Selon les témoignages, 10 défenseurs des droits humains ont subi des actes de torture, des violences sexuelles et d’autres formes de mauvais traitements durant leurs trois premiers mois de détention. Ils étaient alors enfermés dans un centre de détention informel dont le lieu n’a pas été déterminé.
Une militante a été informée à tort de la mort de membres de sa famille par un interrogateur, qui lui a fait croire à cette triste nouvelle pendant un mois entier. Deux personnes ont été forcées à s’embrasser sous les yeux de leurs interrogateurs. Une militante a affirmé que des interrogateurs lui avaient mis de l’eau dans la bouche alors qu’elle criait pendant une séance de torture. D’autres personnes ont signalé avoir été torturées avec des décharges électriques.
«Nous sommes extrêmement inquiets pour le bien-être de ces militants, qui sont en détention arbitraire depuis environ neuf mois pour avoir simplement défendu les droits humains, a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches sur le Moyen-Orient à Amnesty International. «Les autorités saoudiennes ont montré à de multiples reprises qu’elles n’étaient pas disposées à protéger efficacement les détenus de la torture et à mener des enquêtes impartiales sur les allégations de torture en détention. C’est pourquoi nous appelons l’Arabie saoudite à accorder à des organismes de surveillance indépendants un accès libre et immédiat aux militants détenus.»
«Les autorités saoudiennes ont montré à de multiples reprises qu’elles n’étaient pas disposées à protéger efficacement les détenus de la torture et à mener des enquêtes impartiales sur les allégations de torture en détention.» Lynn Maalouf, directrice des recherches sur le Moyen-Orient à Amnesty International
Electrocutés et fouettés
En novembre 2018, Amnesty International a rapporté des informations indiquant que plusieurs militants placés en détention arbitraire depuis mai 2018, dont des femmes, avaient été à de multiples reprises électrocutés et fouettés, à tel point que certains étaient incapables de marcher ou de se tenir debout. Les nouveaux témoignages révèlent que d’autres militants de ce groupe ont été soumis au même type de torture.
En décembre 2018, Amnesty International a écrit aux autorités saoudiennes en leur demandant que des organismes de surveillance indépendants, notamment des organisations internationales comme elle ou des organes des Nations unies, soient autorisés à rencontrer ces défenseurs des droits humains, mais son courrier est resté sans réponse jusqu’à présent.
Nécessité d’une enquête impartiale
Après qu’Amnesty International et d’autres sources ont évoqué les allégations de torture et de harcèlement sexuel en novembre, le ministère saoudien des Médias a démenti ces accusations, en les qualifiant d’«infondées». En décembre, Amnesty International a été informée que la Commission des droits humains, qui dépend du gouvernement d’Arabie saoudite, s’était entretenue avec les femmes détenues et les avait interrogées sur les allégations de torture. À la suite de cette visite, des représentants du ministère public d’Arabie saoudite auraient également rencontré les militants détenus en prison pour enquêter sur les allégations de torture. «Nous appelons les autorités saoudiennes à libérer immédiatement et sans condition tous les défenseurs des droits humains qui sont détenus uniquement pour avoir œuvré pacifiquement en faveur de ces droits», a déclaré Lynn Maalouf. L’organisation demande en outre aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour que des observateurs indépendants puissent enquêter sur ces allégations, établir la vérité de manière impartiale et identifier les responsables présumés.
Vague de répression en mai 2018
Plusieurs militants arrêtés arbitrairement lors de la vague de répression de mai 2018, dont des femmes défendant les droits humains qui ont subi des actes de torture, de harcèlement sexuel et d’autres formes de mauvais traitements pendant les trois premiers mois de leur détention, demeurent détenus sans inculpation et sans assistance juridique.
En décembre, certains des défenseurs des droits humains ont été transférés de la prison de Dhahban, située à Djedda, où ils étaient incarcérés depuis août, vers celle d’Al Hair, à Riyadh. Il s’agissait de Loujain al Hathloul, Eman al Nafjan, Aziza al Yousef, Shadan al Anezi et Nouf Abdulaziz.
Samar Badawi et Amal al Harbi sont actuellement détenus à la prison de Dhahban. Nassima al Sada, qui est également détenue depuis juin 2018, se trouve actuellement à la prison d’al Mabahith, à Dammam. Aucun de ces défenseurs des droits humains n’a encore été officiellement inculpé ou déféré devant la justice.
Parmi les autres personnes en détention arbitraire sans inculpation depuis la vague d’arrestations de mai 2018 figurent Abdulaziz al Mishal et Mohammad al Rabea. Mohammad al Bajadi, membre fondateur de l’Association saoudienne des droits civils et politiques, et Khalid al Omeir, un militant qui a déjà purgé une peine de prison pour ses actions en faveur des droits humains, restent également détenus sans inculpation.
Des militants ont par ailleurs signalé la détention d’autres personnes défendant les droits des femmes et d’universitaires, dont Mayaa al Zahrani, Abir Namankani, Ruqayyah al Mharib et Hatoon al Fassi. En décembre, l’éminent avocat et défenseur des droits humains Ibrahim al Modeimigh, qui avait été arrêté lors de la vague de répression de mai 2018, a été libéré. On ne connaît pas encore les conditions de sa libération.