Les droits humains tels que la liberté de mouvement et de réunion seraient massivement restreints. © KarolinaRysava / shutterstock.com
Les droits humains tels que la liberté de mouvement et de réunion seraient massivement restreints. © KarolinaRysava / shutterstock.com

Arguments contre la loi sur les mesures policières Non au pouvoir arbitraire de la police!

3 mars 2021
La loi fédérale sur les «mesures policières de lutte contre le terrorisme» donne à la police fédérale un pouvoir presque illimité pour prendre des mesures de contrainte contre des adultes et des enfants innocents, et ce, sans soupçon de crime et sans contrôle judiciaire. La loi ne favorise pas la sécurité, mais elle ouvre la porte à l'arbitraire. Elle met en danger les droits fondamentaux, stigmatise les personnes concernées et rappelle les méthodes des régimes autoritaires. Votez non le 13 juin!
Restriction des droits humains

Les mesures de contrainte prévues par la loi de police - surveillance électronique, interdiction de contact, interdiction de quitter ou d'entrer dans un périmètre, interdiction de quitter le pays et assignation à résidence - ont un impact grave sur la vie des personnes concernées et de leurs familles. Les droits humains tels que la liberté de mouvement et de réunion, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit au travail et à l'éducation sont fortement restreints. Cette loi ne crée pas plus de sécurité, mais elle affaiblit les droits fondamentaux et marginalise et exclut les personnes concernées.

Des termes vagues et lourds de conséquences

La loi sur les mesures policière utilise délibérément des termes juridiques vagues qui confèrent à l’Office fédéral de la police (fedpol) des pouvoirs décisionnels très étendus et comportent le risque de restrictions disproportionnées et arbitraires des droits humains. Les critères vagues pour ordonner des mesures de contrainte et la définition extrêmement large de l'«activité terroriste» sont particulièrement problématiques.

Pronostic de danger potentiel

Pour que fedpol puisse ordonner des mesures de contrainte, il suffit d'avoir des «indices» que la personne pourrait, à l’avenir, se livrer à une «activité terroriste». Les mesures préventives sont donc imposées sur la base d'hypothèses sur les intentions et les actions futures d'une personne - et elles affecteront donc inévitablement des personnes qui sont seulement supposées représenter un danger.

Définition de la «terreur»: tous sous la suspicion générale

La seule «propagation de la crainte» avec des intentions politiques est déjà considérée par la loi comme une «activité terroriste». Cette définition ne présuppose ni une infraction pénale, ni l'usage ou la menace de la violence, ce qui est exigé par les standards internationaux. Ainsi, même une protestation politique légitime, telle qu'une grève du climat, peut être considérée comme «activité terroriste».

Informations secrètes, manque de transparence

L'interprétation de ces critères délibérément vagues est entièrement entre les mains de fedpol. Les mesures seront, en règle générale, basées sur des informations secrètes des services de renseignement qui sont impossibles ou difficiles à vérifier. Comme la personne concernée n'a en principe pas accès à ces informations, elle n'a même pas connaissance des motifs de suspicion ou des «indices», ce qui rend la contestation des mesures beaucoup plus difficile.

Pas de contrôle juridictionnel des mesures

Fedpol peut ordonner ces mesures sans approbation judiciaire, à sa discrétion et avec effet immédiat. La loi ne prévoit pas de contrôle judiciaire (à l'exception de l'assignation à résidence). Les personnes concernées n'auront donc guère la possibilité de se défendre contre ces mesures. Bien qu'ils puissent former recours contre une décision par la suite, celui-ci n'a par ailleurs pas d'effet suspensif. Même les personnes soupçonnées à tort sont ainsi laissées à l'arbitraire de la police.

Système juridique parallèle sans garanties de procédure

Les pouvoirs de la police ne concernent pas l'enquête et la poursuite des infractions pénales présumées. Ils sont destinés à se développer dans le domaine de la prévention et ne sont donc pas liés au droit pénal. Cela conduit à contourner le système de justice pénale ordinaire, ses principes et ses garanties procédurales. Ainsi, on crée un système juridique parallèle basé sur la répression pénale, mais n'offrant pas les garanties procédurales ancrées dans le droit pénal.

Abolition de la présomption d'innocence

La présomption d'innocence garantie par le droit pénal impose à l'autorité de poursuite de prouver la culpabilité d'une personne soupçonnée d'une infraction. Comme, selon la loi sur les mesures policières, il ne doit pas y avoir de soupçon de crime, les autorités n'ont pas à produire de preuves. Tout ce dont ils ont besoin, ce sont des «indices» qui démontrent qu’une personne est potentiellement dangereuse. Pour contester les mesures, la personne concernée doit donc fournir la preuve impossible de sa «non dangerosité ». La loi crée ainsi une présomption de dangerosité juridiquement intenable.

Danger pour la liberté d'expression

La définition large de la loi sur les «activités terroristes» risque de cibler des actes légitimes en termes de liberté d'expression. Ainsi, la loi pourrait créer un climat de peur qui aurait un effet dissuasif sur la liberté d'expression et la liberté de la presse, poussant de nombreuses personnes, y compris des militant·e·s politiques ou des journalistes, à l'autocensure.

Stigmatisation de groupes entiers de la population

Avec la loi sur les mesures policières, le danger existe que la suspicion ne soit plus dirigée contre des personnes individuelles comme dans le droit pénal, mais contre des groupes entiers parmi lesquels des «personnes dangereuses» sont suspectées. Comment les personnes potentiellement dangereuses sont-elles identifiées? Une combinaison de caractéristiques (âge, sexe, origine, religion...) devient le point de départ du profilage et de la surveillance pour les autorités - et un facteur de risque pour les personnes concernées. Cette procédure peut conduire à la stigmatisation et à la marginalisation de groupes entiers de population.

Assignation à résidence: privation arbitraire de liberté

La loi permet d’enfermer dans un immeuble pendant plusieurs mois des personnes sur la base de simples soupçons. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, cette mesure équivaut à une privation de liberté. L'assignation à résidence constitue donc une peine privative de liberté sans inculpation, sans procédure pénale et sans condamnation - et viole par conséquent la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

Le mépris de l'intérêt supérieur de l'enfant et des droits de l'enfant

Les mesures de contrainte peuvent être utilisées contre les enfants à partir de 12 ans (ou 15 ans dans le cas d'une assignation à résidence). Ces limites d'âge sont en contradiction avec le droit pénal suisse des mineur·e·s et les obligations de la Suisse en matière de droits humains en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant. Alors que le droit pénal des mineur·e·s et le droit international donnent la priorité à la réinsertion sociale, les mesures de contrainte prévues par la loi sur la police ont un caractère punitif et entraînent la stigmatisation des enfants et des jeunes. De plus, la loi n'accorde aucun droit procédural spécial aux mineur·e·s faisant l'objet de ces mesures.