Manifestation pro-palestiniennen à Auckland en novembre 2023 © Hannah Watson-Frank / Amnesty International
Manifestation pro-palestiniennen à Auckland en novembre 2023 © Hannah Watson-Frank / Amnesty International

Mobilisations dans les universités S’opposer à la guerre à Gaza : un droit fondamental !

Par Nadia Boehlen, paru dans le 24 Heures et la Tribune de Genève le 4 juin 2024
Nadia Boehlen, porte-parole d'Amnesty Suisse, réagit au traitement réservé aux étudiant·e·x·s qui ont occupé pacifiquement les universités suisses ces dernières semaines.

« Incroyable, des effluves de Woodstock en Suisse ! », me suis-je dit en visionnant les images des manifestations estudiantines contre la guerre à Gaza. J’ai été surprise de voir que des membres du corps enseignant s’y joignaient, défendant l’idée d’un boycott des projets académiques israéliens qui pourraient avoir des liens avec des violations des droits humains, ou balayant d’un revers de la main les accusations d’antisémitisme que l’on a tôt fait de brandir en direction des manifestant·e·s. Même si, selon les informations recueillies par Amnesty International, les étudiant·e·s ont veillé à établir pour chaque manifestation des chartes interdisant toute violence ou appel à la haine.

J’ai observé les rectorats s’emmêler les pinceaux et manier pêle-mêle ultimatums, menaces de sanctions, dépôts de plaintes pénales ou faire appel à la police au lieu de privilégier systématiquement le dialogue. Des mesures en porte-à-faux avec le rôle des universités et des autorités, qui est de permettre l’exercice de la liberté d’expression, garantie par la Constitution et le droit international. J’ai secoué la tête de dépit en prenant connaissance des postulats de l’UDC qui demandent d’enquêter sur les manifestations estudiantines.

Plus de 35 000 Palestinien·ne·x·s ont été tué·e·x·s depuis l’attaque du Hamas dans le Sud d’Israël, et des milliers d’autres ont disparu sous les décombres. Une grande partie du nord de Gaza est détruite, et au moins 85 % de la population de cette portion de territoire a été contrainte de se déplacer. Cette situation, associée au siège illégal de Gaza imposé par Israël, qui a quasiment coupé l'accès de la population civile à l'eau, à la nourriture, à l'assistance médicale et au carburant, fait craindre la famine. S’y ajoute la récente offensive contre Rafah, à l’extrême sud, qui fait qu’il n’y a absolument plus aucun endroit sûr dans la bande de Gaza.

Et il faudrait sanctionner celles et ceux qui manifestent contre le risque imminent de génocide (selon le constat établi par la Cour internationale de justice en janvier) et la complaisance de nos gouvernements ?

Grotesque ! D’ailleurs les demandes de mandats d'arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant, aux côtés de plusieurs dirigeants du Hamas, pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza et en Israël vont dans le sens de la mobilisation estudiantine et viennent la légitimer.

À travers ces mandats, la CPI affirme que les crimes contre l'humanité en question s'inscrivent dans le prolongement d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne. Par extension, elle requiert la fin de la complaisance envers les autorités qui commanditent ces crimes, que ce soit via des transferts d’armes ou la suspension de l’aide humanitaire, fautes de sanctions. De quoi tirer l’oreille à certain·e·x·s de nos dirigeant·e·x·s, mais certainement pas aux étudiant·e·x·s !