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Les droits humains au parlement Session de printemps 2021 (01.03.– 19.03.)

Berne, 24 février 2021
Il y a tout juste un an, la session de printemps des Chambres fédérales était brusquement interrompue pour cause de covid-19. Depuis, le monde entier s’efforce par tous les moyens de juguler la crise sanitaire. Alors que le Parlement s’apprête à examiner plusieurs interventions en rapport avec la pandémie, il manque toujours un vrai débat sur les discriminations que le coronavirus a rendues plus criantes, en Suisse et ailleurs.

Notre gouvernement a jusqu’ici refusé de soutenir les dérogations temporaires à l’accord sur les ADPIC, qui visent à contrecarrer le dangereux nationalisme vaccinal. Le Parlement doit prendre ses responsabilités en la matière et presser la Suisse de s’engager pour une suspension momentanée des brevets sur les vaccins et les médicaments contre le covid-19.

Durant cette session, le Conseil des États traitera une nouvelle fois de la Convention d’Istanbul sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes, et de certains de ses aspects qu'il convient de mettre en œuvre sans tarder. Il est ainsi grand temps de créer des permanences joignables jour et nuit pour les personnes concernées par la violence domestique, une initiative soutenue par Amnesty International. La procédure de consultation sur la révision du droit pénal sexuel est par ailleurs en cours. Cette démarche importante accouche d’un résultat jusqu’ici décevant. Le projet prévoit d’inscrire dans la loi une nouvelle infraction dénommée « atteintes sexuelles », qui ne rend toutefois pas justice aux victimes de violences sexuelles.

Enfin, lors de cette session de printemps, le Parlement aura à se prononcer sur plusieurs objets en suspens dans le domaine de l’asile et de la migration. Ils ont trait notamment à la protection des enfants et à l’aide aux réfugié·e·s ayant subi des violences. Dans la situation de crise que nous vivons actuellement, Amnesty vous recommande plus que jamais de prendre au sérieux les engagements de la Suisse en matière de droits humains et de contribuer à un monde plus humain.

Vous trouverez ci-dessous la position d’Amnesty sur les objets parlementaires concrets correspondants.

Vue d'ensemble (Par thème)

Violences sexuelles

20.4463 Mo. Mise en place de permanences destinées aux personnes concernées par des actes de violence, comme le prévoit la convention d’Istanbul

Égalité

19.317 n Iv. Ct. Genève. Pour faciliter la lutte contre le harcèlement sexuel

Asile et migration

16.403 e Iv. Pa. Müller Philipp. Regroupement familial. Même régime pour les personnes à protéger et les personnes admises à titre provisoire

20.3924 Mo. CIP-N. Réfugié·e·s victimes de violences. Prestations de soutien au sein des centres fédéraux pour requérant·e·s d’asile

18.321 e Iv. Ct. Genève. La détention administrative d’enfants doit cesser !

20.063 n Loi sur les étrangers et l’intégration. Modification

Mesures contre le terrorisme

19.3034 n Mo. Conseil national (groupe V). Détention pour motif de sûreté des personnes de retour du djihad

Affaires extérieures

20.4334 Po. CPE-N Rapport concernant la mise en œuvre du dialogue bilatéral entre la Suisse et la Chine sur les droits humains

20.4577 e Ip. Conseil des États — Traité de l’ONU interdisant les armes nucléaires. Le Conseil fédéral entend-il respecter la volonté du Parlement ?

violences sexuelles

CE, lundi 8 mars 2021
20.4463 Mo. Mise en place de permanences destinées aux personnes concernées par des actes de violence, comme le prévoit la convention d’Istanbul

Il y a dix ans déjà, la Prévention Suisse de la Criminalité (PSC) était mandatée pour promouvoir le projet de service national d’assistance téléphonique en cas de violence domestique. Des permanences accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre par téléphone ou en ligne existent dans plusieurs pays européens. Elles sont particulièrement sollicitées en cette période de pandémie. En mettant en place une offre de ce type, la Suisse remplirait l’une des obligations découlant de la Convention d’Istanbul. Les victimes de violence recevraient plus facilement l’assistance nécessaire et seraient mieux protégées.

Amnesty recommande d’accepter cette motion.

Égalité

CE, jeudi 18 mars 2021
19.317 n Iv. Ct. Genève. Pour faciliter la lutte contre le harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel doit être inscrit dans la liste des discriminations pour lesquelles s’applique l’allègement du fardeau de la preuve dans la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg). Les victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail redoutent souvent pour diverses raisons de porter plainte et obtiennent rarement justice. Une modification de la loi contribuerait à aplanir ces obstacles et permettrait une avancée dans la lutte contre l’impunité en matière de harcèlement et de violences sexuelles. Les mesures de prévention qui se multiplient en Suisse ne suffisent pas à elles seules à faire diminuer le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, un meilleur accès à la justice est également nécessaire.

Amnesty recommande d’accepter cette initiative déposée par le canton de Genève.

Asile et migration

CN, mercredi 3 mars 2021
16.403 e Iv. Pa. Müller Philipp. Regroupement familial. Même régime pour les personnes à protéger et les personnes admises à titre provisoire

Amnesty s’oppose à l’adaptation proposée du régime de regroupement familial pour les personnes bénéficiant d’une protection provisoire en Suisse. Des organisations de la société civile et des institutions internationales critiquent depuis des années les conditions trop restrictives imposées au regroupement familial en cas d’admission provisoire. Rien ne justifie le délai d’attente de trois ans après obtention de ce statut. Amnesty International estime que les modifications des critères pour le regroupement familial sont incompatibles avec le droit à une vie de famille et le bien de l’enfant. Pour l’organisation de défense des droits humains, une adaptation du régime de regroupement familial pour les personnes bénéficiant du statut de protection S n’est ni nécessaire ni judicieuse, car ce statut est en lui-même une aberration.

Amnesty recommande au Conseil national de suivre la proposition de sa commission des institutions politiques et de rejeter pour la seconde fois l’initiative parlementaire.

CE, lundi 1er mars 2021
20.3924 Mo. CIP-N. Réfugié·e·s victimes de violences. Prestations de soutien au sein des centres fédéraux pour requérant·e·s d’asile

Il est essentiel d’identifier, de diagnostiquer et de traiter suffisamment tôt les traumatismes chez les exilé·e·s ayant subi des violences, non seulement pour le bien-être et la santé des personnes concernées, mais aussi pour garantir une procédure d’asile équitable. Le Tribunal administratif fédéral a lui-même constaté que la nouvelle procédure d’asile était à ce sujet gravement lacunaire. Le droit international oblige du reste la Suisse à agir dans ce sens lorsqu’il s’agit de personnes mineures (principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant).

Amnesty recommande au Conseil des États de suivre la minorité de sa commission des institutions politiques et d’accepter la motion.

CE, mercredi 3 mars 2021
18.321 e Iv. Ct. Genève. La détention administrative d’enfants doit cesser !

Par cette initiative cantonale, le Grand Conseil du canton de Genève demande de proscrire la détention administrative des enfants en Suisse, car la privation de liberté les expose à de graves problèmes de santé. La détention des enfants pour des motifs en lien avec la migration constitue une violation de leurs droits selon l’avis partagé de plusieurs instances internationales concernées.

Afin de permettre l’exécution des renvois, la loi suisse sur les étrangers et étrangères prévoit la possibilité de mettre en détention des jeunes âgé∙e∙s de 15 à 18 ans pour une durée pouvant aller jusqu’à un an. La mise en détention administrative d’enfants de moins de 15 ans est quant à elle interdite.

Amnesty International est d’avis que jamais des motifs ayant trait au droit des migrations ne justifient la détention d’enfants. Elle a déjà appelé les États à ne tolérer aucune dérogation à ce principe dans le cadre de la discussion sur le Global Compact for Migration.

Même l’utilisation en dernier recours de la détention administrative ne saurait être fondée lorsqu’il s’agit d’enfants, accompagné∙e∙s ou non. Amnesty International estime donc que les États sont dans l’obligation de chercher des solutions alternatives lorsque des enfants sont concernés.

Amnesty International appelle une nouvelle fois le Conseil des États à accepter l’initiative soutenue par une forte minorité de sa Commission des institutions politiques.

CE, mercredi 17 mars 2021
20.063 n Loi sur les étrangers et l’intégration. Modification

Amnesty International estime qu’interdire par principe les voyages à l’étranger ou les restreindre encore davantage pour les requérant·e·s d’asile et les personnes admises à titre « provisoire » est une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale. Ce droit est garanti par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), et il constitue l’un des droits de l’enfant. De telles mesures limiteraient en outre fortement la liberté de mouvement des personnes concernées. Lors de la consultation, l’organisation de défense des droits humains a déjà fait savoir son opposition catégorique aux modifications projetées. Amnesty considère en revanche comme un progrès que les personnes au bénéfice d’une admission « provisoire » qui exercent une activité lucrative et remplissent les conditions prévues par la loi soient autorisées à changer de canton.

Il faut cependant aller plus loin, et des mesures supplémentaires sont nécessaires pour améliorer l’intégration de ces personnes dans le marché du travail.

mesures contre le terrorisme

CE, lundi 1er mars 2021
19.3034 n Mo. Conseil national (groupe V). Détention pour motif de sûreté des personnes de retour du djihad

Le Conseil national s’apprête à débattre pour la deuxième fois de la détention pour motif de sûreté des personnes « de retour du djihad ». Une telle détention, également qualifiée de « préventive », serait contraire aux principes de l’État de droit et contreviendrait à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Cette incompatibilité a été démontrée par la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter au nom du Conseil fédéral lors de l’examen de la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme. Un avis fondé sur l’expertise juridique commandée par le DFJP au Professeur Donatsch et partagé par Amnesty International.

Amnesty recommande au Conseil national de suivre sa commission de la politique de sécurité et de rejeter la motion.

affaires extérieures

CN, mardi 9 mars 2021
20.4334 Po. CPE-N Rapport concernant la mise en œuvre du dialogue bilatéral entre la Suisse et la Chine sur les droits humains

Le postulat charge le Conseil fédéral de soumettre au Parlement un rapport concernant l’état d’avancement, l’organisation et les résultats du dialogue bilatéral entre la Suisse et la Chine sur les droits humains. En regard des graves violations des droits humains perpétrées en Chine et de l’attention accrue que leur porte la nouvelle stratégie de la Suisse vis-à-vis de ce pays, il est impératif que le dialogue bilatéral s’effectue de manière plus transparente. Il convient notamment d’apporter la preuve indubitable qu’il contribue concrètement à ses objectifs proclamés, le renforcement et la promotion des droits humains en Chine.

Amnesty International approuve le postulat et recommande son acceptation.

CE, mardi 16 mars 2021
20.4577 e Ip. Conseil des États — Traité de l’ONU interdisant les armes nucléaires. Le Conseil fédéral entend-il respecter la volonté du Parlement ?

L’interpellation demande au Conseil fédéral de renseigner le Parlement sur les raisons pour lesquelles la Suisse n’a toujours pas ratifié le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Malgré une motion adoptée par les deux Chambres, il n’y a guère eu d’avancée en la matière.

En janvier 2021, à l’occasion de l’entrée en vigueur du TIAN, Amnesty a appelé une nouvelle fois à ratifier ce traité. Le Conseil fédéral dit lui-même adhérer à l’objectif d’un monde sans armes atomiques et affirme que la fin de la menace nucléaire est pleinement conforme à la tradition humanitaire de la Suisse, ainsi qu’aux intérêts et valeurs de sa politique extérieure.