«Ces propositions de loi profondément déficientes pourraient faire l'objet d'une utilisation abusive parce qu'elles donnent une définition de plus en plus large et vague du terrorisme», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord.
«Ces textes portent par ailleurs atteinte à la liberté d'expression, affaiblissent les garanties contre la torture et la détention arbitraire, et étendent le champ d'application de la peine de mort.»
Militants pacifiques mis en danger
Les propositions de loi soumises au président par intérim, Adly Mansour, élargissent la définition existante du terrorisme afin d'inclure des actes ayant pour but «la dégradation de l'unité, des ressources naturelles et des monuments nationaux [...] la perturbation du fonctionnement de l'appareil judiciaire [...] des organes régionaux et internationaux en Égypte, et des missions diplomatiques et consulaires.»
«Le problème avec ces “infractions terroristes” décrites en termes vagues réside dans le fait qu'elles risquent de permettre aux autorités d'accuser presque n'importe quel militant pacifique de terrorisme», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
«Cette définition du terrorisme pourrait mener à l'incrimination des grèves et manifestations non violentes au sein des écoles et des universités ou émanant des mosquées, sous le prétexte que ces activités pourtant légitimes nuisent à l'unité nationale, gênent le travail des institutions nationales et fragilisent l'économie.»
Élargissement du champ d’application de la peine de mort
Depuis la «Révolution du 25 janvier», de nombreux défilés sont organisés après la prière, notamment par les partisans du président déchu Mohamed Morsi.
Ces propositions de loi élargiraient le champ d'application de la peine de mort, l'imposant même lorsque les actes « terroristes » en question n'ont pas fait de morts. Cela inclut les infractions consistant à créer, faire fonctionner ou administrer un groupe terroriste.
«Plutôt que de réduire le nombre d'infractions passibles de la peine capitale, les autorités égyptiennes ajoutent à cette liste des actes qui ne causent pas de pertes humaines. La perspective que cela se solde par des condamnations à mort encore plus nombreuses est choquante», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
De nouvelles lois répressives contraires au droit international
Un autre changement proposé serait d'autoriser les forces de sécurité à maintenir des suspects en détention pour une plus longue durée, 72 heures, susceptible d'être prolongée de sept jours, ce qui est contraire au droit international et à la Constitution récemment adoptée par l'Égypte, qui dispose que toute personne visée par une arrestation doit être présentée devant le parquet dans les 24 heures.
Des recherches effectuées par Amnesty International ont révélé que c'est juste après l'arrestation que le risque d'être soumis à la torture et à d'autres mauvais traitements en détention est le plus élevé.
Ces textes prévoient aussi des sanctions pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement pour les insultes verbales adressées aux fonctionnaires, aux membres des forces de sécurité ou à toute personne accomplissant un service public, lorsque ceux-ci sont dans l'exercice de leurs fonctions, ce qui porte atteinte à la liberté d'expression.
Absence de mention des devoirs de l’État
Ces propositions de loi ne font par contre aucune mention du devoir qui incombe à l'État de reconnaître et de respecter les droits fondamentaux des victimes d'actes terroristes, notamment les coptes et d'autres groupes minoritaires.
Elles donnent en outre au président le pouvoir de décréter l'état d'urgence sans avoir à obtenir l'approbation du Parlement.
Ceci rappelle de manière inquiétante les années au pouvoir du président Hosni Moubarak, durant lesquelles des personnes ont été maintenues en détention sans inculpation ni jugement, parfois pendant des décennies, au titre de la législation d'urgence en Égypte.