Egypte Rencontre avec Musaad Abu Fagr, défenseur des droits humains

12 décembre 2011
De passage en Suisse, Musaad Abu Fagr s'est rendu dans plusieurs écoles pour parler de son parcours et de son pays. Cet écrivain avait été emprisonné en 2007 à cause de son engagement pour les droits humains. Amnesty International s'était mobilisée pour le faire libérer. Il a été libéré en 2010.

196_musaad.gif Amnesty s’était engagée pour la libération de Musaad Abu Fagr lors de Marathon des lettres 2009. © AI

AMNESTY: Que pensez-vous de l'évolution de la situation en Egypte depuis le début de l'année 2011 et des forces actuellement au pouvoir?
Musaad Abu Fagr: Le problème est qu'il nous faut un système politique qui épouse l'état révolutionnaire. Il y a trois forces politiques distinctes. D'un côté, les forces militaires et les forces religieuses, toutes deux alliées contre la révolution; elles barrent la route vers le progrès. De l'autre, les forces civiles qui font la révolution. La révolution est quelque chose de profond, de très ancré. Les élites politiques n'ont pas compris cela. Elles doivent transformer leurs discours formels en discours de fond et former un régime politique qui correspond à l'état révolutionnaire.

Durant les dix derniers mois, j'ai senti un changement dans le discours politique. Avant la révolution du 25 janvier, les élites religieuses se dissociaient de la démocratie. Maintenant, elles  intègrent la démocratie dans leur discours.

Nous traversons une période difficile. C'est très douloureux. Mais nous allons vers le progrès, nous avançons.

Que pensez-vous des élections et de ce qu'elles pourraient apporter au pays?
Ce qu'on voit, ce n'est pas la réalité. Les votations n'ont pas été faites de manière indépendante. C'est une erreur fondamentale qui invalide tout le processus de vote.
Maintenant, au Caire, nous sommes en guerre. Et lorsque la sécurité fait défaut, le peuple se tourne vers la religion. Les politiciens islamistes ont gagné les élections parce qu'ils étaient connus, parce qu'ils étaient là depuis longtemps et parce qu'ils ont beaucoup d'argent. Les révolutionnaires qui se sont présentés n'ont pas été élus parce qu'ils n'étaient pas organisés, parce qu'ils manquaient de temps. En fin de compte, les forces civiles n'ont pas été réellement représentées politiquement.
Les élites ont abandonné le peuple alors que le sang chaud coulait sur la place Tahrir. Mais les élites maintenant au pouvoir commencent à perdre leur crédibilité. J'ai l'espoir que les choses changent à la date symbolique du 25 janvier 2012.

En 2007, vous vous êtes engagé contre l'expulsion de Bédouins au Sinaï, ce qui vous a valu trois ans d'emprisonnement. Aujourd'hui, où en est votre engagement pour les droits humains?
Du temps de Moubarak, mon but était d'inclure les Bédouins dans la lutte contre Moubarak. Aujourd'hui, mon but est d'inclure les Bédouins dans une politique progressiste.

Complément d'information

Musaad Abu Fagr a été arrêté le 26 décembre 2007 pour avoir protesté contre la destruction de milliers d'habitations bédouines dans la péninsule du Sinaï. En février 2008, la Cour d’appel d’Ismailia a ordonné sa libération. Le ministre égyptien de l’Intérieur s’opposait toutefois à cette décision et maintenait Musaad Abu Fagr en «détention administrative» depuis février 2008 jusqu'en juillet 2010. Il a été libéré le 12 juillet 2010.