Initiative «anti-chaos» – Conférence de presse Dossier de presse

6 février 2024
Vous trouverez ici le contenu du kit média pour accompagner la conférence de presse d'Amnesty Suisse du 6 février 2024.

VOTATION À ZURICH

Le droit de manifester en danger !

 

Le 3 mars 2024, le canton de Zurich votera sur l'initiative de l'UDC « pour l'application du droit et de l'ordre » et sur le contre-projet du canton. Ces deux textes menacent la liberté d'expression et de réunion, constituent une attaque contre nos droits garantis, pénalisent la participation des jeunes et affectent la mobilisation populaire. Réunies en conférence de presse, des voix de la société civile recommandent fermement un double non lors de la votation.

Tant l’initiative de l’UDC que le contre-projet du canton prévoient l'obligation d'une autorisation comme préalable à toute manifestation, ainsi que le report des d’interventions de la police sur les personnes participant à des manifestations. Les manifestant·e∙x∙s pacifiques et même les passant·e∙x∙s non impliqué∙e∙x∙s pourraient se voir facturer des sommes élevées.

« Selon le droit international, les autorités ne doivent pas soumettre le droit aux libertés d’expression et de réunion à une autorisation. Aussi longtemps qu’une manifestation se déroule de manière pacifique, elle est protégée en vertu de la liberté de réunion pacifique, même si elle n’a pas fait l’objet d’une autorisation. Cela reste le cas lorsqu’il en résulte des perturbations ou certaines limitations des activités quotidiennes », a souligné Patrick Walder, coordinateur de campagne à Amnesty Suisse.

« Par ailleurs, il appartient aux autorités, et non aux manifestant∙e∙x·s, de garantir la sécurité lors de rassemblements. Les activités de maintien de l’ordre public durant un rassemblement ne doivent pas engendrer des coûts pour les personnes qui organisent ou participent à des manifestations. La perspective de devoir s’en acquitter risque en effet d’amener la population à renoncer à faire usage de son droit de manifester », a ajouté Patrick Walder.

La société civile mobilisée pour le droit de manifester

« La liberté de réunion fait partie des fondements de la démocratie. Les obstacles bureaucratiques et l’effet intimidant de nouveaux coûts affaiblissent le cadre de vie démocratique que nous devrions plus que jamais renforcer », estime Matthias Mahlmann, professeur de droit public à l’université de Zurich. Markus Husmann, des Juristes démocrates Suisse, abonde : « en généralisant les demandes d'autorisation et en faisant peser les coûts des interventions policières sur les organisateurs de manifestations, on crée des conditions-cadres qui font de la liberté d'expression un projet risqué et fastidieux. »

« Si l'on veut vivre dans une société libre, on doit pouvoir tolérer certaines perturbations. Les actes de violence relèvent uniquement du droit pénal, qui punit l'individu. Cette initiative fait fi du droit pénal et introduit une forme de punition collective par le biais de la répercussion obligatoire des coûts. Elle s’attaque ainsi clairement à l'État de droit », a quant à elle relevé Sanija Ameti, coprésidente d'Opération Libero.

Les manifestations permettent aux jeunes mineurs ou aux étrangers qui n'ont pas le droit de vote de participer au débat politique. « Nous ne devrions pas criminaliser les jeunes qui s'intéressent à la politique et descendent dans la rue, mais au contraire les prendre au sérieux », a déclaré Florian Hebeisen, membre du comité directeur du Conseil suisse des activités de jeunesse. « C'est grâce aux militant·e·x·s de la cause climatique que ce thème figure à l'agenda mondial. Si l'on veut protéger les conditions nécessaires à la vie sur terre, il faut protéger la liberté d'expression et de réunion » souligne quant à elle Iris Menn, directrice de Greenpeace Suisse.

L’initiative de l’UDC et le contre-projet du canton menacent la liberté d'expression et de réunion, qui sont garanties par la Constitution fédérale et le droit international. Manifester pacifiquement est un droit fondamental – et non une faveur qui peut être accordée ou refusée par les autorités. Il importe de rejeter l’initiative de l’UDC et le contre-projet du canton, ceci dans un contexte où des initiatives ou mesures similaires sont déjà prévues ou entrées en vigueur dans d'autres villes de Suisse.

DÉCLARATIONS DES PARTICIPANT·E·X·S À LA CONFÉRENCE DE PRESSE

« La liberté de réunion fait partie des fondements de la démocratie. Les obstacles bureaucratiques et les mesures d'intimidation que représente la création de nouveaux coûts affaiblissent le cadre de vie démocratique que nous devrions plus que jamais renforcer. »

Matthias Mahlmann, professeur de droit public, université de Zurich

 

« En généralisant les demandes d'autorisation et faisant peser les coûts des interventions policières sur les organisateurs de manifestations, on crée des conditions-cadres qui font de la liberté d'expression un projet risqué et fastidieux. »

Markus Husmann, avocat, Juristes démocrates Suisse

 

« Le but d'une démocratie libérale est de garantir la plus grande liberté au plus grand nombre de personnes. Si l'on veut vivre dans une société libre, on doit pouvoir tolérer certaines perturbations. Les actes de violence relèvent uniquement du droit pénal, qui punit l'individu. Cette initiative fait fi du droit pénal et introduit une forme de punition collective par le biais de la répercussion obligatoire des coûts. Elle s’attaque ainsi clairement à l'État de droit libéral et n'a rien à faire dans notre démocratie. » 

Sanija Ameti, coprésidente d'Opération Libero

 

« Les manifestations sont un moyen important pour les jeunes qui n'ont pas le droit de vote de participer au débat politique. Or, des projets antidémocratiques comme l’initiative ‘anti-chaos’ créent de nouveaux obstacles à l'engagement politique des jeunes. En cas d'acceptation, nous ferions un énorme pas en arrière. Nous ne devrions pas criminaliser les jeunes qui s'intéressent à la politique et qui descendent dans la rue, mais au contraire les prendre au sérieux. »

Florian Hebeisen, membre du comité directeur du Conseil suisse des activités de jeunesse CSAJ

 

« Les manifestations non violentes et la désobéissance civile participent d'une démocratie et sont essentielles pour la protection du climat et de la biodiversité. C'est grâce aux militant·e·x·s de la cause climatique que ces thèmes figurent à l'agenda mondial. Si l'on veut protéger les conditions nécessaires à la vie sur terre, il faut protéger la liberté d'expression et de réunion ! »

Iris Menn, directrice de Greenpeace Suisse

 

« Les deux textes menacent la liberté d'expression et de réunion, qui sont garanties par la Constitution fédérale et le droit international. L'obligation générale d'autorisation et la menace de répercussion des coûts ont un effet dissuasif sur l'exercice de nos droits. Manifester pacifiquement est un droit humain fondamental – et non une faveur qui peut être accordée ou refusée par les autorités. »

Patrick Walder, Amnesty International

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CONCLUSIONS DE L’ANALYSE JURIDIQUE

 

L’initiative de l’UDC et le contre-projet du canton de Zurich mettent en péril la liberté d’expression et la liberté de réunion garanties par le droit international et la Constitution fédérale. Amnesty International recommande donc un double non lors de la votation cantonale du 3 mars.

Les deux propositions – initiative de l’UDC et contre-projet – veulent rendre obligatoire l’obtention d’une autorisation pour toute manifestation et faire payer les coûts de l’engagement des forces de police aux organisateur∙rice∙x∙s et participant∙e∙x∙s des manifestations non autorisées.

Amnesty International s’oppose à ces deux propositions, car elles menacent la liberté d’expression et la liberté de rassemblement pacifique garanties par le droit international et la Constitution fédérale.

Les arguments d’Amnesty contre l’initiative de l’UDC et le contre-projet

Restriction de la liberté d’expression

Les manifestations pacifiques font partie d’une démocratie vivante. De nombreuses avancées qui ont aujourd’hui leur place dans notre société ont d’abord été revendiquées dans des manifestations – qu’on pense au vote des femmes ou à l’assurance-vieillesse. Les manifestations sont un des canaux d’expression de la volonté populaire, mais aussi un moyen de faire entendre des voix qui autrement resteraient inaudibles, par exemple celles des étranger∙ère∙x∙s de deuxième génération ou des jeunes encore mineur∙e∙x∙s. L’initiative de l’UDC et le contre-projet veulent restreindre drastiquement nos droits fondamentaux à la démocratie.

Exiger une autorisation de manifester est contraire au droit international

Manifester pacifiquement n’est ni une faveur accordée à bien plaire, ni un privilège réservé à certaines personnes, mais un droit humain fondamental. Conformément au droit international, son exercice ne doit pas être tributaire d’une autorisation des pouvoirs publics. Les manifestations spontanées, par définition non autorisées, sont donc également protégées par notre Constitution. La participation pacifique à de telles manifestations ne peut en aucun cas être poursuivie ou sanctionnée.

Une obligation d’annoncer les manifestations, mais pas d’obtenir une autorisation

En droit international, seule peut être considérée comme licite l’obligation d’annoncer une manifestation. Cette annonce doit permettre aux pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour assumer leur devoir de protection et faciliter l’exercice du droit de manifester, par exemple en minimisant l’impact sur la circulation routière et en prenant d’autres mesures de sécurité.

Même les manifestations «non autorisées» sont protégées

Aussi longtemps qu’une manifestation se déroule de manière pacifique, elle est protégée en vertu de la liberté de réunion pacifique, même si elle n’a pas fait l’objet d’une autorisation. Cela reste le cas lorsqu’il en résulte des perturbations ou certaines limitations des activités quotidiennes. Le Tribunal fédéral a enjoint les autorités de faire preuve d’une certaine tolérance envers de tels rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion (article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme CEDH) ne soit pas vidée de son sens.

Les sanctions et amendes pour manifestation «non autorisée» sont illégales

Omettre d’annoncer une manifestation aux pouvoirs publics (ou d’obtenir leur autorisation) ne rend pas la participation à cette manifestation illégale, et cette circonstance ne peut pas être invoquée pour dissoudre un rassemblement, arrêter les personnes qui y participent ou leur infliger des sanctions disproportionnées. Cela s’applique aussi aux sanctions consistant à faire payer aux manifestant∙e∙x∙s les coûts d’engagement des forces de police. Il est illicite de faire porter ces charges aux personnes qui organisent et participent à des manifestations protégées par les droits humains, car la crainte des conséquences négatives peut les dissuader d’exercer leur droit de manifester.

La sécurité est du ressort de la police

Il appartient aux autorités et non aux organisateur∙rice∙x∙s de garantir la sécurité lors des manifestations. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU estime que les activités de maintien de l’ordre public durant un rassemblement pacifique (engagement des forces de police, mesures de sécurité) ne doivent pas engendrer des coûts pour les organisteur∙rice∙x∙s.

La menace des coûts : une manœuvre d’intimidation à l’égard de manifestant∙e∙x∙s pacifiques

Le report des coûts des opérations de police sur les organisateur∙rice∙x∙s de manifestations pacifiques et leurs participant∙e∙x∙s est arbitraire et dissuasif. L’initiative de l’UDC et le contre-projet voudraient ériger cette mesure en principe. Les manifestante∙x∙s pacifiques et même les passante∙x∙s non impliqué∙e∙x∙s pourraient donc se voir facturer des sommes élevées.

Un effet dissuasif qui compromet l’exercice des droits humains

Faire payer ces coûts aux organisateur∙rice∙x∙s et aux participant∙e∙x∙s aura un effet dissuasif : la perspective de devoir s’en acquitter peut en effet amener la population à renoncer à faire usage de ses droits fondamentaux. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le Comité des droits humains et le Tribunal fédéral ont reconnu que l’effet dissuasif constituait une violation de la liberté d’expression et de la liberté de réunion pacifique, car il empêche ou restreint l’exercice de ces droits.

 

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