Algérie Malik Medjnoun: Emprisonné sans jugement depuis onze années

17 novembre 2010
Malik Medjnoun a été arrêté le 28 septembre 1999 alors qu'il était âgé de vingt-cinq ans et il demeure détenu, dans l'attente d'un jugement, à la prison civile de Tizi Ouzou, située en Grande Kabylie, au centre-nord du pays. Il est accusé d'avoir tué le chanteur berbère populaire Matoub Lounes - un crime qu'il nie avec véhémence. L’organisation demande que Malik Medjnoun soit libéré ou jugé lors d’un procès répondant aux normes internationales d’équité. Le cas de Malik Medjnoun démontre qu’un climat d’impunité pour les atteintes aux droits humains passées et présentes persiste en Algérie.

Malik Medjnoun a été impliqué dans ce crime suite à des « aveux » faits par Abdelhakim Chenoui qui est accusé du même crime. Par la suite, Chenoui est revenu sur ses « aveux » en affirmant qu'ils les avaient faits sous la contrainte et sous la menace de subir de nouvelles tortures.

Durant les sept mois qui ont suivi son arrestation, Malik Medjnoun a été détenu par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) au secret et dans un lieu non révélé. Il a dit à son avocat qu'après être arrivé à la caserne d'Antar, dirigée par le DRS, dans la région de Ben-Aknoun à Alger, il a été continuellement torturé. Les agents du DRS l'auraient notamment frappé avec un manche de pioche sur tout le corps, lui auraient infligé des décharges électriques et l'auraient soumis à la torture du « chiffon ». Il a affirmé que, par la suite, il avait été régulièrement passé à tabac par les gardiens et privé de nourriture. Il a finalement dû être hospitalisé.

Abdelhakim Chenoui, ancien membre d'un groupe armé, s'est livré au procureur de la République de Tizi Ouzou le 17 septembre 1999, dans le cadre de la Loi sur la concorde civile. Il a été arrêté quelque temps plus tard et a disparu durant six mois. Il a été détenu au secret au Centre de Chateauneuf à Alger, dirigé par le DRS, où il aurait été torturé. Comme dans le cas de Medjnoun, il a finalement dû être hospitalisé. Il est actuellement détenu à la prison civile de Tizi Ouzou dans l'attente d'être jugé.

En 2004, Ali Medjnoun a déposé plainte devant le Comité des droits de l'homme des Nations unies décrivant très précisément les violations subies par son fils. En juillet 2006, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a décidé que Malik Medjnoun devait être immédiatement jugé ou remis en liberté et a précisé que ses allégations de torture et autres violations des droits humains devaient faire l'objet d'une enquête et que les auteurs présumés de ces actes devaient être traduits en justice. Le Comité a également recommandé que Malik Medjnoun soit indemnisé pour les violations subies. Aucune information n'indique que le gouvernement algérien ait pris des mesures suite à cette décision et Malik Medjnoun demeure détenu sans jugement.

Amnesty International est très préoccupée par la détention continue de Malik Medjnoun. L’organisation demande qu’il soit jugé lors d’un procès répondant aux normes internationales d’équité, c’est-à-dire par un tribunal civil, indépendant, qui devra décider de son maintien ou non en détention ou ordonner sa libération. Amnesty International demande également qu’une enquête indépendante soit menée sur les circonstances de son arrestation et de son mise en détention initiale, ainsi que sur les allégations selon lesquelles il aurait été victime de disparition forcée et torturé. L’organisation demande que les responsables de ces actes soient traduits en justice et que Malik Medjnoun reçoive réparation pour atteintes à ses droits fondamentaux.

Informations de fond

En juin 1998, le chanteur berbère populaire Matoub Lounes a été assassiné et son épouse et ses deux belles-sœurs grièvement blessées lors d'une embuscade alors qu'ils circulaient en voiture le 25 juin 1998, non loin de son village natal de Taourirt Moussa, en Kabylie. Le chanteur, qui avait passé la plus grande partie de l'année précédente en France, dénonçait aussi bien les islamistes que le gouvernement et était un défenseur fervent des droits culturels amazigh. Bien que cette affaire ait fait grand bruit, les autorités n'ont pas mené les investigations les plus élémentaires telles que les examens médico-légaux, la sauvegarde des éléments de preuve et l'interrogatoire des témoins. Alors que les autorités affirment qu'il a été tué par des membres de groupes armés et ont inculpé deux personnes pour meurtre et implication dans des activités liées au terrorisme, l'assassinat de Matoub Lounes a déclenché des manifestations antigouvernementales en Kabylie au cours desquelles les manifestants ont accusé le gouvernement d'être responsable de ce meurtre. Les proches du chanteur continuent de demander l'ouverture d'une enquête exhaustive, impartiale et indépendante sur cet assassinat.

Un climat d’impunité pour les atteintes aux droits humains passées et présentes persiste en Algérie. Dans leur grande majorité, les atteintes aux droits humains perpétrées par les groupes armés et par les forces de sécurité de l’État au cours du conflit interne des années 1990, qui a fait plus de 200’000 morts selon les estimations du gouvernement, n’ont pas fait l’objet d’enquêtes. L’impunité pour les violations passées s’est trouvée renforcée par les lois d’amnistie adoptées par le gouvernement en 2006.

Plus d'informations dans le rapport d'Amnesty