Égypte Le gouvernement doit protéger les chrétiens des violences interconfessionnelles

20 août 2013
L’Égypte est le théâtre d’une hausse sans précédent des violences interconfessionnelles visant les coptes, et les autorités du pays doivent prendre immédiatement des mesures pour assurer la sécurité de cette communauté, a déclaré Amnesty International.

Les coptes sont pris pour cible, à titre semble-t-il de représailles parce qu’ils étaient favorables à la destitution du président Mohamed Morsi, depuis la dispersion violente des sit-ins de manifestants pro-Morsi tenus au Caire et dans sa banlieue le 14 août. D’après l’Union des jeunes de Maspero, 38 églises ont été incendiées et 23 autres partiellement détruites dans tout le pays. Plusieurs dizaines de maisons et de commerces ont été pillés et/ou réduits en cendres.

Jeudi 15 août, le Premier ministre a condamné les violences interconfessionnelles. «La condamnation de ces violences ne suffit pas. Les attaques tragiques qui ont eu lieu n’ont rien de surprenant étant donné les propos enflammés et intolérants tenus par certains sympathisants de l’ancien président Morsi, qui ont accusé les chrétiens d’être responsables de la répression qu’ils ont subie», a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui.

La situation semble particulièrement grave dans le gouvernorat d’El Minya, où les habitants, dont un policier, ont raconté à Amnesty International que les coptes se sentaient assiégés face à la hausse inquiétante des violences interconfessionnelles, en l’absence notamment de toute protection de la part des forces de sécurité.

Amnesty International a recueilli des informations sur un épisode au cours duquel un copte a été tué et au moins trois autres ont été blessés lorsque des personnes qui participaient à un défilé en faveur du président Morsi ont attaqué un quartier chrétien situé dans le secteur d’Ezbet el Nakhl (gouvernorat de Guizeh), jeudi 15 août. Plusieurs boutiques et voitures appartenant à des coptes ont aussi été incendiées.

Des habitants ont raconté à Amnesty International que, vers 17 h 30, un défilé de partisans de l’ancien président Morsi est passé à proximité de leur quartier, les participants scandant des slogans enflammés et intolérants, par exemple : «Quelle honte que les nasara [terme péjoratif utilisé pour désigner les chrétiens] se prétendent révolutionnaires.» Au fur et à mesure que le défilé approchait, la majorité des coptes ont fermé leurs boutiques et se sont réfugiés chez eux. Certains d’entre eux se sont précipités à l’église du quartier pour la barricader en cas d’attaque. Ceux qui sont restés dans la rue ont été blessés par balle et/ou frappés.

Des attaques meurtrières

Voyant les agresseurs se rapprocher, Fawzi Mourid Fares Louka a décidé de garer sa voiture dans son garage pour qu’elle soit en sécurité. Alors qu’il fermait la porte avec son neveu Khaled, la foule en colère a débouché dans la rue. Le neveu de Fawzi Louka a raconté à Amnesty International la suite des événements:

«Ils étaient munis de barres métalliques et brandissaient le drapeau noir d’Al Qaïda. Certains étaient armés. Ils tiraient des coups de feu en l’air, en direction des bâtiments et de photos du primat Chenouda [suspendues au milieu de la rue]. Ils insultaient les chrétiens: «Chiens chrétiens, on va vous montrer» et criaient: «Allahu Akbar» […]. Nous tentions de fermer la porte du garage lorsque mon oncle est tombé dans mes bras […]. Je me suis rendu compte qu’il avait reçu une balle dans la tête […]. J’ai alors fermé rapidement la porte du garage derrière nous […]. Ils [les agresseurs] tambourinaient contre la porte, menaçant de nous tuer.»

Lors d’une visite dans le secteur dimanche 18 août, les chercheurs d’Amnesty International ont examiné les impacts de balle sur les bâtiments de la rue où Fawzi Louka a été tué. Les dommages causés par le feu et les autres détériorations subies par plusieurs boutiques et voitures appartenant à des coptes étaient clairement visibles.

Complément d’information

La discrimination envers les coptes est omniprésente en Égypte depuis des décennies. Sous le régime du président Hosni Moubarak, au moins 15 attaques de grande ampleur ciblant cette communauté ont été recensées, et la situation ne s’est pas améliorée avec l’arrivée du Conseil suprême des forces armées (CSFA), ni avec l’élection du président Mohamed Morsi.Depuis que le président Mohamed Morsi a été destitué le 3 juillet, les attaques interconfessionnelles visant les coptes ont fortement augmenté, tandis que les forces de sécurité se sont montrées incapables d’intervenir pour mettre fin aux violences.

Lors de violences interconfessionnelles qui ont éclaté le 3 août dans le gouvernorat d’El Minya, les autorités non seulement ne sont pas intervenues rapidement pour y mettre fin, mais ont aussi semblé revenir à d’anciennes pratiques consistant à lutter contre ce type de violences par la «réconciliation» plutôt que par la justice.