Manifestations à Mahabad, dans la province d'Azerbaïdjan occidental à majorité kurde, le 20 novembre 2022 © DR
Manifestations à Mahabad, dans la province d'Azerbaïdjan occidental à majorité kurde, le 20 novembre 2022 © DR

Iran L'ONU doit agir rapidement après les derniers meurtres de manifestant·e·s

Communiqué de presse du 23 novembre 2022, Genève/Londres Contact du service de presse
Les États membres du Conseil des droits de l'homme des Nations unies doivent de toute urgence mettre en place un mécanisme d'enquête et d'obligation de rendre des comptes sur l'Iran afin de faire face à la recrudescence alarmante des homicides illégaux et autres violations des droits humains. Cette déclaration d’Amnesty International intervient après une semaine au cours de laquelle les forces de sécurité iraniennes ont abattu au moins 60 manifestant·e·s, personnes en deuil et passant·e·s, dont des enfants.

Les forces de sécurité persistent impitoyablement dans leur recours généralisé à la force meurtrière illégale, affichant une intention claire de tuer ou de mutiler les manifestant·e·s pour réprimer à tout prix le soulèvement populaire. Depuis le 15 novembre, elles ont également intensifié leur utilisation exclusive de balles réelles pour disperser les protestations dans les provinces peuplées de Kurdes et d'autres minorités ethniques opprimées.

Amnesty International a recueilli plus d'un million de signatures en faveur de la mise en place par les Nations unies d’un mécanisme d’enquête international et indépendant sur les violations des droits humains commises en Iran. Le Conseil des droits de l'homme réuni en session spéciale examinera la demande déposée par l’Allemagne et l’Islande ce jeudi.

« La situation en Iran appelle une résolution solide établissant un mécanisme indépendant d'enquête et d'obligation de rendre des comptes sur l'Iran, afin de recueillir et de préserver les preuves des crimes, de lutter contre l'impunité et d'envoyer un message clair aux autorités iraniennes : leurs crimes au regard du droit international ne resteront plus impunis », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.

« Lors de la session spéciale sur l'Iran du 24 novembre, les États membres du Conseil des droits de l'homme des Nations unies auront l'occasion d'amplifier les appels lancés par la population iranienne, qui continue de risquer sa vie pour protester en faveur des droits humains, de la liberté et de l'obligation de rendre des comptes pour les meurtres de manifestant·e·s. Il est horrible que tant d'hommes, de femmes et d'enfants aient payé le prix ultime pour leurs cris en faveur d'un avenir empli d'espoir et respectueux des droits. »

La Suisse a aussi un rôle à jouer

Face aux graves violations des droits humains qui ont lieu en Iran depuis plus de deux mois, l’Allemagne et l’Islande ont officiellement demandé vendredi dernier, le 11 novembre, la tenue d’une session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme. La demande a été soutenue par 44 pays, dont la Suisse qui s’est jointe sur le tard.

« Nous demandons à la Suisse de s'engager de manière visible pour la mise en place d'un mécanisme d'enquête indépendant », a déclaré Michael Ineichen, chargé de plaidoyer auprès de la section suisse d’Amnesty International. « En parallèle, il est également important que la Suisse affirme publiquement son engagement contre la peine de mort, pour la protection des défenseur·e·s des droits humains ainsi qu’une solidarité active avec les manifestant·e·s. Nos autorités peuvent aussi apporter une contribution concrète en observant les procès de personnes qui risquent la peine de mort pour leur participation à des manifestations. »

Un bilan toujours plus lourd

Depuis que les manifestations ont éclaté à la mi-septembre, Amnesty a enregistré les noms et les coordonnées de 305 personnes, dont au moins 41 enfants, tuées par les forces de sécurité. Au cours de la seule semaine dernière, Amnesty International a recensé la mort de 53 hommes, 2 femmes et 5 enfants tués dans 10 provinces iraniennes, la majorité (42) dans des zones peuplées de Kurdes. Les membres des minorités ethniques opprimées en Iran, notamment les Baloutches et les Kurdes, ont été les plus touchés par la répression brutale des forces de sécurité. Les enquêtes sur l'identité des personnes tuées se poursuivent, et le nombre réel de victimes est certainement bien plus élevé.

Plus de deux mois après le début du soulèvement populaire, l'impunité systématique a enhardi les autorités iraniennes non seulement à continuer de déployer illégalement la force meurtrière, mais aussi à recourir à la peine de mort comme outil d'intimidation et de répression politique. Depuis la fin du mois d'octobre 2022, les autorités ont requis la peine de mort dans le cadre de procès manifestement inéquitables menés par des tribunaux révolutionnaires à l'encontre d'au moins 21 personnes, toutes inculpées en lien avec les manifestations. Des appels inquiétants ont été lancés par des responsables pour accélérer les procédures et les exécuter en public.

Dans le but d'affaiblir le soutien international à la session extraordinaire et à la mise en place d'un mécanisme d'enquête au sein du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, les autorités iraniennes ont prétendu à tort qu'elles atténuaient leur répression et menaient des enquêtes.

Les exécutions illégales se poursuivent sans relâche

Depuis le 15 novembre 2022, les forces de sécurité iraniennes ont continué à faire un usage généralisé de la force illégale – y compris de la force meurtrière – contre les manifestant·e·s, tuant au moins 60 personnes dans les provinces de Bushehr, d'Azerbaïdjan oriental, d'Ispahan, de Fars, de Guilan, d'Hormozgan, de Kermanshah, de Khuzestan, du Kurdistan et d'Azerbaïdjan occidental. Des manifestant·e·s, des passant·e·s et des personnes assistant aux funérailles de manifestant·e·s figurent parmi les morts. 

Le 20 novembre, les forces de sécurité ont tué au moins deux enfants, tous deux âgés de 16 ans : Baha'edin Veisi à Javunrud, dans la province de Kermanshah, et Karvan Ghadir Shakri à Piranshahr, dans la province d'Azerbaïdjan occidental. Quelques jours auparavant, le 16 novembre, les forces de sécurité ont tué illégalement au moins trois enfants. Elles ont abattu Kian Pirfalak, 10 ans, et Artin Rahmani, 14 ans, à Izeh, dans la province du Khuzestan, tandis que Danial Pabandi, 17 ans, a été tué par les forces de sécurité lors d'une manifestation à Saqqez, dans la province du Kurdistan.

Il y a trois ans, les forces de sécurité avaient tué des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants lors de manifestations organisées dans tout le pays en novembre 2019. Les manifestations organisées pour marquer cet anniversaire la semaine dernière se sont heurtées à la force illégale des forces de sécurité et à de nouveaux meurtres, le tout dans un contexte de perturbations d'Internet et des réseaux mobiles.

« Cette semaine, alors que les États membres du Conseil des droits de l'homme de l'ONU se réuniront jeudi pour une session extraordinaire, les forces de sécurité du pays continuent de déchaîner un barrage de balles contre des hommes, des femmes et des enfants, tout en appliquant des coupures de téléphonie mobile et d'Internet pour dissimuler leurs crimes au monde entier. Ces schémas consistant à tuer des centaines de manifestant·e·s sous le couvert de l'obscurité rappellent la répression des autorités iraniennes contre les manifestations de novembre 2019, démontrant comment l'absence de réaction adéquate de la communauté internationale a alors permis l'effusion de sang en cours. Il est maintenant grand temps que les États membres du Conseil des droits de l'homme de l'ONU fassent leur part pour aider à briser ce cycle de violence », a déclaré Agnès Callamard.