour défendre ces causes. « Le droit à la liberté de réunion est un pilier central des sociétés démocratiques. Manifester permet de s’opposer aux abus et nous donne à chacun une voix », déclare Lisa Salza, responsable de campagne droit de manifester en Suisse.
Au lieu de reconnaître le rôle important des manifestations, les Jeunes UDC font de l'ombre aux personnes qui s'engagent pour des causes importantes avec une initiative contraire au droit international. L'initiative cantonale « pour l'application du droit et de l'ordre » viole le droit à la liberté de réunion, pourtant ancré dans la Constitution et le droit international.
Selon le Comité des droits de l'homme de l'ONU, l'obligation d'autorisation préalable demandée par les initiant·e·x·s est contraire au droit international, car elle sape l'idée que les rassemblements pacifiques sont un droit fondamental. Selon les normes internationales en matière de droits humains, l'exercice du droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique ne devrait pas dépendre d'une autorisation des autorités. C'est pourquoi Amnesty International considère toute procédure exigeant une autorisation en amont d’une manifestation comme une ingérence injustifiée dans le droit de se réunir pacifiquement.
« En lieu et place de l'obligation d'autorisation, les autorités peuvent prévoir une obligation de notification pour certaines formes de rassemblement. Avec un système de notification, les manifestations devraient simplement être déclarées et les autorités ne pourraient les interdire que s'il existe une raison impérieuse de le faire – c'est-à-dire si, par exemple, le maintien de la sécurité nationale ne peut pas être garanti autrement », explique Lisa Salza. L'obligation de notification permettrait toujours aux autorités compétentes de remplir leurs obligations en matière de protection des manifestations et de garantir le bon déroulement de l'événement.
La Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) exige également de la tolérance de la part de l'État vis-à-vis des rassemblements pacifiques non annoncés. Cette tolérance devrait également s'étendre aux rassemblements pacifiques qui causent un certain degré de perturbation de la vie normale, y compris de la circulation.
Imputer des frais est contraire aux directives internationales
L'initiative « pour le respect du droit et de l'ordre » demande en outre que les coûts d’éventuels dommages matériels ou des interventions de la police soient pris en charge par les organisateur·ice·x·s des manifestations. Une exigence contraire au droit international, car selon le Comité des droits de l'homme de l'ONU et la CEDH, les actes de violence commis par certains participant·e·x·s ne peuvent pas être imputés aux personnes en charge de l’organisation.
Les lignes directrices de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) stipulent également que les organisateur·ice·x·s ne doivent en aucun cas être tenu·e·x·s de payer pour les dommages causés par d'autres participant·e·x·s au rassemblement – à moins qu'iels n'aient incité ou causé directement ces dommages d'une autre manière. La responsabilité doit être basée sur la faute individuelle, et étayée par des preuves.
« C'est en principe à l'État, et non aux organisateurs, d'assurer la sécurité lors des manifestations. Exiger une prise en charge des frais demandée pourrait empêcher de nombreux mouvements pacifiques d'organiser des manifestations », explique Lisa Salza.
Du point de vue du droit international, les restrictions exigées par l'initiative sont également problématiques pour une autre raison : on peut supposer que les mesures demandées auront un effet dissuasif sur la tenue de futures manifestations. « Cet effet dissuasif est voulu par les initiant·e·x·s, mais il peut constituer une violation indirecte du droit à la liberté de réunion pacifique selon les lignes directrices de l'OSCE, en particulier si les mesures demandées entraînent des sanctions inutiles et disproportionnées », ajoute Lisa Salza.
Amnesty International demande aux autorités zurichoises de se conformer aux obligations de la Suisse en matière de droits humains. Ceci dans un contexte où des initiatives similaires sont déjà prévues dans d'autres villes de Suisse. À Bâle-Ville, la collecte de signatures pour la variante bâloise de l'initiative « anti-chaos » est actuellement en cours.
« L’introduction de pratiques et de lois contraires au droit international met en danger les droits fondamentaux, notamment notre droit à nous engager pour une société plus juste. Les restrictions au droit de manifester, et donc aux libertés de réunion et d'expression, nuisent à la participation politique de la population. En fin de compte, c’est notre démocratie directe qui en pâtit », conclut Lisa Salza.
Plus d’informations sur la campagne d’Amnesty en faveur du droit de manifester