Argumentaire Initiative contre la construction de minarets

Berne, mars 2009
Non à une initiative discriminatoire, disproportionnée et inutile, 12 arguments pour s'y opposer:

L’initiative est contraire aux valeurs suisses

L’initiative prétend vouloir protéger notre culture. Celle-ci est pourtant aussi basée sur la liberté de religion et le respect de valeurs comme la solidarité, la diversité, la démocratie et le respect de l’État de droit. Les notions d’exclusion d’arbitraire et de discrimination, véhiculées par l’initiative, sont contraires aux valeurs helvétiques et nous les combattons dans les autres pays.

Elle est disproportionnée:

L’ancrage dans la Constitution d’une interdiction générale et sans exceptions de construire de nouveaux minarets représenterait une atteinte disproportionnée à certains droits fondamentaux. Le texte de l’initiative qui, selon ses partisans, vise à protéger l’ordre juridique suisse, s’oppose en fait à plusieurs valeurs fondamentales garanties par la Constitution fédérale, à savoir le principe de l’égalité devant la loi (Art. 8 al. 1 Cst.), la liberté de croyance et de conscience (Art. 15 Cst.), la garantie de la propriété (Art. 26 Cst.), le principe de proportionnalité (Art. 5 al. 2 Cst.), le respect du droit international (art. 5 al. 4 Cst.) et l’interdiction de la discrimination (art. 8 al. 2 Cst.)

Œil pour œil – dent pour dent ?

Certains partisans de l’initiative estiment que la construction de minarets doit être interdite en Suisse parce que les chrétiens ne jouissent pas de la pleine liberté de religion dans les pays musulmans. Il est contraire à nos valeurs fondamentales d’interdire la construction de minarets en Suisse parce que les chrétiens ne peuvent exercer leur culte de manière totalement libre dans quelques pays musulmans. Voulons nous vraiment baser notre ordre juridique sur le principe « œil pour œil - dent pour dent » ou au contraire œuvrer en faveur d’une société non-discriminatoire  et de l’intégration des hommes et des femmes qui vivent et travaillent dans notre pays ?

Islam n’est pas synonyme de terrorisme :

La communauté musulmane de Suisse est elle-aussi composée de personnes ayant des points de vue et des convictions différentes. Comme dans la religion chrétienne ou dans d’autres religions, il existe une petite minorité qui pratiquent un islam très strict, voire fondamentaliste. Le fait d’être croyant, y compris musulman, n’implique en aucun cas que la violence soit acceptée ou utilisée comme un moyen légitime d’atteindre un but. L’interdiction prônée par l’initiative ne porterait pas uniquement atteinte aux personnes croyantes ou strictement pratiquantes, mais aussi aux personnes dont la culture se rattache à une origine spirituelle, sans qu’ils se considèrent pour autant comme religieux. Les discriminations arbitraires interpellent tous les individus. Une telle décision pourrait aussi très bien avoir comme conséquence de renforcer les tendances radicales et servir de légitimation au recours à la violence. Dans tous les cas, l’acceptation d’une telle initiative n’irait pas dans le sens d’un vivre ensemble harmonieux et d’une intégration opportune, bien au contraire

Les lois actuelles sont suffisantes:

L’initiative a notamment été lancée pour répondre aux craintes de voir les musulmans et musulmanes de Suisse vouloir imposer certains préceptes de leur religion qui mettraient en danger les droits fondamentaux garantis dans notre ordre juridique. La législation actuelle prévoit pourtant d’ores et déjà des mesures qui préviennent efficacement ces craintes tout en garantissant le respect des droits fondamentaux. Notre Constitution et notre ordre juridique s’appliquent naturellement aux musulmans et musulmanes de Suisse comme à tous les autres habitants de notre pays.

L’initiative met en danger la réputation et les relations internationales de la Suisse :

L’acceptation de l’initiative ne serait pas sans conséquences sur les relations internationales de la Suisse, qu’elles soient politiques ou économiques. Des personnes de confession musulmane à travers le monde pourraient se sentir heurtées dans leur croyance. Les pays du Proche et du Moyen–Orient sont des partenaires économiques importants pour notre pays et nos relations pourraient se ressentir cruellement de l’interdiction des minarets. Si l’Arabie Saoudite se singularise en étant probablement le seul pays au monde à interdire la construction d’églises, la Suisse doit-elle être sa contre partie en interdisant les minarets ? Voulons-nous vraiment concurrencer les pays que nous critiquons pour leur manque de tolérance, leur caractère autoritaire et leurs libertés restreintes ?

La mise en œuvre n’est pas garantie

Le seul critère architectural commun à tous les minarets est qu’il s’agit d’une forme de tour. En cela il ne se distingue pas d’autres édifices tels que les clochers, les pagodes ou les stupas. Comment dès lors justifier l’interdiction d’une seule de ces catégories de monuments et pas les autres ?

L’initiative constituerait un recul:

La Constitution de 1999 ne fait plus de différence entre le christianisme et les autres religions. Elle prend donc en compte que notre société largement chrétienne au départ, se transforme lentement en une société pluraliste aux niveaux religieux, culturel et social. En introduisant l’interdiction de la construction des minarets en Suisse, on ferait un pas en arrière en réintroduisant un critère confessionnel tel qu’il existait dans les Constitutions de 1848 et 1874. L’époque du « Kulturkampf » et celle des luttes entre catholiques et réformés est révolue depuis longtemps, elle ne doit pas être relancée avec de nouveaux protagonistes.

L’initiative empiète sur la compétence des cantons et des communes

Les cantons sont compétents pour régler les relations entre l’église et l’État. Une interdiction constitutionnelle de construire des minarets s’immiscerait dans cette compétence des cantons. Les communes ont par ailleurs de larges compétences en matière de police des constructions et d’aménagement du territoire. L’acceptation de l’initiative signifierait une restriction de ces compétences.


Absence de législation semblable dans les États voisins

Un coup d’œil sur la législation des États européens montre qu’aucun d’entre eux, en particulier nos voisins directs ne connaissent de dispositions légales spécifiques concernant l’érection de minarets. Leur construction et leur utilisation relèvent des dispositions générales du droit des constructions, de l’aménagement du territoire, de la protection des monuments et de sites ainsi que du droit sur les nuisances sonores. Aucun de ces États n’interdit les minarets ou ne restreint leur construction d’une manière plus stricte que pour les autres édifices religieux.

L’initiative est clairement discriminatoire:

Selon l’art. 8 de la Constitution fédérale, « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi » et « nul ne saurait être discriminé ». Selon le Tribunal fédéral, une décision viole ce principe constitutionnel d’égalité lorsqu’elle introduit des différences légales sans qu’il n’existe un motif raisonnable de le faire au vu des circonstances. Un minaret ne se distingue pas outre mesure d’un autre bâtiment religieux comportant un élément élevé, il n’existe donc aucun motif raisonnable pour interdire de manière absolue leur construction. Il est par ailleurs vraisemblable qu’en cas d’acceptation de l’initiative, la Cour européenne des droits de l’homme condamnerait la Suisse pour le cas ou une plainte serait déposée contre elle pour violation de l’article 9 de la CEDH.

L’initiative est inutile:

Voulons nous vraiment interdire les minarets ou préférons-nous nous engager pour une cohabitation tolérante et pacifique ? Les mouvements radicaux musulmans n’ont pas besoin de symboles pour agir, ils ont besoin d’ordinateurs et travaillent plutôt dans des endroits discrets pour éviter d’attirer l’attention sur eux. On ne combat pas la violence en combattant les minarets. Au contraire, les symboles opprimés sont certainement les symboles les plus puissants.