Des milliers de personnes manifestent dans toute l’Égypte ces derniers jours contre la pauvreté, les violences policières et la corruption.
«Les autorités égyptiennes doivent maîtriser les forces de sécurité afin d’éviter toute effusion de sang», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
«Les autorités ne peuvent pas continuer à s’appuyer sur l’état d’urgence instauré depuis 30 ans pour imposer une interdiction générale des rassemblements publics et conférer des pouvoirs très étendus en matière de fouille et d’arrestation.»
Amnesty International a déclaré que les manifestants doivent jouir du droit d’organiser des rassemblements et de manifester sans craindre d’être victimes de mesures d’intimidation et de violences, et sans être menacés de détention ni de poursuites.
Perturbation de la communication
Dans la soirée du 27 janvier, les lignes de communication avec une grande partie de l’Égypte ont été gravement perturbées, les connexions Internet et les services de téléphonie mobile étant interrompus. Le 31 janvier, le dernier fournisseur d'accès internet qui était encore en fonctionnement en Égypte, a suspendu ses activités.
« Les manifestants ont montré qu’ils peuvent organiser des actions de protestation de masse avec ou sans Internet, mais ce qui est crucial désormais est de maintenir un flux continu d’informations, afin que les preuves des violations et homicides survenus au cours de la semaine écoulée puissent être mises au jour, et que les auteurs présumés rendent des comptes », rapporte Claudio Cordone.
Le 25 janvier déjà, les services SMS, Twitter et Bambuser ont été bloqués. D’éminents défenseurs des droits humains ont également vu leur compte de téléphonie mobile désactivé. Ceux-ci ont été rétablis, selon les informations du 2 février.
Violence des forces de sécurité
Amnesty International condamne le recours disproportionné et injustifié des forces de sécurité égyptiennes aux balles réelles et à la force meurtrière contre les manifestants, ce qui aurait causé la mort d’un autre manifestant le 27 janvier.
Selon les informations reçues par Amnesty International, Ahmed Atef, 22 ans, a été tué le 27 janvier dans la ville de Sheikh Zuweid, dans le gouvernorat du Sinaï Nord, lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une foule de plus d’un millier de personnes. Sept manifestants auraient également été tués dans la ville de Suez, dans le nord-est du pays.
Le bilan s’établit désormais à au moins huit morts et de nombreux blessés dans le cadre du soulèvement populaire qui secoue l’Égypte depuis le 25 janvier.
Pas moins de 1 120 manifestants ont été arrêtés par les forces de sécurité égyptiennes, selon les chiffres recueillis par des avocats et des organisations de défense des droits humains.
Plusieurs d’entre eux ont raconté à Amnesty International qu’ils avaient été frappés lors de leur interpellation et de leur détention dans les camps des Forces centrales de sécurité, et n'avaient pas été autorisés à recevoir des soins médicaux.
Le 27 janvier, huit responsables de l’organisation des Frères musulmans, dont Eissam Aryan et Mohamed Mursi, ont été arrêtés, à l'instar de 20 autres dirigeants du mouvement dans plusieurs gouvernorats.
Recours à la force
Aux termes des normes internationales, les policiers peuvent recourir à la force seulement lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l'accomplissement de leurs fonctions. Plus particulièrement, ils ne doivent pas faire usage d'armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave.
Les manifestants ont notamment été inculpés de rassemblement, de violences contre des représentants des forces de l’ordre, de dégradation de biens publics et d’avoir troublé la circulation. En Égypte, les autorités ont souvent invoqué de telles inculpations en vue de restreindre la liberté de réunion et de priver les Égyptiens du droit de manifester pacifiquement.