«Le processus de rédaction de la Constitution était biaisé depuis le début, et ne cesse de perdre en représentativité. Nous exhortons le président Mohamed Morsi à remettre dans le droit chemin le processus de rédaction et le référendum (…) qui respecte l’état de droit – notamment le rôle vital d’une justice indépendante – et débouche sur une Constitution qui consacre les droits humains, l’égalité et la dignité pour tous», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International.
«La nouvelle Constitution guidera toutes les institutions égyptiennes et elle doit définir la vision de la nouvelle Égypte basée sur les droits humains et l’état de droit. Ce texte est l’ultime garant contre les atteintes aux droits humains. La Constitution doit garantir les droits de tous les Égyptiens, pas seulement ceux de la majorité», a insisté Hassiba Hadj Sahraoui.
Les femmes et les minorités religieuses sous-représentées
Le droit à la liberté religieuse, ainsi que les droits des femmes, sont particulièrement atteints dans la nouvelle Constitution. cela est en partie dû à la sous-représentation de ces groupes à l’Assemblée Constituante. Largement boycottée par les partis d’opposition et les Églises chrétiennes, et comptant moins de sept femmes, elle n’est pas véritablement représentative de la société égyptienne. Elle est dominée par le Parti de la liberté et de la justice (PLJ) et le parti Al Nour.
Dans la nouvelle Constitution, les références aux femmes sont systématiquement accompagnées de références à la famille et au foyer, ce qui pourraient entraver la lutte pour l’égalité homme-femme. Lors d’une interview accordée à la télévision d’État le 29 novembre, à la question concernant le fait que les droits des femmes ne figurent pas dans le projet, le président Mohamed Morsi a répondu que les femmes étaient des citoyennes comme les autres. La position du président reflète l’approche de l’Assemblée constituante, à savoir la négation des droits des femmes.
La liberté de religion ne concerne que l’islam, le christianisme et le judaïsme, au risque d’exclure le droit d’exercer leur culte pour les adeptes de religions minoritaires, comme les baha'is et les chiites.
En outre, le texte ne garantit pas pleinement les droits économiques, sociaux et culturels, tels que la protection contre les expulsions forcées, et tolère le travail des enfants.
Face à ces irrégularités, le pouvoir judiciaire a les mains liées
Ce projet a été adopté juste avant que la Cour suprême constitutionnelle ne rende sa décision, le 2 décembre, sur la légitimité de l’Assemblée. De l’avis général, elle devrait ordonner sa dissolution. Or, le décret édité par le président Mohamed Morsi le 22 novembre interdit à tout organe judiciaire de dissoudre l’Assemblée.
Ce décret accorde au président les pleins pouvoirs et placé les décisions présidentielles à l'abri de tout recours en justice, a provoqué une vague de colère et de manifestations en Égypte.
Le projet de Constitution sera soumis à un référendum national qui devrait être organisé dans les 15 jours. Dans tout le pays, les juges se mettent en grève pour dénoncer le décret du président Morsi, qu’ils considèrent comme une menace pour leur indépendance.
La place Tahrir de nouveau théâtre de manifestations
Les Égyptiens qui descendent sur la place Tahrir pour protester contre leur nouveau président sont chaque semaine plus nombreux. Certains commencent même à parler d'un second soulèvement – une «révolution de Novembre».
Les prochains jours s'annoncent pleins de peur et d'incertitude. Des affrontements entre opposants et sympathisants du président ont déjà été signalés dans plusieurs villes d'Égypte, et les deux camps prévoient une multiplication des manifestations.
«Au lieu de marquer un retour à l’ordre et à l’état de droit, le texte adopté plonge l’Égypte dans un chaos encore plus grand et mène à une impasse», a estimé Hassiba Hadj Sahraoui.