Dans une lettre adressée mercredi 4 juillet 2012 au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, l'organisation demande une enquête indépendante et transparente sur le recours excessif à la force par la police palestinienne contre des manifestants pacifiques à Ramallah et un procès équitable pour les responsables.
Le cabinet du président a nommé, lundi 2 juillet 2012, une commission chargée d’enquêter sur les faits du 30 juin et du 1er juillet 2012, lorsque les forces de sécurité ont attaqué des dizaines de personnes qui manifestaient à Ramallah, en Cisjordanie.
Des représentants d’Amnesty International ont assisté à la manifestation du 1er juillet 2012 et ont vu des manifestants pacifiques être attaqués et roués de coups par les forces de sécurité (y compris des policiers en civil) dont certains membres étaient armés. Ils ont également recueilli les témoignages de personnes qui avaient été hospitalisées pour des blessures causées par la police lors des manifestations du 30 juin et du 1er juillet 2012.
«La violence policière dont notre délégation a été témoin à Ramallah est choquante et parfaitement inacceptable. La commission formée pour enquêter sur ces faits doit disposer des ressources et de l’autorité nécessaires pour mener avec célérité une enquête fiable, indépendante et efficace», a déclaré Ann Harrison, directrice adjointe du programme Moyen Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
«Il faut que les résultats de l’enquête soient rendus publics dans les meilleurs délais et les responsables doivent être traduits en justice dans le cadre de procédures conformes aux normes internationales en matière d’équité des procès. Le droit des victimes à obtenir réparation, y compris – mais pas uniquement - une indemnisation, doit également être garanti.
Les manifestations pacifiques ont été organisées par des groupes de la société civile et des militants palestiniens opposés à une rencontre entre Mahmoud Abbas et le vice-Premier ministre israélien Shaul Mofaz, qui était prévue pour le 1er juillet 2012.
Retour sur les faits
Jeudi 30 juin 2012, après 17 heures, environ 200 personnes se sont rassemblées sur la place al Manara de Ramallah et ont commencé à descendre dans le calme la rue d’Israel en direction des locaux présidentiels.
Des dizaines de policiers palestiniens en uniforme et en civil étaient présents et ont eu recours à la force pour empêcher la foule d’avancer.
Cinq manifestants ont été maintenus en détention pendant cinq heures au principal poste de police de Ramallah où, selon leurs dires, la police les aurait maltraités.
Les journalistes qui couvraient la manifestation ont également été frappés et ont été empêchés de filmer ou de prendre des photos.
Le journaliste indépendant Mohammad Jaradat, 33 ans, a été hospitalisé pour des blessures reçues alors qu’il effectuait un reportage sur la manifestation du 30 juin 2012.
Lorsqu’il s’est entretenu avec les représentants d’Amnesty International à l’hôpital de Ramallah le 30 juin 2012, Mohammad Jaradat leur a expliqué comment des policiers en civil l’ont attaqué, notamment en le frappant à coups de poing et de pied et en le jetant au sol, à la fois dans la rue pendant la manifestation puis après l’avoir traîné au poste de police.
Selon ses déclarations, lorsqu’il était au poste de police, il a été maintenu à terre et frappé sur tout le corps à l’aide d’une matraque par un policier en civil. Amnesty International estime que le traitement qu’il a reçu alors qu’il était en garde à vue équivaut à de la torture.
Mohammad Jaradat n’a été libéré et conduit à l’hôpital principal de Ramallah qu’après avoir été reconnu par un policier. Il s’est fait admettre à l’hôpital, où il est resté deux jours et a été soigné pour de graves blessures dues aux coups qu’il avait reçus.
Dix manifestants ont reçu des soins à l’hôpital pour des blessures causées par la police et les forces de sécurité le 30 juin 2012. Au soir du 1er juillet 2012, 18 manifestants avaient déposé des plaintes auprès de la Commission indépendante pour les droits humains.
Violences répétées le lendemain
Des événements similaires se sont déroulés le dimanche 1erjuillet 2012, quand une seconde marche a été organisée pour protester contre les violences policières de la veille. La délégation d’Amnesty International a observé la manifestation.
Plusieurs des personnes blessées lors de la manifestation du 1er juillet 2012 ont plus tard décrit à Amnesty International la manière dont elles ont été frappées, notamment à coups de pied, poussées, insultées et autrement maltraitées par les forces de sécurité.
Dalia, 22 ans, a été admise à l’hôpital pour des blessures à la tête, aux bras et aux jambes après avoir reçu des coups de poing et de pied et avoir été griffée par des policiers lors de la manifestation de dimanche.
Amnesty International et des organisations locales de défense des droits humains qui ont assisté aux manifestations n’ont rien vu qui indique que des manifestants prônaient ou avaient recours à la violence.
«Les témoignages que nous avons entendus soulèvent de graves inquiétudes quant au respect de l’Autorité palestinienne pour le droit de se réunir pacifiquement et le droit à la liberté d’expression, garantis par la loi fondamentale palestinienne ainsi que par les traités internationaux relatifs aux droits humains», a souligné Ann Harrison.
«Pour en finir avec le climat d’impunité qui a caractérisé de précédentes enquêtes sur des fautes commises par la police, dont les résultats n’ont pas été rendus publics, celle de la commission sur les récents événements à Ramallah doit être menée de manière transparente et rendue publique dans les meilleurs délais.
Il est essentiel que les responsables de ces graves atteintes aux droits humains perpétrées contre des manifestants pacifiques soient traduits en justice lors de procès conformes aux normes internationales d’équité. Annoncer la tenue d’une enquête n’est que la première étape pour rendre justice et apporter réparation aux personnes blessées par les forces de sécurité et Amnesty International suivra de près chaque étape du processus.»