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Les droits humains au parlement Session d'été 2021 (31.05.– 18.06.)

Berne, 26 mai 2021

Amnesty International tire la sonnette d’alarme et demande qu’il soit mis fin aux abus dans les centres d’asile fédéraux. Dans un rapport très médiatisé, notre organisation a mis en garde contre les violences et les abus graves dont sont victimes les requérant·e·s d’asile. La Commission des institutions politiques du Conseil national entendra prochainement le Secrétariat d’État aux migrations sur cette question.

Au cours de la session d’été, le Conseil des États a également la possibilité de combler une lacune institutionnelle de longue date dans la protection des droits humains en Suisse : la proposition du conseiller fédéral Ignazio Cassis visant à créer une Institution nationale des droits humains (INDH) arrive enfin devant la petite chambre. Bien qu’il s’agisse d’un projet de loi plutôt modeste, son adoption serait le signal que le Parlement suisse est conscient à quel point la protection et la promotion des droits humains sont essentielles pour toute société, surtout en temps de crise.

Le Parlement discutera à nouveau d’un large éventail d’initiatives en rapport avec la pandémie de COVID-19. Les discussions concernant la disponibilité internationale des vaccins et autres fournitures médicales, ainsi que l’implémentation d’un « certificat COVID », sont des questions particulièrement pertinentes en ce qui concerne les droits humains. Comme pour toutes les autres mesures épidémiologiques, l’introduction d’un certificat COVID doit prendre en compte les risques liés aux droits humains, notamment en ce qui concerne le droit à la non-discrimination, à l’égalité de traitement, à la liberté de circulation et à la protection de la vie privée.

Vous trouverez ci-dessous la position d’Amnesty sur les objets parlementaires concrets correspondants.

Vue d'ensemble (Par thème)

Institution nationale des droits humains (INDH)

19.073 Mesures de promotion civile e la paix et de renforcement des droits de l'homme. Loi

Pandémie COVID-19

Certificats COVID

21.3019 Améliorer l'approvisionnement mondial en vaccins contre le coronavirus

Asile et migration

21.018 Pacte mondial des Nations unies sur les migrations

21.3282 e Permettre à nouveau de déposer des requêtes d'asile auprès des ambassades

20.063 n Loi sur les étrangers et l’intégration. Modification

Armes et commerce d'armes

21.021 Contre les exportations d'armes dans des pays en proie à la guerre civile. Initiative populaire

18.4138 n Halte à l'exportation de matériel de guerre à la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite

Violences sexuelles

INSTITUTION NATIONALE DES DROITS HUMAINS

CE, 8 juin 2021
19.073 Mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme. Loi

Après des années d’atermoiements, et malgré la réticence initiale du Conseil fédéral, il semble enfin que les choses avancent dans le dossier de la création d’une Institution nationale des droits humains (INDH). Le projet de loi initialement soumis par le gouvernement suisse était « à la sauce helvétique », et ne péchait donc pas par excès d’ambition. Deux ans plus tard, lors de la session d’été, le Conseil d’État a l’occasion d’en approuver les grandes lignes.

La pandémie et les mesures prises pour la combattre ont jeté une lumière crue sur la fragilité de la protection dont bénéficient les droits humains. Disposer d’une INDH forte, indépendante et dont le financement est assuré à long terme constituerait un atout de taille, car son expertise pourrait éclairer le débat public sur une multitude de thèmes, qu’il s’agisse de la limitation du droit à l’autodétermination et à la sphère privée de la population âgée, de la limitation de la liberté d’expression et de réunion, ou du droit à la santé pour le personnel soignant et les personnes vulnérables.

On peut certes penser que « la montagne a accouché d’une souris », notamment au vu des ressources allouées à l’INDH, mais l’adoption de la présente loi ne constitue pas moins un progrès. C’est le signe que le Parlement suisse saisit l’importance pour une société de protéger et de promouvoir les droits humains, en particulier en temps de crise.

Amnesty recommande au Conseil des États de suivre sa Commission et d’adopter le projet de loi 19.073 avec les amendements proposés. En ce qui concerne l’article 10b du projet, Amnesty soutient la motion de la minorité.

pandémie covid-19

Certificats COVID

Amnesty International se félicite du fait que l’utilisation du certificat COVID pour l’accès aux services essentiels – tels que les transports publics, les écoles et les magasins – soit interdit et que ce document ne puisse être exigé dans ces cas. Amnesty se réjouit également du fait que, selon la proposition actuelle, l’utilisation du certificat doit être limitée dans le temps et dans son contenu.

Toutefois, pour que la mise en œuvre soit conforme aux droits humains, il est nécessaire de clarifier davantage l’application proposée des certificats, notamment en ce qui concerne le « domaine orange », et le Parlement pourra jouer un rôle important à cet égard.

Le Conseil fédéral doit démontrer plus clairement que l’utilisation du certificat COVID dans les trois domaines (vert, orange et rouge) poursuit un but légitime (prévenir les maladies), et qu’elle est nécessaire, proportionnée et raisonnable. En outre, il faudra des garanties pour prévenir la discrimination et l’exacerbation des désavantages structurels. Des mesures correctives seraient également nécessaires, pour garantir que les personnes qui n’ont pas pu se faire vacciner (par exemple, parce qu’elles ne sont pas encore « éligibles » selon les plans de vaccination, ou qu’elles ont des contre-indications médicales) ne soient pas injustement désavantagées.

En d’autres termes, afin d’exclure tout effet discriminatoire, toutes les façons d’obtenir le certificat (c’est-à-dire, le fait d’être une personne vaccinée, guérie ou testée négative) doivent être traitées de manière égale en pratique. Il va falloir garantir et contrôler que les membres des groupes de population structurellement défavorisés ont également un accès effectif et gratuit aux vaccinations ou aux tests, et donc aux certificats COVID.

CN, mercredi 16 juin 2021
21.3019 Améliorer l'approvisionnement mondial en vaccins contre le coronavirus

La santé est un bien précieux et un droit humain. L’accès aux médicaments et aux vaccins doit être garanti en tout temps et partout, en particulier lors d’une crise sanitaire mondiale comme celle due au COVID-19. Or c’est loin d’être le cas. De très nombreux pays n’ont toujours pas accès aux vaccins, traitements et tests diagnostiques. Le Conseil fédéral doit faire passer le droit à la santé avant les intérêts de l’industrie pharmaceutique et immédiatement s’engager pour une lutte solidaire contre la pandémie.

En conséquence, Amnesty se félicite de la motion de la Commission de politique extérieure du Conseil national, qui demande au Conseil fédéral d’œuvrer sur le plan multilatéral et par l’adoption de sa propre législation pour accroître l’accès rapide aux vaccins COVID-19 dans le monde entier. Bien qu’Amnesty recommande l’approbation de la motion, nous pensons qu’elle ne va pas assez loin.

Nous demandons au Conseil fédéral de soutenir la dérogation ADPIC (TRIPS waiver) pour les tests, médicaments et vaccins contre le COVID-19, actuellement en discussion à l’OMC. En outre, nous attendons de la Suisse qu’elle adhère au programme de partage des connaissances C-TAP (COVID-19 Technology Access Pool) de l’OMS et qu’elle encourage les entreprises pharmaceutiques suisses à y adhérer. Enfin, nous demandons la publication des contrats avec les producteurs de vaccins.

Asile et migration

CE, mardi 8 juin 2021
21.018 Pacte mondial des Nations unies sur les migrations

Lors des négociations sur le Pacte des Nations unies sur les migrations, Amnesty International a plaidé en faveur de recommandations réalistes et, malgré certaines faiblesses, considère que le document final constitue un progrès vers une meilleure protection des droits humains des migrant·e·s. Amnesty International continue de recommander au Parlement de soutenir le Pacte des Nations unies sur les migrations. En l’approuvant, la Suisse enverrait un signal important pour la coopération internationale et la fiabilité de la diplomatie suisse.

En conséquence, Amnesty regrette le nouveau retard dans la ratification du Pacte, et demande au Parlement et au Conseil fédéral d’en discuter rapidement et de le mettre en œuvre.

CE, jeudi 10 juin 2021
21. 3282 e Permettre à nouveau de déposer des requêtes d'asile auprès des ambassades

Rétablir la possibilité́ de déposer des demandes d’asile dans les ambassades suisses est l’une des principales demandes d’Amnesty International pour la 51e législature. Cette possibilité est essentielle pour une politique migratoire mettant l’accent sur la protection des droits des migrant·e·s, des requérant·e·s d’asile et des réfugié·e·s.

Depuis 2015 et la crise de l’accueil en Europe, les politiques de dissuasion dans le domaine migratoire n’ont cessé de se renforcer et ont généré des crises humanitaires importantes à la périphérie du continent. Grèce, Italie, Espagne – pays dans lesquels la situation est de moins en moins gérable – se retrouvent seules sur la ligne de front. Quant à la collaboration avec des États tiers, qu’il s’agisse de la Turquie ou de la Libye, l’expérience montre qu’elle entraîne des situations extrêmement délétères pour les droits humains des personnes en exil. Du fait de l’absence de voies sécurisées pour les migrant·e·s, des milliers de victimes périssent en Méditerranée et sur les routes migratoires.

Amnesty recommande l’adoption de la motion 21.3282 pour l’élaboration d’une base légale afin qu’il soit à nouveau possible de déposer des requêtes d’asile auprès des ambassades.

CN, mardi 15 juin 2021
20.063 n Loi sur les étrangers et l’intégration. Modification

Amnesty International estime qu’interdire par principe les voyages à l’étranger ou les restreindre encore davantage pour les requérant·e·s d’asile et les personnes admises à titre « provisoire » est une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale. Ce droit est garanti par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), et il constitue l’un des droits de l’enfant. De telles mesures limiteraient en outre fortement la liberté de mouvement des personnes concernées. Lors de la consultation, Amnesty a déjà fait savoir son opposition catégorique aux modifications projetées.

Amnesty considère en revanche comme un progrès que les personnes au bénéfice d’une admission « provisoire » qui exercent une activité lucrative et remplissent les conditions prévues par la loi soient autorisées à changer de canton. Il faut cependant aller plus loin, et des mesures supplémentaires sont nécessaires pour améliorer l’intégration de ces personnes dans le marché du travail. Par conséquent, Amnesty recommande au Conseil national de pas entrer en matière lors de sa deuxième considération de cet objet.

ARMES ET COMMERCE D'ARMES

CE, jeudi 3 juin 2021
21.021 Contre les exportations d'armes dans des pays en proie à la guerre civile. Initiative populaire

Amnesty est membre de la Coalition contre les exportations d’armes vers les pays en guerre civile et partage donc ses revendications. En principe, la Coalition se réjouit que le contre-projet indirect à « l’Initiative correctrice » vise à modifier la loi sur le matériel de guerre dans le même sens. Toutefois, la Coalition rejette fermement les pouvoirs de dérogation proposés pour que le Conseil fédéral puisse néanmoins approuver les exportations d’armes dans des « circonstances exceptionnelles » et pour « sauvegarder des intérêts de politique étrangère ou de sécurité ». Cela laisserait une brèche ouverte permettant au Conseil fédéral de contourner la voix du Parlement et de la population. La clause de dérogation doit être supprimée.

En outre, il manque dans la contre-proposition la suppression de la clause d’exemption pour les pièces de rechange et les munitions. Il doit être clair que les livraisons de pièces de rechange doivent suivre les mêmes critères d’approbation que les autres types de matériel de guerre.

CE, jeudi 3 juin 2021
18.4138 n Halte à l'exportation de matériel de guerre à la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite

Par cette motion, le Conseil fédéral est prié de révoquer toutes les autorisations d’exportation de matériel de guerre délivrées précédemment aux membres de l’alliance de guerre au Yémen dirigée par l’Arabie saoudite, et de ne pas délivrer de nouvelles autorisations d’exportation de matériel de guerre. Il s’agit d’arrêter l’exportation de pièces détachées et de munitions, entre autres.

Amnesty a déjà demandé auparavant l’arrêt de l’exportation d’armes qui alimentent le conflit au Yémen. Amnesty International exhorte tous les États à veiller à ce qu’aucune partie au conflit au Yémen ne reçoive – directement ou indirectement – des armes, des munitions ou des équipements ou technologies militaires susceptibles d’être utilisés dans le conflit, tant que perdurent ces graves violations. Ces restrictions doivent aussi s’appliquer au soutien logistique et financier pour de tels transferts.

En conséquence, nous recommandons au Conseil des États d’adopter la motion, comme l’avait fait le Conseil national en décembre.

Violences sexuelles

La procédure de consultation sur la réforme du droit pénal en matière sexuelle a pris fin le 10 mai. Dans sa réponse, Amnesty International a appelé le Parlement et les autorités à moderniser en profondeur la loi sur les infractions sexuelles, qui est dépassée, et à soutenir sans réserve la protection des victimes de violences sexuelles. L’organisation de défense des droits humains recommande, dans sa réponse à la consultation, de saisir l’opportunité de la révision et d’enfin définir les rapports sexuels non consensuels comme des viols.

Amnesty se félicite du grand intérêt que suscite ce projet de loi au sein de la population et de la société civile, et espère que la Commission des affaires juridiques du Conseil des États tiendra compte de cet appel clair en faveur d’un droit pénal sexuel moderne, qui indique sans équivoque que l’injustice fondamentale ne réside pas dans la contrainte ou la violence, mais dans le mépris de l’autodétermination sexuelle.