Depuis la destitution de l’ancien président Mohamed Morsi, Amnesty International a relevé des témoignages de tirs de l’armée dans une rue proche de la place Rabaa Aladaweya, au Caire. Dans la soirée du 3 juillet, les militaires ont tiré à balles réelles contre les manifestants pro-Morsi, causant la mort d’au moins l’un d’entre eux.
«Nous craignons que la violence de ces derniers jours ne donne lieu à une nouvelle vague de violations des droits humains, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Ces agissements font également resurgir le bilan catastrophique de l’armée en termes de droits humains.»
Des promesses restées lettre morte
Dans une déclaration publiée sur Facebook, l’armée égyptienne a affirmé qu’elle ne supprimerait pas les groupes politiques et respecterait le droit de manifester de tous les Égyptiens. «Il est difficile d’être convaincu de la volonté des autorités égyptiennes de respecter la liberté de réunion et d’expression quand des soldats tirent sur un manifestant, alors qu’il ne représentait visiblement aucune menace», a poursuivi Hassiba Hadj Sahraoui.
Au matin du 4 juillet, du sang était répandu devant le portail du complexe militaire. Amnesty International s’est entretenue à l’hôpital avec des témoins, qui avaient été blessés par balles. Ils ont raconté que l’armée avait tiré au hasard depuis le bâtiment militaire proche de la place.
«L’armée et les forces de sécurité doivent rester impartiales, faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher, et non engendrer, des effusions de sang, et respecter le droit de manifester pacifiquement sans faire de discrimination», a souligné Hassiba Hadj Sahraoui. Aux termes des normes internationales relatives aux droits humains, l'usage intentionnel de la force meurtrière par les forces de l’ordre n'est autorisé que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines.
Par ailleurs, Amnesty demande l’ouverture d’une enquête sur la mort des 51 personnes tuées. «Les précédentes enquêtes militaires ont étouffé les affaires d’atteintes aux droits humains commises par l’armée. Le parquet général d’Égypte a passé plus de temps à inculper des détracteurs du gouvernement qu’à poursuivre les policiers et les militaires responsables présumés de violations des droits humains, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui. «Dans un climat de clivages et de méfiance, il faut que les investigations annoncées par les autorités soient indépendantes, impartiales et approfondies, et que cela se sache. Des enquêtes efficaces et impartiales permettant de rendre justice aux victimes et à leurs familles contribueraient à rétablir la confiance et à avancer vers la réconciliation nationale.»
Les Frères Musulmans et leurs partisans sont pris pour cible
Au moins deux hauts dirigeants des Frères musulmans ont été emprisonnés, sur fond de recrudescence des interpellations: il s’agit du numéro deux du parti, Rashad Bayoumi, et de Saad El Katatni, président du Parti de la liberté et de la justice. Amnesty International exhorte les autorités à relâcher ces hommes, à moins qu’ils ne soient inculpés d’une infraction dûment reconnue par le droit international.
La police a également effectué des descentes dans les studios de télévision favorables aux Frères musulmans, interrompant la diffusion de plusieurs chaînes et arrêtant le personnel. Au moins deux personnes sont encore détenues.
«Pour que les droits humains et l’état de droit puissent triompher en Égypte, l’armée doit désormais veiller à ce que ces abus ne se répètent pas, a conclu Hassiba Hadj Sahraoui. «Les mesures de répression contre les partisans de Mohamed Morsi ne font que lancer de mauvais signaux.»