Amnesty International est fermement convaincue que les actes motivés par la solidarité ou la compassion ou l’action humanitaire ne doivent pas être sanctionnés dans le cadre de l’aide à l'entrée, à la sortie et au séjour illégaux. Au contraire une sanction doit être subordonnée à l'obtention d'un avantage financier ou matériel. Dans son rapport « Compassion sanctionnée: la solidarité devant la justice au sein de la forteresse Europe, » l'organisation de défense des droits humains a récemment expliqué et justifié sa position sur la « criminalisation de la solidarité » dans divers pays européens - dont la Suisse. Amnesty a ainsi appelé les États membres de l'accord de Schengen/Dublin à concentrent strictement leur législation sur la lutte contre la traite et à la mettent en conformité avec le sens et la finalité des dispositions pertinentes du droit international :
- Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée concerne strictement le « trafic illicite des migrants » (art.2) qui est défini comme « le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État. » (art. 3 al. 1)
- La Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus – adoptée avec le soutien de la Suisse – appelle les États à créer un environnement dans lequel chaque être humain puisse librement et sans crainte de persécution œuvrer pour la protection et la réalisation des droits humains et des libertés fondamentales. Ces dernières années, de nombreuses personnes ont été condamnées en Suisse sur la base de l'art. 116 LEI, après d’être engagées à cette fin au mieux de leurs connaissances et de leurs convictions. Ceci n'est pas compatible avec le sens et l'objectif de la déclaration
A cela s’ajoute, pour la Suisse , la Directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers qui donne explicitement aux États membres le droit de ne pas imposer de sanctions « dans les cas où le comportement a pour but d'apporter une aide humanitaire à la personne concernée.» (article 1, paragraphe 2). Amnesty International travaille au niveau européen pour que cette « clause humanitaire » devienne à l'avenir une disposition contraignante pour les États membres
Au lieu d’adapter le contenu de l’art 116 LEI dans le sens susmentionné, le Conseil fédéral propose de lui attribuer un nouveau titre : « Trafic de migrants et autres formes d’incitation à l’entrée, à la sortie ou au séjour illégaux et à l’exercice d’une activité lucrative sans autorisation.
Par cette modification il est explicitement confirmé que les formes d'aide à l'entrée, à la sortie et au séjour irréguliers, qui n’ont pas pour objectif un gain financier ou qui ne relèvent pas de la définition de la traite ou du trafic d'êtres humains, doivent également être sanctionnées. La solidarité ou l'action humanitaire sont particulièrement concernées. Le changement de titre tend à restreindre davantage la marge de manœuvre déjà limitée dont dispose le pouvoir judiciaire pour ne pas punir, ou alors de manière plus indulgente, les personnes qui agissent uniquement par solidarité et compassion.
Amnesty International, pour ces raisons, rejette le nouveau titre proposé.