Un graffiti au Caire dénonce la violence faite aux femmes.
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La société civile se mobilise à grands risques
Les militants responsables du groupe Shoft Taharosh («Témoins de harcèlement») ont raconté à Amnesty International qu’ils ont pu intervenir dans cinq autres cas avant que cela ne dégénère. Quatre femmes ont été agressées à l’intérieur d'une station de métro, et une autre derrière une mosquée.
Les militants qui coordonnent les opérations de secours sont fréquemment exposés aux attaques physiques et sexuelles. L’une des membres de l’initiative Shoft Taharosh a confié à Amnesty International qu’elle avait reçu un appel lui indiquant qu’une agression était en train de se dérouler ; elle s’est alors précipitée sur les lieux avec une autre militante.
Voici son récit : «J’ai couru à l’intérieur du cercle d’hommes pour tenter de la sauver. Ils m’ont laissé passer. Lorsque je me suis retrouvée au centre du cercle, j’ai réalisé que la victime était ma collègue et que l’information reçue était une ruse pour nous attirer sur les lieux, en vue de nous intimider et de nous agresser. Soudain, des mains couraient sur ma poitrine, dans mon soutien-gorge, me pinçaient les seins. (…) Ils nous insultaient et nous traitaient de putains, qui ne demandaient que ça, puisque nous étions venues au milieu de tous ces hommes (…)»
Une culture de l’impunité profondément ancrée
Ce qui est particulièrement choquant, c’est que les attaques sexuelles collectives se déroulent sur des places publiques, parfois en plein jour, avec des milliers de spectateurs, qui ne font rien, se sentent impuissants ou tentent de secourir la victime, prenant ainsi le risque de subir eux aussi des violences. La faute retombe sur les victimes, en raison de leur tenue «indécente» ou parce qu’elles osent se trouver dans des espaces publics «masculins».
Les militants qui s’efforcent de combattre ce phénomène proposent différentes explications : la culture de l’impunité lorsqu’il s’agit de violences faites aux femmes; l’opportunisme d’éléments criminels dans le climat actuel d’instabilité politique; les tentatives systématiques visant à exclure les femmes des espaces publics et de les priver du droit de participer aux évènements qui façonnent l’avenir de l’Égypte; et le manque d’intérêt des mouvements politiques, des responsables et des médias.
L’indifférence politique et juridique
Une militante a raconté que les policiers et le procureur en charge de son dossier dossier avaient fait pression sur elle pour qu’elle retire sa plainte et n’avaient accepté qu’à contrecœur d’enregistrer sa déclaration après qu’elle eut insisté, soutenue par ses avocats.
Ce type de réaction est typique et témoigne de l’inaction voire de la complicité de la part des responsables de l’application des lois: non seulement ils ne protègent pas les femmes contre le harcèlement et les violences sexuelles, mais ils ne mènent pas d’enquêtes approfondies sur leurs allégations et ne défèrent pas les auteurs présumés à la justice. Tandis que les responsables s’en tirent à bon compte, impunis, les agressions violentes se poursuivent, à l’image de celle du 25 janvier.
Les autorités ont annoncé une nouvelle loi relative au harcèlement sexuel en octobre, sans jamais donner suite. Ce n’est apparemment pas une de leurs priorités. Au contraire, la nouvelle Constitution adoptée en décembre fait référence au rôle des femmes en tant que gardiennes du foyer, et n’interdit pas explicitement la discrimination à leur égard.