Selon les dernières estimations du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le nombre actuel d’Irakien·ne·s ayant fui de chez eux – 4,7 millions – est le plus élevé depuis l'invasion de l’Irak par la coalition conduite par les États-Unis et le conflit armé qui a ravagé le pays par la suite. La communauté internationale met l’accent sur l’«amélioration» de la sécurité et les retours «volontaires» en Irak pour des raisons strictement politiques.
Dans un nouveau rapport intitulé Irak. La crise des réfugiés irakiens: le discours et la réalité, qui s’appuie sur des recherches et des interviews réalisées récemment auprès de réfugié·e·s irakien·ne·s, Amnesty International décrit la situation sans issue des réfugié·e·s, dont la plupart ont perdu tout espoir et sombrent dans le dénuement. Ayant dépensé toutes leurs économies, de nombreuses familles vivent maintenant dans le dénuement le plus complet et ont été obligées d’envoyer leurs enfants travailler dans la rue pour les aider à survivre.
Les pays riches expulsent des irakien·ne·s
De nombreux pays européens essaient désormais d'expulser des Irakien·ne·s, parfois en direction des zones les plus dangereuses comme le sud et le centre du pays. En plus de ces interventions directes pour forcer les Irakien·ne·s au retour, ils usent de méthodes indirectes en leur supprimant les services d'aide élémentaires ou en rejetant leur demande d’asile pour les contraindre à un retour «volontaire» en Irak.
En Suisse, les Irakienn·ne·s obtiennent toujours plus difficilement le statut de réfugié. «L'Irak est toujours un des pays les plus dangereux au monde», déclare Denise Graf, responsable des questions relatives à l'asile pour la Section suisse d'Amnesty International. «Les autorités s'efforcent de trouver des solutions et accordent une admission provisoire à de nombreux réfugié·e·s. Mais depuis peu, les personnes qui viennent du Nord du pays n'ont même plus droit à ce statut.».
La Suède, qui a accueilli le plus grand nombre de réfugié·e·s irakien·ne·s en Europe et pouvait être cité en exemple auprès de ses voisins, a changé d'attitude et refuse désormais de les protéger, allant jusqu'à les renvoyer dans des zones très dangereuses.
Les pays limitrophes ferment leurs frontières
En raison, en grande partie, de l’absence de soutien de la part de la communauté internationale, les deux pays d’accueil les plus importants, la Jordanie et la Syrie, prennent désormais des mesures draconiennes et empêchent d’entrer ou expulsent des personnes risquant d’être persécutées.
Les difficultés rencontrées par certain·e·s réfugié·e·s dans leur pays d'accueil les incitent à prendre la décision difficile et dangereuse de rentrer en Irak, soit temporairement pour percevoir une pension ou recevoir des vivres, entre autres raisons, soit pour une plus longue période à cause de leur situation désespérée.
Militaire chiite à la retraite âgé de soixante deux ans, Majid est veuf et ses sept enfants, adultes, vivent tous à Bagdad. Il a déclaré à Amnesty International en février qu’après avoir cherché refuge en Syrie avec l'équivalent d'un dollar en poche il avait dû retourner en Irak. Il avait très peur mais ayant perdu tout espoir il s’était dit «tant pis si je meurs». Majid a fui l’Irak en février 2008 après que deux de ses neveux, Mansour et Sami, âgés de dix-sept et dix-neuf ans, eurent été décapités par des membres d’un groupe armé au nord de Bagdad. Ayant épuisé ses économies en Syrie, il n’avait plus rien pour vivre. C’est en sanglotant qu’il a expliqué à Amnesty International qu’il n’avait pas d’autre choix que de rentrer en Irak.
Les revendications d'Amnesty International
Amnesty International appelle les gouvernements à laisser entrer librement les personnes fuyant l’Irak, à mettre fin aux expulsions d’Irakiens et à permettre aux réfugiés d'entrer sur le marché du travail.