Tout a commencé en février, avec la «disparition» d'une jeune musulmane. Les membres de sa famille et des salafistes locaux (musulmans sunnites prônant un retour aux principes selon eux fondamentaux de l'islam) ont incriminé l'église de Mar Girgis, en affirmant notamment qu'elle avait poussé cette personne à se convertir au christianisme. L'église en question a contesté ces affirmations.
Des habitants de la ville sont sortis dans les rues pour exiger la réapparition de la jeune femme ou le départ de la communauté copte de Wasta. Certains criaient notamment: «Les chrétiens doivent mourir de peur!», «Aujourd'hui, notre sœur, demain notre épouse!», ou encore: «Soit elle revient, soit ils [les coptes] partent!».
Des habitants ont déclaré que des tracts avaient été distribués sur les marchés, dans les transports publics, et devant des boutiques tenues par des chrétiens. Ces tracts incitaient les musulmans à s'élever contre la «disparition» de la jeune femme.
La discrimination et la violence
Toujours selon les habitants, les violences se sont accentuées entre le 19 et le 25 mars. Des salafistes présumés et leurs sympathisants ont alors forcé les boutiques et autres commerces chrétiens à fermer. Ces individus sont restés dans la zone, s'assurant que tous les commerces étaient fermés, et ont fait usage de la violence en cas de résistance.
D’après le propriétaire d’un restaurant, le 20 mars vers 18h00, une quinzaine d'hommes armés de bâtons étaient entrés dans son restaurant et avaient ordonné sa fermeture, alors que des clients se trouvaient encore à l'intérieur. Des groupes plus importants attendaient à l'extérieur, tandis que d'autres entraient dans les commerces de la rue tenus par des chrétiens pour les forcer à fermer.
Des résidents locaux ont signalé que les forces de sécurité n'étaient pas intervenues et que, dans la plupart des cas, les postes de police avaient refusé d'enregistrer les plaintes. Selon le témoignage d’un résident, le chef de la direction de la sécurité et celui de la direction des enquêtes générales de sécurité lui avaient signifié que le dépôt de plaintes ne servirait qu'à aviver les tensions, et lui avaient conseillé de rechercher plutôt la réconciliation.
Au fil des jours, la situation s'est dégradée. Le 25 mars, après la prière du soir, des musulmans se sont dirigés en grand nombre vers l'église Mar Girgis et ont jeté des pierres et des cocktails Molotov à l'intérieur du bâtiment. Des employés de l'église se trouvant sur les lieux ont réussi à contenir le feu. Les forces de sécurité sont arrivées peu de temps après et ont pu mettre fin aux violences.
Cette nuit-là, la voiture de Chenouda Sabry, un prêtre du quartier, a été incendiée devant son domicile. D'autres voitures garées à proximité ont été épargnées. Selon les informations disponibles, aucune arrestation n'a eu lieu et aucune enquête n'a été ouverte pour identifier les incendiaires. «Les coptes sont victimes de discrimination dans toute l'Égypte, dans le droit comme dans la pratique. Ils ont été régulièrement victimes d'attaques motivées par l’intolérance religieuse que les autorités ont systématiquement ignorées», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe d'Amnesty International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
Plus tard, toujours le 25 mars, des anciens des communautés copte et musulmane ont organisé une «réunion de réconciliation». Il a été convenu que les commerces tenus par des coptes pourraient rouvrir à l'exception des vendredis. Les coptes de Wasta ont toutefois été avertis que, si la femme «disparue» ne réapparaissait pas d'ici le 24 Avril, ils s'exposeraient à des conséquences désastreuses.
Un schéma de discrimination
Des organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, ont montré qu'il existait un véritable schéma de discrimination contre les coptes en Égypte. Sous Hosni Moubarak, au moins 15 attaques de grande ampleur visant les coptes avaient été recensées, et la situation ne s'est pas améliorée avec l'arrivée du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui a dirigé le pays entre la chute de Hosni Moubarak et l'élection du président Mohamed Morsi.
Ailleurs qu'à Wasta, en 2013, des militants coptes ont signalé au moins quatre attaques contre des églises ou des bâtiments chrétiens dans les gouvernorats d'Assouan, de Beni Suef, du Caire et de Fayoum.
La réponse des autorités n’a jamais été satisfaisante. Pour prévenir les violences motivées par l’intolérance religieuse, elles ont souvent préféré la «réconciliation» aux poursuites contre les délinquants. Par ailleurs, ni Hosni Moubarak, ni le CSFA n'ont réussi à mettre un terme aux pratiques discriminatoires empêchant les coptes de construire ou de restaurer des lieux de culte. Des églises ont été fermées ou détruites car, selon les autorités, les communautés chrétiennes ne disposaient pas des autorisations nécessaires à la construction ou à la rénovation de ces bâtiments. Selon le décret présidentiel 291/2005, c'est le gouverneur de la région qui autorise la réparation ou l'agrandissement des églises chrétiennes. Les autorités locales auraient parfois invoqué ce décret pour retarder ou bloquer la construction ou la restauration de tels édifices.
«Il est grand temps que les autorités prennent au sérieux les menaces et les violences à caractère religieux. Les autorités égyptiennes sont responsables de la protection des personnes, de leurs maisons et de leurs moyens de subsistance. À maintes reprises, Mohamed Morsi a affirmé être le président de tous les Égyptiens. Maintenant, il doit prendre des mesures pour prévenir les violences motivées par l’intolérance religieuse et, lorsqu'elles surviennent, ouvrir des enquêtes adéquates et traduire les responsables en justice. Si elles ne poursuivent pas les responsables de ces violences, les autorités égyptiennes signalent de fait que les coptes peuvent être attaqués en toute impunité», a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui.
Et de rappeler que l'Égypte est partie à un certain nombre de traités interdisant toute forme de discrimination religieuse, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.