Comment les intérêts de notre industrie d’armement s’accommodent-ils du respect des droits humains? La Suisse peut-elle simultanément mener une politique cohérente en matière de droits humains et continuer à promouvoir les exportations de matériel de guerre, y compris dans les pays déchirés par la guerre civile? La question devrait être largement débattue pendant la session d’automne; la résistance commence à s’organiser au sein des milieux politiques et de la société civile contre une libéralisation supplémentaire des exportations d’armes. La plateforme des ONG suisses pour les droits humains, dont Amnesty International est membre, organise à Neuchâtel, en collaboration avec Foraus, une manifestation sur ce thème à laquelle elle convie les parlementaires.
Comment faire face à l’arrivée de nouveaux migrants et réfugiés? Difficile de trouver un sujet de discussion plus controversé en Europe en ce moment. Nulle part, plus que sur notre continent, ne sont mis à l’épreuve le droit international et les droits humains. Dans quelle direction la Suisse s’engage-t-elle? La politique d’asile et vis-à-vis des réfugiés, en particulier africains, reviendra sur le tapis pendant la session. Vous trouvez ci-dessous nos recommandations sur un choix d’objets.
CONSEIL DES ÉTATS
15.4126 Activer un retour sans risques de persécution pour les Érythréens
18.3409 Mener une politique équitable envers les demandeurs d’asile érythréens
CONSEIL NATIONAL
13.407 Iv.pa. Reynard. Lutter contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle
CONSEIL DES ÉTATS
15.4126 Activer un retour sans risques de persécution pour les Érythréens
18.3409 Mener une politique équitable envers les demandeurs d’asile érythréens
La motion 15.4126 demande au Conseil fédéral d'ouvrir des négociations avec Isayas Afewerki, chef du gouvernement de l'Érythrée, dans le but d'un «retour sans risque de persécution» des Érythréens ayant demandé l’asile en Suisse. La motion 18.3409 demande également au Conseil fédéral de négocier «des mesures permettant d'effectuer des rapatriements sous contrainte» avec l'Érythrée. L'objectif de ces deux initiatives est de renvoyer le plus rapidement possible un grand nombre de demandeurs d'asile en Érythrée.
Amnesty recommande de rejeter ces deux motions.
Les deux interventions ne tiennent absolument pas compte ni de la mauvaise situation des droits humains en Érythrée ni du manque de fiabilité du régime. Comme l'a déclaré à plusieurs reprises le Représentant spécial des Nations Unies pour l'Érythrée, le gouvernement d'Isaias Aferwerki n'a tenu aucune de ses promesses en matière de droits humains malgré les garanties qu’il a fournies et on ne détecte aucun signe d'amélioration de la situation des droits humains en Érythrée. En mars dernier, la Suisse a également exprimé ses préoccupations au sujet de la situation en Érythrée devant le Conseil des droits de l’homme. Elle a notamment critiqué le manque d'accès libre et indépendant au pays, ce qui représenterait pourtant une condition préalable essentielle pour pouvoir se faire une opinion raisonnable et objective de la situation sur le terrain.
L'Érythrée est un État où règne l’arbitraire et qui ne peut garantir la sécurité des personnes rapatriées. Un rapport de l'ONU et divers rapports d'organisations de défense des droits de l'homme ont documenté les violations des droits humains les plus graves dans le pays. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), présent en Érythrée, n’a pas accès aux prisons. Tant que cela sera le cas, le renforcement des relations diplomatiques ne servirait qu'à légitimer le régime. Une politique étrangère cohérente de la Suisse vis-à-vis de l’Érythrée devrait commencer par demander au gouvernement une amélioration tangible de la situation des droits humains et non pas un accord de réadmission.
Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés ont également demandé à la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et au SEM de renoncer à la suspension prévue de l'admission provisoire de nombreux Érythréens (en allemand) . Par crainte de la répression, seuls un tout petit nombre de demandeurs d'asile dont la demande a définitivement été rejetée retourneront volontairement en Érythrée. Ne pouvant bénéficier d’aucun statut légal, ils se retrouvent à l'aide d'urgence et sont poussés en marge de la société ou disparaissent et sont alors exposés à des risques particuliers.
16.3109 Conclure un accord de réadmission avec l’Algérie, la République dominicaine, le Maroc et la Tunisie
Amnesty International n’a pas d’opposition fondamentale aux accords de réadmission à la condition expresse qu’ils ne servent pas à contourner le principe de non-refoulement qui fait partie du «ius cogens» le droit international auquel il ne saurait être dérogé.
Ceci posé, AI reste sceptique vis-à-vis de cette motion qui d’une part lui parait inutile puisque des accords existent sous une forme ou sous une autre avec les quatre États concernés mais surtout, parce que, comme tout accord bilatéral, les accords de réadmission doivent, pour pouvoir fonctionner, être mis en œuvre par les deux parties signataires. L’expérience montre que dans le cas des États mentionnés par la motion, ce n’est pas le manque d’accord qui empêche les renvois mais la mauvaise volonté montrée par les États partenaires de la Suisse à les mettre en œuvre.
Amnesty recommande le rejet de cette motion.
CONSEIL NATIONAL
13.407 Iv.pa. Reynard. Lutter contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle
Amnesty International soutient cette initiative qu’elle estime être un bon moyen pour lutter contre les discriminations dont sont fréquemment victimes les homosexuel·le·s. La Déclaration universelle des droits de l’homme, qui fête cette année son 70ème anniversaire, ainsi que les deux pactes des Nations Unies qui visent à la mettre en œuvre condamnent toute forme de discrimination y compris basée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. A ce titre, AI a salué la proposition de la CAJ-N d’élargir, au-delà même de ce que demandait l’initiative de monsieur Reynard, le champ d’application de ces deux dispositions du Code pénal concernées.
Amnesty recommande un soutien sans réserve à cette initiative sous sa forme actuelle.
17.303 Pour une politique en matière de réfugiés efficace et la fin des incitations aux mouvements migratoires
Le canton d'Argovie demande à la Confédération de modifier sa politique d'asile afin que la Suisse aide les réfugiés au plus près de leur pays d'origine. En même temps, l'initiative cantonale demande au Conseil fédéral de supprimer «les mesures incitatives qui permettent aux passeurs de s'adonner à leur juteux trafic mortel». Amnesty recommande le rejet de cette initiative.
L'initiative ne propose aucune solution législative et ignore complètement les causes de la fuite et la réalité des pays d'origine. Près de 70 millions de personnes dans le monde fuient la persécution, la guerre et la misère. La majorité d'entre elle (40 millions) ont trouvé refuge dans d'autres régions de leur pays d'origine (personnes déplacées). Sur les plus de 25 millions de réfugiés qui ont dû quitter leur pays d'origine, la majorité a trouvé une protection dans un pays voisin. Le plus grand camp de réfugiés du monde n'est pas situé en Europe, mais à Dadaab, au Kenya. Dix pays, qui ne représentent ensemble que 2,5% du PIB mondial, représentent plus de 50% des réfugiés du monde. La Turquie à elle seule a accueilli 2,9 millions de réfugiés, le Pakistan et le Liban plus d'un million.
L’aide «sur place» nécessaire fait depuis longtemps partie intégrante de la politique suisse de développement. En outre, la Suisse relie déjà de plus en plus souvent sa coopération au développement à ses objectifs de politique migratoire. Comme l’a noté la CIP-E, elle se concentre notamment sur la lutte contre les causes de la fuite et de la migration.
AGENDA
Droits humains et exportation d’armes quelle compatibilité?
Comment concilier les intérêts des fabricants suisses d'armes face aux questions de droits humains? La Suisse peut-elle mener une politique extérieure cohérente en matière de droits humains tout en encourageant l'exportation d'armes? La plateforme suisse des ONG pour les droits humains et Foraus vous invitent à une conférence débat à Neuchâtel le 3 octobre prochain. Des parlementaires et des représentants de la société civile animent la discussion.
L’automne sera chaud pour les droits humains
La campagne de votation contre l’initiative anti-droits humains est définitivement lancée. Des groupes d’Amnesty de toute la Suisse tiendront des stands dans diverses villes et s’engageront en faveur des droits humains et contre l’initiative «Le droit suisse au lieu de juges étrangers». Une visite s’impose! Arguments, informations et surprises!