Appel à la liberté d'expression par des journalistes et militants, rassemblés à Ankara le 19 mars 2011. © REUTERS/Umit Bektas
Appel à la liberté d'expression par des journalistes et militants, rassemblés à Ankara le 19 mars 2011. © REUTERS/Umit Bektas

Turquie En prison pour avoir exprimé une opinion

Le paquet de réformes examiné par le Parlement turc risque d'être une occasion manquée de mettre la législation du pays en conformité avec les normes internationales en matière de droits humains. Il laissera les citoyens à la merci de diverses violations, dont des emprisonnements abusifs pour avoir simplement exprimé une opinion, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public mercredi 27 mars.

«Le droit à la liberté d'expression est battu en brèche en Turquie. Des centaines de militants, de journalistes, d'écrivains et d'avocats font l'objet de poursuites abusives. C'est l'un des problèmes les plus profondément enracinés sur le terrain des droits humains dans ce pays», a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International.

Le rapport d'Amnesty International, intitulé Decriminalize dissent: Time to deliver on the right to freedom of expression, analyse les dispositions en vigueur et les pratiques découlant des 10 articles de loi turcs les plus problématiques en matière de liberté d'expression. L'ensemble de réformes en question, connu sous le nom de «Quatrième paquet juridique», ne prévoit pas les changements requis afin de rendre le droit turc conforme aux normes internationales en matière de droits humains.

«La plupart des poursuites engagées de manière abusive visent des personnes ayant critiqué des représentants de l'État ou exprimé des opinions légitimes sur des questions politiques sensibles. Les autorités turques doivent accepter la critique et respecter le droit à la liberté d'expression», a résumé Andrew Gardner, spécialiste de la Turquie à Amnesty International.

Le tristement célèbre article 301 du Code pénal, relatif au «dénigrement de la nation turque», est toujours en vigueur. Il a notamment été invoqué afin de poursuivre et condamner Hrant Dink, un journaliste et défenseur des droits humains assassiné par la suite. De même, l'article 318, qui érige en infraction le fait de «susciter l'hostilité de la population à l'égard du service militaire», continue à être utilisé pour sanctionner ceux qui soutiennent le droit à l'objection de conscience. Ils doivent tous deux être abrogés.

Nous avons constaté ces dernières années un recours de plus en plus arbitraire aux lois antiterroristes dans le but de sévir contre des activités légitimes (discours politiques, écrits critiques, participation à des manifestations et association avec des groupes et organisations politiques reconnus), ce qui va à l'encontre des droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion. «Il est indispensable de réviser la définition, trop large et vague, du terrorisme dans la législation turque. C'est la seule manière de mettre un terme aux poursuites injustifiées pour "appartenance à une organisation terroriste" et autres infractions de ce type», a poursuivi Andrew Gardner.

Des discussions pacifiques portant sur les droits des Kurdes et les politiques dans ce domaine ont donné lieu à des poursuites, en vertu de dispositions visant à sanctionner la propagande terroriste. Les analyses effectuées sur ces questions, mais aussi les slogans accompagnant les manifestations pro-kurdes débouchent fréquemment sur des poursuites pour «propagande terroriste».

«Une société où les citoyens peuvent librement exprimer leurs opinions, où ils peuvent débattre de questions d'actualité sans avoir à craindre d'être poursuivis, est une société en bonne santé, ce à quoi la Turquie doit aspirer», a ajouté John Dalhuisen. «Une réforme juridique en profondeur, qui débarrasserait de ses entraves la liberté d'expression, d'association et de réunion, apaisera les tensions en Turquie. C'est une étape essentielle sur la voie d'une Turquie pacifique et démocratique», a conclu Andrew Gardner.

Communiqué de presse publié le 27 mars 2013, Londres / Lausanne.
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