Au cours de l’année écoulée depuis l’élection présidentielle controversée de juin 2009 en Iran, Amnesty International a recueilli des informations sur la répression croissante visant ceux qui expriment des divergences avec le pouvoir, raison pour laquelle des journalistes, des étudiants, des militants politiques, des défenseurs des droits humains et des dignitaires religieux languissent en prison.
Des avocats, des intellectuels, d’anciens prisonniers politiques et des membres des minorités ethniques et religieuses iraniennes ont également été victimes de cette vague de répression, qui prend de l’ampleur et donne lieu à des actes de torture et d’autres types de mauvais traitements, ainsi qu’à l’exécution de prisonniers pour des raisons politiques.
Cette répression est largement illustrée dans le nouveau rapport publié par Amnesty International, intitulé From Protest to Prison – Iran One Year After the Election, qui revient sur une année émaillée par les arrestations et incarcérations de personnes ayant critiqué le gouvernement et dénoncé ses agissements. La publication de ce rapport marque le lancement d’une action qui se déroulera sur un an, en faveur de : la libération des prisonniers d'opinion en détention en Iran depuis l’élection présidentielle controversée de 2009 et les opérations de répression ayant suivi ; et de procès équitables dans le cadre desquels la peine de mort ne sera pas requise, pour les autres prisonniers politiques.
« Le gouvernement iranien est déterminé à réduire au silence toutes les voix dissidentes, tout en essayant d'éviter que la communauté internationale ne se livre à un examen fouillé des violations en relation avec les troubles consécutifs à l’élection », a déclaré Claudio Cordone, secrétaire général par intérim d’Amnesty International.
« Le gouvernement a adopté la posture absurde consistant à affirmer qu’il n’y a quasiment pas eu de violations en Iran, lorsqu’il a présenté son rapport national dans le cadre de l'Examen périodique universel effectué par le Conseil des droits de l'homme, qui adoptera son rapport final cette semaine. Nous demandons aux autorités iraniennes d’accepter les recommandations relatives au traitement des détenus et d’autoriser des experts des droits humains des Nations Unies à se rendre en Iran. »
Des centaines de personnes se trouvent toujours derrière les barreaux pour avoir participé aux manifestations de juin 2009 ou exprimé autrement leur désaccord avec le pouvoir. Le placement en détention de citoyens ordinaires est devenu monnaie courante, dans le contexte d’un système expéditif fondé sur les arrestations et les maintiens en détention arbitraires. Des personnes n’entretenant que des liens ténus avec des groupes interdits, ainsi que des membres de la famille d'anciens détenus, ont été soumis à des arrestations arbitraires au cours de l’année écoulée.
Voici quelques exemples :
Sayed Ziaoddin Nabavi, à qui il est interdit de poursuivre ses études, purge actuellement une peine de 10 ans d’emprisonnement à la prison d'Evin. Il est membre du Conseil de défense du droit à l’éducation, et sa condamnation semble être liée au fait que certains membres de sa famille appartiennent à l’Organisation iranienne des moudjahidin du peuple, groupe interdit que les autorités accusent d’avoir organisé des manifestations.
Une cinquantaine de disciples de la religion baha’ie ont été appréhendés à travers le pays depuis l'élection ; on continue à leur attribuer à tort la responsabilité de certains troubles.
Les minorités ethniques iraniennes ont été visées par des arrestations et des incarcérations, pendant et après l’élection. Quatre Kurdes faisaient partie des cinq prisonniers politiques mis à mort en mai sans que leur exécution n’ait été annoncée, ce qui est contraire à la législation en vigueur en Iran ; il s’agissait là d’un message clair à l’intention de toute personne envisageant de commémorer la date anniversaire en manifestant.
« Ce que nous demandons est très simple : que tous les prisonniers d’opinion soient libérés immédiatement et sans conditions ; et que les autres soient jugés dans les meilleurs délais pour des infractions prévues par la loi, sans que la peine de mort ne soit requise et dans le cadre de procédures pleinement conformes aux normes internationales d'équité en la matière », a ajouté Claudio Cordone.
Certains détenus sont placés au secret depuis des jours, des semaines voire des mois, tandis que leur famille continue à ignorer où ils sont retenus ou pour quels motifs.
Le secret entourant ces arrestations facilite le recours à la torture et aux autres types de mauvais traitements - comme le viol, les simulacres d’exécutions - par des représentants des autorités dans le but d’arracher des « aveux » qui seront plus tard utilisés à titre de preuve durant les procès.
Une femme a relaté les faits suivants, au sujet d’une défenseure des droits humains détenue avec elle : « Elle nous a dit que les agents chargés des interrogatoires avaient attaché des fils électriques à ses mamelons et lui avaient administré plusieurs décharges. Elle était si malade qu’elle perdait parfois connaissance dans la cellule. »
La mère d’une autre défenseure des droits humains, Shiva Nazar Ahari - qui est maintenue en détention sans inculpation ni jugement et dont le cas est décrit dans le rapport -, a déclaré : « J’espère que vos filles se marieront quand elles seront adultes – la mienne a été jetée en prison ». Son parcours est similaire à celui d’un nombre grandissant d'Iraniens : du militantisme politique ou civil aux cellules de la prison d'Evin et d’autres lieux de détention dans les provinces.
Les exécutions motivées par des considérations politiques - comme celles qui se sont déroulées récemment en amont de dates clés qui devraient donner lieu à des manifestations de masse - se poursuivent ; les autorités iraniennes se servent du système de justice comme d’un instrument de répression meurtrier. Au moins six personnes déclarées coupables d’« inimitié à l'égard de Dieu » se trouvent actuellement dans le quartier des condamnés à mort parce qu'elles auraient participé à des manifestations ou fait partie de groupes interdits.
L’Iran est l’un des pays où le taux d’exécutions est le plus élevé au monde. Amnesty International a recensé à ce jour 115 exécutions depuis le début de l’année 2010.
« Les autorités iraniennes doivent mettre fin à cette campagne visant à inspirer la peur et à écraser la moindre opposition au gouvernement, a recommandé Claudio Cordone. Elles continuent à user de la peine de mort comme d’un outil de répression, y compris à la veille de l'anniversaire de l'élection. Accusant les autres à tout-va, les autorités iraniennes ne se reconnaissent aucune responsabilité dans les troubles, mais se gardent bien de respecter leur propre législation prohibant le recours à torture et à d’autres types de mauvais traitements contre les détenus quels qu’ils soient. »