Les hommes condamnés figuraient parmi 32 personnes arrêtées dans différentes villes d’Arabie saoudite en 2013 et 2014 et accusées d’espionnage pour le compte de l’Iran. Quinze autres prévenus ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant de six mois à 25 ans, et les deux derniers ont été relaxés.
Poursuivis pour «haute trahison»
Ces hommes étaient poursuivis pour «haute trahison» et pour plusieurs autres accusations fantaisistes portant sur des faits qui ne devraient pas être considérés comme des infractions pénales, telles que «soutien à des manifestations», «diffusion de la religion chiite» et «détention de livres et de vidéos interdits». À maintes reprises, il a été démontré que le système judiciaire de l’Arabie saoudite est incapable de garantir l’équité et la justice, a déclaré Samah Hadid, directrice adjointe chargée des campagnes au sein du bureau régional d'Amnesty International à Beyrouth.
«La peine de mort est un châtiment cruel, inhumain et dégradant en toutes circonstances, mais elle est encore plus choquante lorsque des personnes y sont condamnées à l’issue de procès manifestement iniques. Ces condamnations à mort doivent être immédiatement annulées et les accusés doivent être soit rejugés conformément aux normes internationales et sans recours à la peine de mort, soit libérés.»
Les personnes condamnées sont toutes de nationalité saoudienne, à l’exception d’un ressortissant iranien qui a été condamné à quatre ans d’emprisonnement. Un ressortissant afghan figure parmi les deux hommes relaxés.
Des arrestations sans mandat
Selon Taha al Hajji, l’un des avocats qui ont défendu la plupart des prévenus, les 32 hommes jugés ont été arrêtés sans mandat et détenus au secret pendant près de trois mois, durant lesquels ils ont été interrogés à plusieurs reprises sans avocat, ce qui augmente le risque qu’ils aient subi des actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Beaucoup n’ont appris la raison de leur arrestation qu’au cours de leurs interrogatoires.
Certains ont indiqué au tribunal qu’ils avaient été menacés d’être placés à l’isolement et empêchés de communiquer avec leurs proches s’ils ne signaient des «aveux». On leur aurait dit que, s’ils refusaient de signer, leurs proches seraient emprisonnés dans des cellules à côté d’eux.
Après avoir été détenus pendant presque trois ans sans inculpation ni procès, ces hommes ont été soudain conduits devant le Tribunal pénal spécial de Riyadh – une juridiction chargée des affaires liées à la sécurité et au terrorisme dont les procédures sont entourées de secret – en février 2016. La plupart d’entre eux ont assisté à la première audience sans avocat et les autres n’ont rencontré le leur que brièvement la première fois qu’ils sont arrivés au tribunal. Certains des prévenus ont dû préparer leur défense eux-mêmes.
Justice tournée en dérision
«Dans cette affaire, la procédure judiciaire a tourné la justice en dérision du début à la fin. Au vu du fait que ces hommes ont été détenus au secret pendant trois mois, privés d’accès à un avocat lors des interrogatoires, et que le tribunal n’a pas étudié comme il se doit leurs déclarations indiquant qu’ils ont été forcés à signer des “aveux”, ce procès n’est rien d’autre qu’un simulacre», a déclaré Samah Hadid.
Alors que le procureur général a eu presque trois ans pour réunir des éléments à charge contre les 32 prévenus, leurs avocats ont disposé de moins d’un mois pour préparer leur défense après la première audience et se sont vu refuser l’accès à des informations essentielles pour présenter une plaidoirie correcte.
Ils se sont plaints en expliquant qu’ils avaient besoin de plus de temps car il s’agissait d’une affaire très complexe, dans laquelle 32 personnes étaient mises en cause, mais leur demande a été ignorée par le juge. Au début de la période de préparation, ils n’ont pas pu accéder aux documents du dossier ni à des éléments à charge sur lesquels ont reposé les condamnations, notamment les «aveux» forcés des hommes.
Pas de réelles infractions
Lors de la première audience, en février 2016, un acte d’accusation de près de 100 pages a été remis aux 32 prévenus. La plupart étaient accusés de «haute trahison» ou d’infractions similaires, soit pour avoir créé ou rejoint une cellule d’espions, soit pour avoir rencontré des agents du renseignement iranien et partagé des informations militaires et relatives à la sécurité avec eux.
Néanmoins, certains chefs d’inculpation retenus contre ces hommes ne constituent pas des infractions dûment reconnues par les normes internationales. Il s’agit de faits tels que «soutien à des manifestations», «diffusion de la religion chiite» (par exemple en créant un centre chiite à la Mecque), «détention de livres et de vidéos interdits » ou encore «incitation de la population à rompre l’allégeance au souverain et à nuire à sa réputation et à celle de la famille royale».
L’un des prévenus, qui fait partie de ceux condamnés à mort, était même poursuivi pour avoir eu en sa possession des articles écrits par Mikhlif al Shammari, un éminent défenseur des droits humains et de la communauté chiite d’Arabie saoudite qui a été condamné à une peine d’emprisonnement et 200 coups de fouet pour son militantisme.
Les procédures du Tribunal pénal spécial sont entourées de secret. Étant donnée leur opacité, dans certains cas, le simple fait d’être conduit devant un tribunal semble être une raison suffisante pour que les juges déclarent le prévenu coupable.
Dans une lettre présentée au Tribunal pénal spécial lors de la deuxième audience, plusieurs avocats ont annoncé qu’ils boycotteraient le procès pour protester contre la manière dont il se déroulait, notamment le fait qu’ils n’aient pas été autorisés à rendre visite à leurs clients, à examiner les éléments à charge et à préparer leur défense correctement. Ils se sont également élevés contre la «guerre médiatique» faite aux prévenus. Les autorités saoudiennes ne laissent aucun média critique ou indépendant exercer ses activités dans le royaume.