Rapport annuel Émirats arabes unis 2019

19 mai 2020
Les autorités ont soumis des détenus, y compris des personnes étrangères, à des arrestations et à des détentions arbitraires, ainsi qu’à des actes de torture et à des disparitions forcées. Les autorités ont également réprimé la liberté d’expression, en emprisonnant des personnes critiques à l’égard du gouvernement et en les détenant dans des conditions difficiles.

Désignation officielle: Émirats arabes unis
Chef de l’État: Khalifa ben Zayed al Nahyan
Chef du gouvernement: Mohammed Bin Rashed al Maktoum

Contexte
Arrestations et détentions arbitraires
Liberté d'expression
Droits des femmes
Droits des personnes migrantes
Apatridie
Peine de mort

Les autorités, et particulièrement l'Agence de sûreté de l'État, ont soumis des détenus, y compris des personnes étrangères, à des arrestations et à des détentions arbitraires, ainsi qu’à des actes de torture et à des disparitions forcées. Les autorités ont également réprimé la liberté d’expression, en emprisonnant des personnes critiques à l’égard du gouvernement et en les détenant dans des conditions difficiles. Les droits des femmes ont connu une évolution positive lors des élections du Conseil fédéral national en octobre où le nombre de candidatures féminines a doublé par rapport aux dernières élections avec plus de 200 candidates. En revanche, les femmes étaient toujours en butte aux discriminations, en droit et en pratique. Concernant les droits des personnes migrantes, les autorités ont supprimé le critère « profession exercée » pour le parrainage, ce qui a permis à davantage de travailleurs migrants de faire venir des membres de leur famille aux Émirats arabes unis pour y vivre. Cependant, les travailleurs migrants demeuraient liés à leurs employeurs en vertu du système de parrainage (kafala), ce qui les exposait aux pratiques abusives et à l’exploitation au travail. Les Émirats arabes unis refusaient toujours d’accorder la nationalité à des milliers d’individus qui étaient nés sur le territoire. Aucune exécution n'a été signalée, mais des tribunaux ont cette année encore prononcé des condamnations à mort.

contexte

Les Émirats arabes unis ont continué de codiriger la coalition intervenant dans le conflit au Yémen qui est impliquée dans des crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international. Les Émirats arabes unis ont également cédé illégalement des armes et du matériel militaire au profit de milices au Yémen (voir Yémen).

Les Émirats arabes unis soutenaient l’Armée nationale libyenne autoproclamée (ANL), qui commettait de graves violations du droit international en Libye. Les Émirats arabes unis ont également fourni des armes à l’ANL et ont manœuvré des drones pour elle, en violation d’un embargo sur les armes imposé par l’ONU (voir Libye).

Les Émirats arabes unis étaient toujours aussi dans la coalition qui imposait des sanctions économiques et politiques au Qatar, aux côtés de l’Arabie saoudite, de Bahreïn et de l’Égypte.

ARRESTATIONS ET dÉtentionS arbitraireS

Amnesty International a signalé plusieurs cas de violations des droits de personnes détenues. Dans ces affaires, dont la plupart impliquaient l’Agence de sûreté de l’État, les personnes détenues avaient été arrêtées sans mandat, détenues au secret pendant des semaines ou des mois et avaient subi des actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Dans certains cas, ces personnes étaient détenues dans des conditions dégradantes.

En mai, Alia Abdelnoor Mohamed Abdelnoor, atteinte d’un cancer en phase terminale, est décédée enchaînée à son lit d’hôpital à al Aïn, une ville de l’Émirat d’Abou Dhabi. Suite à son arrestation par l’Agence de sûreté de l’État en 2015, elle avait été placée en détention à l’isolement et soumise à une disparition forcée pendant trois mois. Au moment de son décès, elle purgeait une peine de 10 ans de prison pour des accusations vagues et infondées de « terrorisme », basées sur des « aveux » obtenus sous la contrainte.

Parmi les personnes arrêtées arbitrairement et victimes de mauvais traitements figuraient des personnes étrangères. Le 15 mai, trois hommes libanais ont été reconnus coupables d’infractions liées au terrorisme. Ils avaient été arrêtés par l’Agence de sûreté de l’État puis détenus au secret pendant de longues périodes et soumis à un procès inéquitable. L’un d’eux a été condamné à la réclusion à perpétuité et les autres accusés ont été condamnés à des peines de 10 ans d’emprisonnement. Le procureur de la sûreté de l’État les a accusés d’avoir agi au nom du parti et groupe armé libanais Hezbollah. Un des accusés, Abdel Rahman Chouman, a déclaré au tribunal qu’il avait subi des actes de torture visant à lui extorquer des « aveux ».

En avril, le prisonnier libanais Ahmad Ali Mekkaoui a été placé en détention au secret après que de nouvelles poursuites eurent été engagées contre lui pour « atteinte à la réputation des Émirats arabes unis », à la suite d'une interview télévisée au cours de laquelle son avocat libanais et sa sœur avaient évoqué sa situation. Arrêté en 2014 par l’Agence de sûreté de l’État et reconnu coupable d’infractions liées au terrorisme en 2016, il purgeait une peine de 15 ans d’emprisonnement. Lors de son procès, il a déclaré avoir subi des actes de torture, y compris un viol anal avec une barre métallique. En 2017, le groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies a conclu que sa détention était arbitraire.

Des inquiétudes persistaient concernant la liberté de mouvement et le bien-être de Latifa bint Mohammed ben Rachid al Maktoum, fille de l’émir de Dubaï. Elle avait été arrêtée en mer par les forces de sécurité indiennes et émiraties en 2018 et renvoyée de force aux Émirats arabes unis. Depuis, elle n'a été vue qu'une seule fois lors d'une séance de photos mise en scène.

libertÉ d’expression

Les autorités arrêtaient arbitrairement et persécutaient encore les dissidents pacifiques, réprimant ainsi toute forme de critique envers le gouvernement. Des dizaines de prisonniers d’opinion languissaient toujours en prison, dans des conditions déplorables.

Le prisonnier d’opinion et défenseur des droits humains Ahmed Mansoor était toujours en détention après avoir été condamné à une peine de 10 ans de prison en 2018 suite à des commentaires publiés sur les réseaux sociaux. En mars, il a entamé une grève de la faim qui a duré quatre semaines pour dénoncer ses conditions de détention et contester sa condamnation, puis à nouveau en septembre pendant au moins 44 jours, après avoir été battu en raison de ses actes de protestation, selon le Centre du Golfe pour les droits humains, citant une source locale.

Les prisonniers d’opinion Nasser bin Ghaith, universitaire, et Mohammed al Roken, avocat spécialisé dans la défense des droits humains, demeuraient en détention.

Les autorités ont libéré Osama al Najjar plus de deux ans après la fin de sa peine. En 2017, le ministère public avait demandé la prolongation de sa détention, arguant qu’il représentait toujours une menace. Il avait été emprisonné suite à des publications sur Twitter adressées au ministre de l’Intérieur dans lesquelles il faisait part de ses inquiétudes concernant le mauvais traitement subi par son père en prison.

Une enquête de Reuters a révélé que les Émirats arabes unis étaient impliqués dans le projet Raven, une initiative dans le cadre de laquelle d’anciens agents américains du renseignement auraient aidé les Émirats à maintenir sous surveillance des personnes, dont des militant·e·s des droits humains, dans le monde entier, sans qu’aucun contrôle judiciaire ne soit exercé.

droits des femmes

Les droits des femmes ont connu une évolution positive lors des élections du Conseil fédéral national en octobre où le nombre de candidatures féminines a doublé par rapport aux dernières élections avec plus de 200 candidates. Ceci faisait suite à un décret du président al Nahyan appelant à une représentation des femmes à hauteur de 50 % du Conseil fédéral national. En fin de comptes, sept femmes ont été élues et 13 ont été nommées parmi les 40 membres du Conseil.

Cependant, les femmes étaient toujours en butte aux discriminations, en droit et en pratique. Par exemple, la Loi relative au statut personnel de 2005 stipule que parmi les « droits de l’époux sur sa femme » figure « l’obéissance courtoise de l’épouse à son égard » (article 56), et prévoit des conditions au droit d’une femme mariée de travailler ou de quitter le domicile (article 72). En vertu de l’article 356 du Code pénal, « salir l’honneur volontairement » est passible d’une peine d’un an de prison ou plus. En vertu de cette loi, un hôpital tenu par du personnel suédois dans l’émirat d’Ajman a été contraint de signaler des femmes enceintes non mariées à la police. Dans certains cas, ces femmes ont fait l’objet de poursuites ou ont été expulsées.

Le gouvernement ne protégeait pas suffisamment les femmes des violences conjugales et sexuelles. L’article 53 du Code pénal dispose que « le fait pour un époux de corriger sa femme » est « considéré comme un exercice de droits », une formulation qui peut être interprétée comme une caution officielle des violences conjugales.

droits des personnes migrantes

Les travailleurs migrants demeuraient liés à leurs employeurs à travers le système de parrainage (kafala), ce qui les exposait aux pratiques abusives et à l’exploitation au travail. Avancée positive, les autorités ont supprimé le critère « profession exercée » de la procédure de rapprochement familial, ce qui permettra à davantage d’étrangers résidant dans le pays de faire venir des membres de leur famille pour y vivre.

Les Émirats arabes unis ne prévoyaient toujours pas de salaire minimum. Cette politique affectait plus particulièrement les travailleuses et travailleurs migrants, qui comptaient pour plus de 90 % de la main d’œuvre du pays. Contrairement aux ressortissants émiratis, les travailleurs migrants ne bénéficiaient pas d’aides au logement, de soins de santé subventionnés ou d’autres services et étaient donc dépendants de leurs salaires pour accéder aux services essentiels. Les salaires des personnes migrantes étaient particulièrement faibles par rapport au coût de la vie dans les Émirats, ce qui représentait un risque pour leur droit à des conditions de travail justes et favorables et leur droit à un niveau de vie suffisant.

Les retards de versement ou le non-versement des salaires étaient des pratiques répandues qui contraignaient des centaines de travailleurs migrants à faibles revenus à vivre dans des conditions insalubres. Mercury MENA, une entreprise d’ingénierie, n’a pas versé les salaires de plusieurs de ses employés pendant plus de deux ans. La situation de ces travailleurs n’était toujours pas résolue à la fin de l’année 2019.

Les travailleurs migrants recevaient toujours des amendes pour avoir prolongé leur séjour malgré l’expiration de leur visa et pour d’autres infractions à la législation relative à l'immigration. Nombre d’entre eux étaient placés en détention pour une durée indéterminée car ils n’étaient pas en mesure de régler ces amendes, dont le montant était souvent trop élevé par rapport à leurs moyens.

APATRIDIE

Les Émirats arabes unis continuaient de refuser la nationalité à au moins 15 000 individus nés sur le territoire et n’ayant aucune autre nationalité. Ces personnes sont ainsi devenues apatrides, et de ce fait, elles n’avaient pas accès à de nombreux services fournis par l’État, tels que l’éducation gratuite ou les soins médicaux.

PEINE DE MORT

Aucune exécution n’a été signalée mais les tribunaux continuaient de prononcer des condamnations à la peine de mort, principalement à l’encontre de personnes d’autres nationalités pour des crimes violents.