Israël / Syrie Israël a tiré sur des manifestants en territoire syrien

L’armée israélienne a tiré à balles réelles sur des manifestants qui se trouvaient sur le territoire syrien  et approchaient la frontière syrienne, dimanche 5 juin 2011. Amnesty International a demandé aux autorités israéliennes de diligenter une enquête exhaustive, impartiale et indépendante sur le recours meurtrier à la force de l’armée.

Des soldats israéliens ont ouvert le feu sur des centaines de manifestants syriens et palestiniens. Les tirs ont touché la zone frontalière proche de Majdal Shams, une ville située dans la partie du plateau du Golan occupée par Israël. Des actions de protestation se sont également déroulées près de Quneitra, une ville de la zone du Golan encore administrée par la Syrie. Les manifestations ont été organisées pour commémorer la Naksa, anniversaire du début de la guerre de juin 1967, marquant le début de l’occupation du plateau du Golan – appartenant à la Syrie -, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

23 morts - 350 personnes blessées

23 personnes – dont un enfant, une femme et un journaliste – ont été tuées par l’armée israélienne dimanche 5 juin, selon l’agence de presse gouvernementale syrienne. Plus de 350 personnes auraient été blessées, atteintes par des balles et par le gaz lacrymogène. Les médias d’État syriens ont révélé l’identité des personnes tuées. Beaucoup de ces noms ont été séparément portés à la connaissance d’Amnesty International par des militants des droits humains issus du Golan occupé par Israël. Ceux-ci les ont obtenus auprès de sources médicales syriennes.

Israël reconnaît que des tirs ont touché les manifestants

Des porte-parole des forces de défense israéliennes (FDI) ont reconnu que des manifestants ont été atteints par des balles et blessés. Mais ils déclarent que le nombre de victimes réel est bien en-deçà de celui fourni par la Syrie. Selon eux, les manifestants ont jeté des pierres et des cocktails Molotov, et ont tenté de dégrader les clôtures frontalières. Ils n’ont pas affirmé que les manifestants portaient des armes à feu. Les portes-parole des FDI ont également déclaré qu'un certain nombre de personnes ont été blessées en raison de l’activation de mines terrestres par des manifestants, à proximité de Quneitra.

Plus de 10 heures de tirs

Un militant des droits humains du plateau du Golan a indiqué à Amnesty International que pendant plus de 10 heures - de 11 heures à 21 heures environ - des soldats israéliens s'abritant derrière plusieurs barrières faites de fils barbelés ont sporadiquement tiré à balles réelles sur des manifestants se trouvant à une soixantaine de mètres. Il a dit en avoir été témoin, avec d’autres habitants de la ville, alors qu’il se trouvait à une dizaine de mètres des troupes des FDI à la frontière, près de Majdal Shams.

Le militant a confirmé les déclarations des FDI selon lesquelles les soldats ont mis les manifestants en garde en arabe avant d'ouvrir le feu pour la première fois.  Il a toutefois déclaré qu'ils ont attendu la tombée de la nuit pour utiliser du gaz lacrymogène et des bombes sonores afin de disperser les manifestants. Cela contredit certaines affirmations des FDI. Selon les forces armées, tous les moyens non létaux à leur disposition ont été employés afin de disperser les manifestants avant que la force meurtrière ne soit utilisée.

Des blessés évacués toute la journée

Des ambulances syriennes ont évacué les manifestants blessés vers l’hôpital Mamdouh Abaza de Quneitra tout au long de la journée. Le directeur de l’hôpital aurait dit à la SANA que les médecins ont opéré plus de 90 patients ce jour-là. Si les porte-parole des FDI ont affirmé que les troupes israéliennes ont visé les jambes des manifestants, les autorités sanitaires syriennes ont fait savoir que la plupart des lésions se situaient au-dessus de la taille.

Deuxième épisode en moins d'un mois

Amnesty International est très préoccupée par le fait que les troupes israéliennes ont recouru à une force excessive en tirant à balles réelles sur des manifestants ne mettant en danger ni la vie de soldats israéliens ni celle d’autres personnes. Il s’agit du deuxième épisode de ce type en moins d’un mois. Au moins 12 manifestants menant une action de protestation près de la frontière israélienne avaient déjà été tués par l’armée israélienne le 15 mai 2011. Il est urgent d’ouvrir des enquêtes indépendantes sur ces deux événements, afin d’aider à prévenir de nouvelles pertes humaines et de faire en sorte que les responsables d'homicides illégaux rendent des comptes.

Complément d’information Le 15 mai 2011, les troupes israéliennes ont tiré sur des manifestants palestiniens et arabes manifestant près de la frontière israélienne au Liban, en Syrie et dans le nord de la bande de Gaza, ainsi qu'à l’intérieur de la Cisjordanie occupée, tuant au moins 12 personnes et en blessant des centaines. Des réfugiés palestiniens avaient organisé de vastes manifestations à la frontière israélienne et à des points de contrôles israéliens pour commémorer la Nakba, date anniversaire de leur expulsion et de la perte de leurs biens lors de la guerre de 1948, qui a conduit des centaines de milliers de Palestiniens à se réfugier dans des États voisins. Amnesty International a demandé l'ouverture d’une enquête complète, indépendante et impartiale sur la réaction des FDI à ces manifestations. Bien que les FDI aient lancé des investigations internes sur certains des événements du 15 mai, rien n’indique qu’une enquête crédible et indépendante ait été diligentée.

8 juin 2011