La guerre à Gaza se poursuit, tout comme, malheureusement, les hésitations honteuses du Parlement suisse à poursuivre notre tradition humanitaire. Amnesty International demande au Parlement, par le biais de deux pétitions munies de 45'000 signatures, de garantir le financement de l’UNRWA et de s'engager pour un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. La Suisse continue de retenir sa contribution financière à l'UNRWA alors que la population civile de la bande de Gaza occupée est menacée par la guerre et la famine.
Une autre actualité en matière de droits humains va occuper le Conseil des États : dans une déclaration irresponsable, la commission des affaires juridiques du Conseil des États demande au Conseil fédéral de ne pas donner suite au récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) sur les Aînées pour le climat.
Outre ces thèmes, les questions d'asile et de migration, notamment celles concernant l'Érythrée et l'Afghanistan, occuperont les Chambres fédérales.
Vous trouverez dans cette newsletter nos positions sur ces sujets et sur d'autres dossiers de la prochaine session.
Vue d'ensemble (Par thème)
Attaque contre la convention européenne des droits de l'homme
Asile et migration
Israël/Territoires palestiniens occupés
- Suspension immédiate des contributions à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)
- Aide financière en Palestine. Création d'une task force
Autres thèmes
- Soutien à la société civile iranienne
- Pour une stratégie et un plan d'action contre le racisme et l'antisémitisme
Attaque contre la Convention européenne des droits de l'homme CEDH
Déclaration de la Commission des Affaires Juridiques
La Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) joue un rôle central dans la protection et l'application des droits humains. Elle garantit en dernière instance que les droits ancrés dans la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) sont également respectés et mis en œuvre en Suisse et dans d'autres États membres. Cela est particulièrement important dans les cas où les tribunaux nationaux échouent ou ne protègent pas suffisamment les droits humains.
Lors de la session d'été, le Conseil des États discutera, sur proposition de sa commission des affaires juridiques, une Declaration qui critique fortement l'arrêt de la CrEDH sur les Aînées pour le climat, et demande au Conseil fédéral de ne pas y donner suite. Cette discussion représente une dangereuse rupture de tabou. L'arrêt est formulé de manière précise, n'intervient pas directement dans les compétences législatives et n'outrepasse pas les décisions populaires. Au lieu de cela, il suggère une adaptation qui - si les mesures ne relèvent pas de la compétence du Conseil fédéral - nécessite un processus législatif. Ce processus doit remédier à la violation des droits humains et sera mené selon des principes démocratiques, comme c'est le cas pour d'autres adaptations.
La CrEDH est un instrument indispensable pour faire respecter les droits humains en Europe. Amnesty International souligne l'importance pour tous les États membres de prendre au sérieux leurs obligations envers la CrEDH et d'appliquer ses arrêts.
Amnesty International rejette donc la déclaration 24.053 de la CAJ-E et demande au Conseil des États de faire de même.
Asile et migration
Au cours de la législature 2023-2027, Amnesty International se concentrera sur les principaux défis en matière de droits humains. Nous accordons une attention particulière à l'objectif 17 du programme de législature du Conseil fédéral, selon lequel la Suisse doit « veiller à une politique d'asile et d'intégration rigoureuse », « saisir les opportunités offertes par l'immigration » et « s'engager pour une coopération européenne et internationale efficace ».
Il est essentiel que la Suisse mène une politique d'asile digne et équitable, qui réponde à la fois aux besoins de protection des demandeur·euse·x·s d'asile et favorise leur intégration dans la société. Amnesty International demande donc que le programme de législature comprenne des mesures qui garantissent que les droits des personnes migrant·e·x·s soient respectés tout en reconnaissant les opportunités offertes par la migration. De plus, la Suisse devrait jouer un rôle actif dans la coopération européenne et internationale afin de garantir une politique d'asile et de migration coordonnée, humaine et respectueuse des droits humains. Outre le programme de législature, qui sera débattu le 6 juin par le Conseil des États, les dossiers de politique d'asile et de migration suivants sont importants :
AFGHANISTAN
CONSEIL NATIONAL - LUNDI 27 MAI 2024
Une fois de plus, certaines voix appellent à plus de fermeté dans le traitement des réfugié·e·x·s afghans. La motion 23.4241 demande un durcissement de la pratique en matière d’asile qui date du 17 juillet 2023. La Commission des institutions politiques du Conseil national a certes rejeté la motion, mais a exigé en contrepartie la mise en œuvre de la motion de la commission 24.3008. Ces interventions méconnaissent le fait que la pratique actuelle du Secrétariat d'État aux migrations ne constitue pas une garantie pour obtenir l’asile en Suisse. Chaque situation des personnes ayant fui l'Afghanistan est examinée individuellement. Il est évident que la situation des droits humains en Afghanistan est toujours aussi mauvaise sous le règne des talibans et que les personnes ont besoin de notre protection. La pratique actuelle en matière d'asile a donc fait ses preuves à cet égard.
Amnesty International recommande le rejet des motions 23.4241 et 24.3008.
ÉRYTHRÉE
CONSEIL NATIONAL - LUNDI 10 JUIN 2024
23.4038, 23.4440, 23.4447 / Motions
L'Érythrée est au centre de plusieurs durcissements. Lors de la session d'été, les trois motions 23.4038, 23.4440 et 23.4447 sont traitées. La motion 23.4038 demande au Conseil fédéral d'entamer des négociations avec l'Érythrée en vue d'un accord ou d'un partenariat migratoire. La Suisse mène des négociations depuis longtemps, mais sans succès jusqu'à présent. A l'heure actuelle, il est encore peu probable que la situation des négociations évolue.
La motion 23.4440 demande au Conseil fédéral de conclure des accords de transit avec des pays tiers afin de rapatrier les demandeurs d'asile érythréens déboutés. L'Érythrée s'oppose au retour involontaire de ses ressortissants, y compris aux réadmissions via le transit par des pays tiers. Malgré son utilité réduite, cette motion pourrait ouvrir la porte à d'autres durcissements dans le domaine de l'asile. Finalement, la motion 23.4447 demande que des mesures soient prises contre les personnes qui soutiennent par la violence le régime de leur pays d'origine en Suisse. Comme l'explique le Conseil fédéral dans sa réponse, des moyens juridiques existent déjà à cet égard, ce qui rend la motion inutile.
Amnesty International recommande le rejet des trois motions 23.4038, 23.4440 et 23.4447.
israël / territoires palestiniens occupés
SUSPENSION IMMÉDIATE DES CONTRIBUTIONS À L'OFFICE DE SECOURS ET DE TRAVAUX DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS DE PALESTINE DANS LE PROCHE-ORIENT (UNRWA)
CONSEIL NATIONAL - MARDI 4 JUIN 2024
24.3194 / Motion
La motion 24.3194 demande que la Suisse cesse son soutien à l'UNRWA.
La réticence de la Suisse à financer l'aide de l'ONU alors que des millions de palestinien·ne·x·s souffrent de la faim est difficile à comprendre et va ternir l'image de la Suisse humanitaire. La Suisse doit suivre l'exemple de plusieurs États européens qui reconnaissent le rôle important de l'UNRWA : La Norvège, l'Espagne, l'Irlande, la Belgique et d'autres États poursuivent leur financement ou l'ont même considérablement augmenté. L'Union européenne a également débloqué début mars 2024 une première tranche de 50 millions d'euros pour l'UNRWA.
Le Conseil fédéral rejette lui aussi clairement la motion.
En conséquence, Amnesty International recommande au Conseil national de rejeter la motion 24.3194.
AIDE FINANCIÈRE EN PALESTINE. CRÉATION D'UNE TASK FORCE
CONSEIL DES ÉTATS - LUNDI 3 JUIN 2024
23.4338 / Motion
La motion 23.4338 de la CPE-N demande au Conseil fédéral d'examiner les contributions de la Suisse aux organisations et institutions du Proche-Orient. L'intervention est très controversée, elle n'a été adoptée que de justesse, à une voix près, au sein de la CPE-E. La commission a décidé de ne pas donner suite à la motion.
Une société civile forte et indépendante joue un rôle central dans la promotion de la paix et des droits humains. C'est précisément le cas dans le contexte actuel du Proche-Orient, où les ONG palestiniennes et israéliennes mènent depuis des années un travail essentiel en faveur des droits humains et sont ainsi également des partenaires importants de la politique étrangère suisse.
En novembre déjà, plusieurs pays européens, dont la Suisse, avaient pris des mesures pour suspendre ou limiter le financement d'organisations de la société civile palestinienne. Le Conseil fédéral a pris cette décision sur la base d'accusations infondées selon lesquelles des fonds seraient détournés vers des « organisations terroristes » ou utilisés pour « inciter à la haine et à la violence ». De telles allégations encouragent les stéréotypes racistes et islamophobes qui existent depuis longtemps et qui présentent les personnes arabes et musulmanes comme étant prêtes à la violence et comme des « terroristes » potentiels. La motion 23.4338 s'inscrit dans cette logique, et constitue en outre un vote de défiance généralisé à l'égard des processus de vérification préalable déjà en place au DFAE.
En conséquence, Amnesty International continue de recommander que le Conseil des États de la motion 23.4338.
Autres thèmes
SOUTIEN À LA SOCIÉTÉ CIVILE IRANIENNE
CONSEIL NATIONAL - MARDI 4 JUIN 2024
22.4278 / Motion
Amnesty International salue l'engagement du Parlement pour soutenir la société civile iranienne, tant sur le terrain qu'en Suisse. Amnesty International demande également que les responsables des violations des droits humains en Iran soient tenus de rendre des comptes et que les auteurs présumés soient poursuivis et accusés, y compris par la juridiction universelle en Suisse même.
La Suisse devrait continuer à s'engager fermement contre la peine de mort et appeler publiquement l'Iran à abolir la peine de mort pour les délits liés à la drogue et à décréter immédiatement un moratoire sur toutes les exécutions. Amnesty International constate une augmentation massive des exécutions en Iran suite à la répression du mouvement de protestation « Femme, vie, liberté ». Au moins 853 personnes ont été exécutées en 2023 dans la République islamique.
POUR UNE STRATÉGIE ET UN PLAN D'ACTION CONTRE LE RACISME ET L'ANTISÉMITISME
CONSEIL DES ÉTATS - MARDI 4 JUIN 2024
23.4335 / Motion
Le racisme et l'antisémitisme constituent une menace pour les droits humains. Ils nient l'un des principes fondamentaux de la Déclaration universelle des droits humains : que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Au vu de la polarisation géopolitique croissante et de la récente escalade de la violence au Proche-Orient, il est de la responsabilité de la Suisse, en matière de droits humains, de prendre des mesures pour protéger touxtes les personnes contre la discrimination raciste et antisémite.
Pour cela, il faut une action coordonnée de la Confédération et des cantons, mais aussi une meilleure saisie et évaluation des données afin de reconnaître les agressions racistes et antisémites en tant que telles et de les rendre visibles. Avec la motion 23.4335, la Commission des institutions politiques du Conseil national a repris une requête de la motion 22.3307 de teneur similaire. Elle invite en outre le Conseil fédéral et les cantons à examiner la possibilité d'instituer une personne déléguée à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. La CIP-E ayant également recommandé l'adoption de la motion, le Conseil des États doit encore se prononcer.
Amnesty International recommande l'adoption de la motion 23.4335.
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