Ces opérations ne sont pas nécessairement suivies du retour à une situation de droit. Dans le cadre plus général de la dégradation des conditions de sécurité dans l’est du pays. Amnesty International a récemment fait part aux autorités ukrainiennes de son inquiétude concernant les agissements d’Oleg Liachko, un député à l’attitude particulièrement inacceptable, qui place en «détention» – enlève, en réalité – et maltraite des personnes dans toute la région.
À la tête du Parti radical d’Ukraine, Oleg Liachko est membre du Parlement ukrainien et a été candidat aux dernières élections présidentielles. Il se déplace en compagnie de jeunes hommes musclés, armés et revêtus de treillis, une caméra omniprésente filmant ses «exploits». Les images disponibles sur son site internet font froid dans le dos. On y voit Oleg Liachko pénétrant dans des lieux publics ou privés, toujours escorté d’hommes en armes, pour ensuite enlever des personnes ou les contraindre à exécuter ses ordres.
«Gloire à l’Ukraine, mort aux occupants»
Oleg Liachko est censé être un législateur. Il a toutefois décidé de faire régner sa propre loi. La formule «Gloire à l’Ukraine, mort aux occupants» lui sert de cri de ralliement.
Il n’a pas le droit de procéder à des arrestations. Pourtant, il se livre à des enlèvements et n’hésite pas à maltraiter ses victimes, aussi bien verbalement que physiquement, devant sa propre caméra. Son site, comme d’autres, propose de nombreuses vidéos montrant des enlèvements et des atteintes aux droits à un procès équitable, à la liberté et à la sécurité, ainsi qu’au droit de ne pas être soumis à la torture ou à toute autre forme de mauvais traitement.
L’une des vidéos les plus récentes mises en ligne sur le site d’Oleg Liachko, un reportage télévisé filmé le 27 juillet 2014, le montre avec quatre hommes armés en train d’enlever Iouri Borissov, présenté comme le maire par intérim de la ville de Stakhanov, alors qu’il se trouvait à Berdiansk. On le voit même à un moment lui donner un coup de pied. Une vidéo prise le lendemain montre Iouri Borissov à genoux, s’excusant devant le peuple ukrainien d’avoir participé à l’organisation à Stakhanov d’un «référendum», le 10 mai 2014, à la suite duquel les séparatistes avaient proclamé l’indépendance de la région.
Totale impunité pour Oleg Liachko
Amnesty International considère que les actes d’Oleg Liachko et de ses complices armés constituent une atteinte flagrante aux normes du droit international, qui indiquent clairement que seules les autorités compétentes sont habilitées à procéder à des arrestations ou à des placements en détention. Oleg Liachko jouit pourtant pour l’instant de la plus totale impunité.
Selon les informations recueillies par l’organisation, l’insécurité est de plus en plus forte dans l’est de l’Ukraine. Aussi bien les forces favorables à Kiev que les groupes séparatistes armés se rendent responsables d’atteintes aux droits humains, et notamment notamment d’enlèvements et de mauvais traitements infligés aux captifs.
Amnesty International constate depuis des années la vulnérabilité des citoyens ordinaires face à des représentants des pouvoirs publics corrompus et l’incapacité des autorités ukrainiennes à enquêter sérieusement sur les atteintes aux droits humains et à traduire en justice leurs auteurs présumés. Dans la situation particulière que connaît actuellement l’Ukraine, cette impunité persistante ne peut que saper encore davantage l’état de droit dans le pays.
Lettre adressée au procureur général
Dans une lettre récemment adressée au procureur général d’Ukraine, Amnesty International demandait l’ouverture immédiate d’une enquête sur les agissements d’Oleg Liachko et sur tous les cas d’enlèvement et de mauvais traitements attribués aux forces favorables à Kiev. Des délégués d’Amnesty International ont rencontré fin juin de hauts représentants du Conseil national de sécurité, du ministère de l’Intérieur et du Service de la sûreté de l’État. À chaque entretien, il leur a été répété qu’Oleg Liachko n’était pas autorisé à procéder à des placements en détention.
Toutes les personnes responsables ou complices de tels actes doivent être traduites en justice, et leurs victimes doivent recevoir des réparations.
En outre, tout individu enlevé doit être immédiatement remis en liberté. Lorsque la personne enlevée est remise aux autorités ukrainiennes, elle doit être informée dans les meilleurs délais des charges pesant éventuellement contre elle, avoir immédiatement accès à un avocat et être conduite sans attendre devant un juge, ou à défaut être libérée.