© Frederick FLORIN/AFP via Getty Images
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Suisse Le Conseil fédéral doit s'engager en faveur de la protection du climat et des droits humains

Communiqué de presse du 28 août 2024, Berne – Contact du service de presse
Le gouvernement suisse n'assume pas ses responsabilités en matière de protection du climat. En faisant fi d'un arrêt décisif de la Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH), il sape l'autorité de cette dernière et ne respecte pas les droits des personnes qui, en Suisse, sont les plus touchées par les conséquences du changement climatique, constate Amnesty Suisse.

« Le Conseil fédéral s'engage formellement en faveur de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais son refus de prendre au sérieux l'arrêt rendu par la CrEDH concernant les Aînées pour la protection du climat en introduisant les mesures concernées par leur recours constitue un mépris évident pour la Cour et affaiblit les droits fondamentaux qu'elle garantit. La crise climatique est actuellement l'une des plus grandes menaces pour les droits humains. Le Conseil fédéral doit agir avec détermination et mettre en œuvre ses engagements internationaux en faveur de la protection du climat et des droits humains », constate Alexandra Karle, directrice d'Amnesty Suisse.

Le Conseil fédéral prétend que les dispositions prévues par l'arrêt en question sont déjà appliquées. Ce faisant, il ignore les exigences d'une protection du climat conforme aux droits humains, telles qu’elles sont définies par la Cour dans son arrêt. En outre, le Conseil fédéral s’oppose à l’extension du droit de recours des associations aux questions climatiques. « Or, dans son arrêt, la CrEDH a soigneusement expliqué et justifié pourquoi il était légitime que les Aînées pour le climat portent plainte. L'attitude de défi du Conseil fédéral concernant le droit de recours des associations est regrettable et à courte vue », selon Alexandra Karle.

«Le Conseil fédéral doit mettre en œuvre ses engagements internationaux en faveur de la protection du climat et des droits humains.»
Alexandra Karle, directrice d'Amnesty Suisse

Amnesty partage la critique formulée par l’association Aînées pour la protection du climat et Greenpeace Suisse, selon laquelle le Conseil fédéral n'a pas présenté d'explications compréhensibles pour justifier sa position. Au lieu de se pencher sérieusement sur les exigences pour une politique climatique conforme aux droits humains énumérées dans l’arrêt de la Cour, le Conseil fédéral réagit par des affirmations qui ont déjà été partiellement réfutées dans la procédure judiciaire elle-même. Combler les lacunes réglementaires dans la loi sur le CO2 ou dans la nouvelle loi sur l'électricité ne suffisent pas à remédier aux violations des droits humains.

Pire, le Conseil fédéral n'explique pas dans quelle mesure les émissions de C02 encore prévues par la Suisse sont effectivement compatibles avec l’objectif de limiter le réchauffement de la planète de 1,5°C à l'échelle mondiale. La Cour européenne des droits de l'homme a défini cette limite de réchauffement de 1,5°C, une limite reconnue par la Suisse et soutenue par la population, comme une valeur pertinente du point de vue des droits humains.

Pour éviter de dépasser la limite de 1,5°C, il est impératif que le budget global de CO2 encore disponible soit respectés. Celui-ci doit être réparti entre tous les pays. Les budgets nationaux sans référence à un budget global indiquent uniquement la quantité de CO2 qu'un État s'accorde à lui-même – sans tenir compte du volume global restant et des exigences des autres États. De telles procédures ne peuvent pas garantir que le réchauffement global ne dépasse pas 1,5°C : elles sont donc contraires aux droits humains.

Jusqu'à présent, la Suisse n'a pas présenté de chiffres concrets concernant un budget national pour le CO2. Il est d'ores et déjà clair qu'avec la loi sur le CO2 en vigueur jusqu'en 2030 ainsi que la révision de la loi sur la protection du climat acceptée en votation en mars, la Suisse revendique une part trop importante du budget global. C’est ce que les Aînées pour le climat ont démontré devant la Cour. Si tout le monde agissait comme la Suisse, le réchauffement de la Terre doublerait pour atteindre 3°C.

« Avec sa position, le Conseil fédéral envoie un signal dangereux aux États du Conseil de l'Europe : il affirme que les arrêts de la Cour ne sont pas contraignants et que des mesures de protection du climat peuvent être prises à la carte. Cette position affaiblit l'État de droit et la protection des droits humains en Europe », déclare Alexandra Karle. « Les États doivent prendre des mesures concrètes et efficaces contre les menaces que le changement climatique fait peser sur les droits humains, et protéger les groupes les plus vulnérables, dont les enfants, les jeunes et les femmes âgées. »

Amnesty International demande à la Suisse de respecter ses obligations internationales en matière de droits humains et ses engagements climatiques. D'ici au 9 octobre, le gouvernement doit présenter un plan d'action au Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Celui-ci devra contenir toutes les mesures prises – ou prévues – pour mettre en œuvre l'arrêt de la CrEDH. Il devra notamment montrer comment la politique climatique de la Suisse permet de respecter la limite de 1,5°C. La mise en œuvre de l'arrêt fera l’objet d’un suivi par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe dans le cadre d'une procédure dite renforcée (enhanced procedure).