Un nouveau rapport d'Amnesty International, intitulé No evidence of a crime: Paying the price for police impunity in Ukraine, révèle que les policiers sont rarement sanctionnés pour ces actes en raison du niveau élevé de corruption, des enquêtes inexistantes ou entachées d’irrégularités, du harcèlement et des manœuvres d’intimidation visant les plaignants et du peu de poursuites engagées à la suite de ces agissements.
«Vingt ans après la fin de l’Union soviétique, la police ukrainienne sert toujours les intérêts de l’État avant ceux de la population. Les simples citoyens en paient le prix, nombre d’entre eux étant victimes de la corruption et des «aveux» extorqués, a déclaré Heather McGill, spécialiste de l’Ukraine au sein d’Amnesty International.
«ll est grand temps que les autorités ukrainiennes mettent en place un organisme indépendant pour enquêter sur toutes les allégations concernant des policiers et s’attaquent à la culture de l’impunité et de la corruption qui règne.»
Certains policiers qui torturent ou maltraitent des détenus ne font jamais l’objet de procédures disciplinaires ou pénales car les enquêtes sont entachées d’irrégularités.
Les plaintes déposées par des détenus contre des policiers pour torture et autres mauvais traitements ne sont pas prises en considération ou sont classées sans suite, quelle que soit la solidité des éléments sur lesquels elles sont fondées.
Les services du médiateur chargé des droits humains ont indiqué avoir reçu 5 000 plaintes faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements en 2010.
Un détenu a semble-t-il été torturé à mort en prison
En août 2010, Yakov Strogan a été enlevé et torturé par des policiers en civil à Kharkiv. Il a été accusé de tentative de meurtre. Un avocat recommandé par la police a proposé d’obtenir sa libération pour 10 000 dollars.
Dmitri Yachtchouk a été retrouvé mort dans un poste de police à Kiev le 13 juin 2010, un jour après avoir été arrêté et, semble-t-il, forcé par des policiers à «avouer» un crime qu’il n’avait pas commis.
La première autopsie a révélé des blessures sur son corps. Les policiers ont soutenu qu’il s’était suicidé et une seconde autopsie semble avoir confirmé cette version, mais sa famille doute encore qu’il se soit suicidé et, s’il l’a fait, elle se demande s’il y a été poussé par les mauvais traitements des policiers. Son père a déclaré à Amnesty International:
«Dès le début, je n’ai pas cru à la version selon laquelle il s’était suicidé. J’ai demandé à voir mon enfant. Comme la suite l’a montré, il y avait quelque chose à cacher. Il y avait eu des coups.»
Les violations des droits des détenus par la police sont de plus en plus médiatisées, et la mort de Dmitri Yachtchouk et d’autres personnes en garde à vue a déclenché des protestations dans tout le pays.
Protestations populaires contre les violences policières
«Le climat évolue – l’opinion publique est moins tolérante vis-à-vis de la torture et des autres mauvais traitements et la population demande que la police soit davantage tenue de rendre compte de ses actes, a souligné Heather McGill.
«Les autorités doivent combler le fossé qui existe entre, d’une part, l’intention déclarée de mieux protéger les droits humains et, d’autre part, les pratiques policières qui ne sont ni soumises à l’obligation de rendre des comptes, ni transparentes.»
Amnesty International estime que le meilleur moyen d’y parvenir est de créer un organisme indépendant doté de ressources suffisantes pour enquêter sur toutes les allégations concernant des policiers. L’Ukraine doit veiller à ce que les témoins soient protégés du harcèlement et, dans tous les cas où des policiers font l’objet d’une enquête pour de graves violations des droits humains, qu’ils soient suspendus de leurs fonctions pendant la durée de celle-ci.
Les policiers présumés responsables de torture ou d’autres formes de mauvais traitements doivent être amenés à répondre de leurs actes par le biais de procédures disciplinaires et pénales.
«La police ukrainienne doit faire tout son possible pour regagner la confiance du public; elle doit pour cela changer la nature de leur relation, en passant de la confrontation au partenariat», a ajouté Heather McGill.