Le prince Saud Al Faisal, ministre saoudien des Affaires étrangères, a déclaré mercredi 9 mars que la «réforme ne s’accomplit pas par le biais de manifestations», tandis que l’interdiction de manifester, confirmée samedi 5 mars, est appuyée par des institutions religieuses et des organes de sécurité.
«Au lieu d’interdire les manifestations pacifiques, les autorités saoudiennes doivent s’employer à mettre en place la réforme de grande ampleur dont le pays a besoin sur le plan des droits humains», a affirmé Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
«Elles doivent tenir compte des appels de plus en plus nombreux en faveur du changement en Arabie saoudite.»
La «Journée de la colère» en Arabie saoudite a été organisée par l’intermédiaire de Facebook. Une des pages à ce propos compte 33 000 fans.
Le déploiement des forces de sécurité est alarmant
Selon certaines informations relayées par les médias le weekend dernier, quelque 10 000 militaires saoudiens seront déployés afin de réprimer d’éventuelles manifestations.
L’interdiction est également soutenue par le président des mutawaeen (police religieuse), le Conseil supérieur des oulémas (docteurs de la foi) et le Majlis al Shura (un conseil consultatif nommé par le roi).
«Les informations selon lesquelles les autorités saoudiennes prévoient de déployer des militaires pour effectuer le maintien de l'ordre des manifestations sont très alarmantes, a déclaré Philip Luther. Au lieu de chercher à menacer les personnes désireuses de manifester afin de les dissuader de descendre dans la rue, les autorités devraient maîtriser les forces de sécurité et permettre que des actions de protestation pacifiques puissent avoir lieu.»
Détention au secret
Amnesty International a par ailleurs demandé aux autorités de relâcher un homme arrêté vendredi 4 mars lors d'une manifestation à Riyadh, la capitale, ou de l’inculper.
Muhammad al Wadani est en détention au secret depuis son arrestation et risquerait la torture.
Une vidéo mise en ligne sur YouTube deux jours avant la manifestation montrait Muhammad al Wadani appeler de ses vœux la chute de la monarchie et encourager la population à se joindre à la manifestation.
Environ 24 personnes ont été placées en détention les 3 et 4 mars à la suite des manifestations organisées dans la ville d'al Qatif pour dénoncer le maintien prolongé en détention sans procès de prisonniers chiites. Elles ont été relâchées sans inculpation mardi 8 mars, et ce seulement après avoir semble-t-il signé l’engagement de ne plus manifester.
Manifestations non autorisées depuis 2008
Le ministère de l’Intérieur aurait déclaré en 2008 que les manifestations étaient interdites en Arabie saoudite, au lendemain d'une manifestation contre l’action militaire israélienne à Gaza.
Bien qu’à la connaissance d’Amnesty International aucun texte de loi n’interdise les manifestations, les rassemblements de ce type ne sont généralement pas autorisés par les autorités saoudiennes.
La torture et d’autres formes de mauvais traitements sont fréquemment employées pour extorquer des «aveux» à des détenus, les punir d’avoir refusé de se «repentir» ou les forcer à s’abstenir de critiquer le gouvernement.
Dans ce pays, la détention au secret est souvent prolongée jusqu’à l’obtention d’«aveux», si bien qu’elle peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années.