Dans un discours prononcé le 23 novembre 2012, Mohammed Morsi a assuré qu’il agissait en vue d’accélérer les réformes et d’asseoir les avancées obtenues par la révolution. Cependant, piétiner la légalité ne permet en rien de garantir le respect des droits fondamentaux, ni de rendre justice aux victimes de la «Révolution du 25 janvier». Amnesty International exhorte le président égyptien à respecter le principe selon lequel personne n’est au-dessus des lois – pas même lui – en abrogeant les récents amendements qui rendent ses décisions irrévocables.
La «loi de défense de la révolution», annoncée le 22 novembre 2012, permettrait au procureur général nouvellement désigné d’autoriser la détention de suspects pendant six mois afin de «protéger la révolution», pendant qu’ils font l’objet d’enquêtes pour des infractions aux dispositions du Code pénal relatives à la presse et aux medias, à l’organisation de manifestations, aux grèves de travailleurs et aux «actes de violence».
Une justice affaiblie, des garanties insuffisantes
Des dispositions aussi restrictives sont trop souvent utilisées pour sanctionner l’exercice pacifique de la liberté d’expression, d’association et de réunion. Aux termes de ce décret, qui n’est pas sans rappeler la Loi relative à l'état d'urgence tant décriée, les autorités peuvent détenir pendant six mois des personnes sur la base de fausses accusations avant de les traduire devant un tribunal.
Par ailleurs, les modifications apportées à la Déclaration constitutionnelle prévoient la possibilité de rouvrir des investigations et des poursuites dans le cadre d’affaires concernant les manifestants tués ou blessés, et les actes «terroristes» commis contre les «révolutionnaires» par des représentants de «l’ancien régime». La nouvelle législation lève certaines dispositions du Code de procédure pénale égyptien, qui empêchent de rejuger une affaire en se fondant sur de nouvelles preuves ou circonstances.
Le nouveau procureur général aurait déclaré que l’ancien président Hosni Moubarak et l’ex-ministre de l’Intérieur Habib Adly, ainsi que d’autres agents du ministère de l’Intérieur, seraient rejugés. Hosni Moubarak et Habib Adly ont tous deux été condamnés à la détention à perpétuité en juin 2012 pour les homicides de manifestants lors de la «Révolution du 25 janvier». Aux termes de la nouvelle loi, des procureurs spécialisés et des juges d’instruction seront chargés d’examiner ces affaires. Les normes internationales relatives aux droits humains permettent, dans des circonstances exceptionnelles, d’ouvrir un nouveau procès après un acquittement, lorsque de nouveaux éléments de preuve se font jour. Cependant, dans la pratique, Amnesty International craint que l’exécutif ne détourne cette disposition pour affaiblir la justice et les droits des accusés.
Recul du pouvoir judiciaire face au pouvoir politique
En outre, le décret du président Morsi ôte au système judiciaire le pouvoir de dissoudre l’Assemblée constituante et la chambre haute du Parlement (le Conseil consultatif). La Cour suprême constitutionnelle devait rendre son jugement début décembre concernant la formation de ces deux institutions. Beaucoup espéraient qu’elle ordonnerait leur dissolution, comme elle l’a fait pour l’Assemblée du peuple en juin.
En octobre, le président a tenté sans succès de limoger le procureur général – ce qu’il n’est pas habilité à faire aux termes du droit égyptien – au lendemain de l’acquittement de tous les accusés d’un procès en lien avec les affrontements entre manifestants pro- et anti-Moubarak, en février 2011.