Tirs à l'arme lourde dans un salon à Cizre, septembre 2015. © Amnesty International
Tirs à l'arme lourde dans un salon à Cizre, septembre 2015. © Amnesty International

Turquie Les opérations militaires dans les villes kurdes violent les droits humains

6 janvier 2016

Les opérations militaires dans le sud-est kurde placent les populations civiles dans des situations dramatiques. Amnesty demande d’urgence à la Turquie de respecter le droit international.

Depuis le 14 décembre 2015, les forces de sécurité turques mènent de vastes opérations contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ces opérations touchent de nombreuses villes dont Cizre, Silopi, Dargeçit, Sur, Nusaybin et la grande ville de Diyarbakir. Plusieurs villes et quartiers sont en état de siège militaire et verrouillées. La situation de la population civile continue de se détériorer, et le nombre de victimes civiles augmente sans cesse. Dès septembre, certains endroits, en particulier Cizre, avaient été assiégés et touchés par des opérations militaires. Amnesty avait alors déjà exigé que le droit de la population civile d’accéder aux besoins essentiels soit respecté.

Des milliers de personnes privées d’eau et de nourriture

Des avocats des droits humains turcs ont rapporté à Amnesty International que l’approvisionnement alimentaire et en eau potable de divers quartiers de Dargeçit était interrompu. 18'000 personnes en seraient affectées. A Cizre, Silopi et dans d'autres endroits, l’électricité a été interrompue pendant plusieurs jours, et les écoles sont fermées depuis le début de l'offensive. Selon divers médias, entre 22'000 et 24'000 personnes ont fui le quartier de Sur, à Diyarbakir, depuis le début de l’offensive.

Les normes internationales des droits humains définissent de manière précise les opérations des militaires et des forces de sécurité dans des zones habitées. L'accent est mis sur la protection des civils. Leur situation dramatique montre que les forces militaires et de sécurité turques continuent de ne pas considérer les exigences formulées par Amnesty International dès septembre 2015.

Les normes internationales doivent être respectées

Amnesty International réitère sa demande aux forces militaires et de sécurité turques de respecter les normes internationales en matière de droits humains, notamment les aspects suivant :

  • Approvisionnement des civils. En cas de couvre-feu et de blocus dans des conflits armés, il faut accorder tous les jours un laps de temps suffisant aux populations pour leur permettre d’accéder aux biens de première nécessité. L'accès de la population civile à des soins de santé d'urgence et à l'approvisionnement en eau potable et en électricité doit être garanti à tout moment.
  • Limitation de l'utilisation de la force. Toute utilisation de la force par les forces de sécurité ou la police doit respecter le principe de proportionnalité. L'utilisation de la force létale est seulement autorisée pour l'auto-défense et en cas de danger immédiat pour la vie de militaires, de la police et/ou de tiers autorisés.
  • Enquêtes indépendantes. Toutes les violations du droit international humanitaire et les décès de civils rapportés aux autorités doivent donner lieu à des enquêtes indépendantes. À cette fin, des missions d'enquête externes indépendantes, des journalistes et des représentants d'organisations humanitaires et des droits humains doivent obtenir l’autorisation d’accéder à Cizre, Silopi, Dargeçit, Sur, Nusaybin et aux autres endroits et quartiers touchés par les combats et les opérations militaires.
  • Liberté d’expression et de réunion. Le droit de manifester pacifiquement doit rester garanti.

Dans une lettre adressée au Ministre de l’Intérieur, la Section turque d'Amnesty International a souligné la situation dramatique subie par la population civile à Dargeçit et dans les autres endroits touchés. Elle a rappelé aux autorités turques leur obligation de n’user de la force meurtrière que de manière proportionnée.

Amnesty International a effectué des missions de recherche à Cizre et dans d’autres localités touchées par les opérations militaires durant l’automne. Un rapport aurait dû être publié en janvier 2016. Étant donné les récentes opérations militaires et leur intensification, Amnesty a décidé de le compléter et a reporté sa publication. La date de diffusion de ce rapport n’a pas encore été fixée.