La Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg © pixabay
La Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg © pixabay

Affaire Wa Baile La CrEDH condamne la Suisse pour profilage ethnique

Communiqué de presse publié le 20 février 2024, Strasbourg/Berne. Contact du service de presse
Les années de lutte de l'activiste Mohamed Wa Baile et des milieux qui le soutiennent ont abouti à un jugement important contre le profilage ethnique. La Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) a condamné la Suisse à l'unanimité pour discrimination raciale.

Dans un arrêt rendu aujourd'hui, la CrEDH a condamné la Suisse pour avoir omis d’examiner des allégations de discrimination raciale à l’encontre de la police. La Cour a également constaté une violation matérielle de l'interdiction de discrimination combinée avec le droit au respect de la vie privée et une violation du droit à un recours effectif.

«La police suisse ne peut plus se cacher derrière la fausse affirmation selon laquelle le profilage ethnique n'existe pas dans ses rangs.» Alicia Giraudel, juriste à Amnesty International Suisse

« La Suisse doit prendre des mesures immédiates pour se conformer à cet arrêt, notamment en modifiant ses lois, ses politiques et ses pratiques policières conformément aux standards internationaux et en luttant contre le profilage ethnique », a déclaré Alicia Giraudel, juriste à Amnesty International Suisse.

En 2015, Mohamed Wa Baile a été soumis à un contrôle d'identité par la police à la gare centrale de Zurich alors qu'il se rendait à son travail. Il a refusé de présenter sa carte d'identité, car les policiers ne lui ont pas donné les raisons du contrôle et il a estimé que celui-ci avait un caractère raciste. Il a alors reçu une amende pour non-respect d'un ordre de la police. En 2018, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation de Mohamed Wa Baile par la Cour suprême de Zurich. Celui-ci a fait appel de cette décision auprès de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg.

La Suisse aurait été tenue d’examiner sérieusement la plainte pour discrimination raciale déposée par Mohamed Wa Baile. En outre, les autorités n'ont pas pu réfuter la présomption de traitement discriminatoire lors de l'interpellation et la fouille de Wa Baile à la gare centrale de Zurich, constate la CrEDH dans son arrêt.

« Amnesty International a observé que la pratique du profilage ethnique par la police a été rapportée dans de nombreux pays d'Europe et au-delà. L'arrêt de la CrEDH est un appel important à tous les États et décideurs pour qu'ils prennent des mesures afin de remplir leur obligation de prévenir les contrôles de police discriminatoires et de lutter contre le profilage ethnique », a déclaré Alicia Giraudel.

« La police suisse ne peut plus se cacher derrière la fausse affirmation selon laquelle le profilage ethnique n'existe pas dans ses rangs. Les autorités doivent changer leurs pratiques et mettre fin une fois pour toutes aux contrôles de police discriminatoires. Il est temps que les autorités reconnaissent le problème du racisme institutionnel au sein de la police et qu'elles collectent des données qui permettent de connaître l'ampleur du phénomène afin de repenser la lutte contre le profilage ethnique et de la mener efficacement. »

« L'interdiction des contrôles d'identité discriminatoires et le standard du soupçon raisonnable doivent être inscrits dans la loi, et des directives claires sont nécessaires pour éviter que les agent·e·x·s de police ne disposent d'un trop grand pouvoir discrétionnaire lors des contrôles d'identité. Le profilage ethnique doit également être mis en avant dans la formation de la police », a déclaré Alicia Giraudel.

« Les victimes de profilage ethnique doivent avoir accès à des mécanismes de plainte efficaces. Les organes internationaux des droits humains recommandent depuis des années à la Suisse de mettre en place dans tous les cantons des organes indépendants habilités à enquêter sur les plaintes déposées contre les forces de police. »

La décision de la CrEDH peut être consultée ici.

L'intervention en tant que tierce partie d'Amnesty International ici.