Les forces de sécurité israéliennes arrêtent une Palestinienne à Jérusalem-Est devant la maison scellée de l'auteur de l'attentat du 27 janvier. Le cabinet de sécurité israélien a décidé de faire démolir la maison. © IMAGO/Debbie Hill
Les forces de sécurité israéliennes arrêtent une Palestinienne à Jérusalem-Est devant la maison scellée de l'auteur de l'attentat du 27 janvier. Le cabinet de sécurité israélien a décidé de faire démolir la maison. © IMAGO/Debbie Hill

Israël / Territoires palestinient occupés Escalade de la violence sur fond d'apartheid persistant

Communiqué de presse du 1er février 2023, Londres, Berne – Contact du service de presse
Depuis qu’Amnesty International a publié un rapport mettant en lumière le système d’apartheid qu’exerce l’État d’Israël contre la population palestinienne il y a un an, les forces israéliennes ont tué près de 220 Palestinien·ne·s, dont 35 pour le seul mois de janvier 2023. Les homicides illégaux tout comme d'autres violations graves et continues commises par les autorités israéliennes contribuent à maintenir ce système d'apartheid.

Au cours des derniers jours, une série d'attaques meurtrières a mis en évidence la nécessité de mettre fin à l’impunité. Le 26 janvier, les forces israéliennes ont mené un raid dans le camp de réfugié·e·s de Jénine et tué 10 Palestinien·ne·s, dont une femme de 61 ans. Le 27 janvier, sept civils israélien·e·s ont été tué·e·s lorsqu'un Palestinien armé a ouvert le feu à Neve Ya'akov, une colonie israélienne de Jérusalem-Est occupée. En réponse à cette attaque, les autorités israéliennes ont intensifié leur démarche de punition collective contre les Palestinien·ne·s, procédant à des arrestations massives et menaçant de démolir des maisons à titre punitif.

«L'apartheid est un crime contre l'humanité, et il est effrayant de voir les auteur·e·s de ce crime échapper à la justice année après année.»
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International

«Les événements dévastateurs de la semaine dernière ont exposé une fois de plus le coût mortel du système d'apartheid. L'incapacité de la communauté internationale à demander aux autorités israéliennes de rendre des comptes pour l'apartheid et d'autres crimes leur a donné carte blanche pour ségréguer, contrôler et opprimer les Palestinien·ne·s au quotidien, et contribue à perpétuer une violence meurtrière. L'apartheid est un crime contre l'humanité, et il est effrayant de voir les auteur·e·s de ce crime échapper à la justice année après année», a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International. 

Dans le cadre de l'apartheid, les autorités israéliennes contrôlent pratiquement tous les aspects de la vie des Palestinien·ne·s et les soumettent à une oppression et une discrimination quotidiennes par le biais de la fragmentation territoriale et de la ségrégation juridique. Les Palestinien·ne·s des territoires palestiniens occupés (TPO) sont séparés dans des enclaves distinctes, celles et ceux qui vivent dans la bande de Gaza étant isolé·e·s du reste du monde par le blocus illégal d'Israël, qui a provoqué une crise humanitaire à large échelle.

Des preuves quotidiennes de l'apartheid 

Le 1er février 2022, Amnesty International a publié un rapport exposant la manière dont l’État d’Israël applique un système institutionnalisé d'oppression et de domination contre les Palestinien·ne·s partout où il exerce un contrôle sur leurs droits : en Israël, dans les TPO et contre les réfugié·e·s déplacé·e·s en leur refusant le droit au retour. Ce rapport a montré comment les lois, les politiques et les pratiques israéliennes sont promulguées dans le but primordial de maintenir une hégémonie démographique juive et de maximiser le contrôle des terres et des ressources au profit des Israélien·ne·s juifs et au détriment des Palestinien·ne·s. 

L'année 2022 est devenue l'une des plus meurtrières pour les Palestinien·ne·s de Cisjordanie occupée depuis au moins 2005. Quelque 153 Palestinien·ne·s, dont des dizaines d'enfants, ont été tué·e·s par les forces israéliennes, principalement dans le cadre de raids militaires et d'opérations d'arrestation. Les recherches d'Amnesty International ont montré que 33 Palestinien·ne·s, dont 17 civils, ont été tué·e·s par les forces israéliennes lors de leur offensive d'août 2022 sur Gaza, et qu'au moins sept civils ont été tués par des roquettes lancées par des groupes armés palestiniens. 

À la suite de la fusillade de Neve Ya'akov, les autorités israéliennes ont annoncé vouloir accélérer l'octroi de permis de port d'armes.

Pendant ce temps, les incidents de violence des colons israéliens contre les Palestinien·ne·s ont augmenté pour la sixième année consécutive en 2022, avec des attaques comprenant des agressions physiques, des dommages aux biens et la destruction d'oliveraies. Il existe de nombreux documents montrant que les autorités israéliennes tolèrent et facilitent ces violences, notamment en arrêtant les Palestinien·ne·s attaqué·e·s, en fournissant une escorte armée aux colons, ou simplement en regardant depuis les coulisses pendant que les Palestinien·ne·s sont battu·e·s et leurs biens détruits. Cette culture de l'impunité a encouragé de nouvelles violences, comme en témoigne la vague d'attaques de colons qui a eu lieu ces derniers jours. 

À la suite de la fusillade de Neve Ya'akov, les autorités israéliennes ont incité à de nouvelles violences contre les Palestinien·ne·s en annonçant des plans visant à accélérer l'octroi de permis de port d'armes «afin de permettre à des milliers de citoyen·ne·s supplémentaires de porter des armes». Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui s'est déjà engagé à étendre massivement les colonies illégales dans les TPO, a également déclaré que le gouvernement prévoyait de «renforcer les colonies».

Toutes les colonies israéliennes dans les TPO sont illégales au regard du droit international, et la politique israélienne de longue date consistant à installer des civils en territoire occupé constitue un crime de guerre. 

L'expansion accrue des colonies exposera d'innombrables autres Palestinien·ne·s au risque de transfert forcé − un crime contre l'humanité que les autorités israéliennes ont commis de manière systématique. Un exemple récent est la décision de la Cour suprême de mai 2022 qui a autorisé le transfert forcé de plus de 1 150 Palestinien·ne·s de Masafer Yatta en Cisjordanie. Au cours de l'année écoulée, les autorités israéliennes ont également intensifié leurs projets de démolition du village non reconnu de Ras Jrabah, dans la région israélienne du Néguev/Naqab, et de déplacement de ses 500 habitant·e·s bédouins palestinien·ne·s, tandis qu'en janvier 2023, le village bédouin d'Al-Araqib a été démoli pour la 212e fois. Le rapport d'Amnesty International sur l'apartheid a montré comment les expulsions forcées dans la région du Néguev/Naqab, et dans l'ensemble des TPO, sont réalisées dans le but d'atteindre les objectifs démographiques d'Israël.

Une reconnaissance croissante 

La communauté internationale reconnaît de plus en plus que les autorités israéliennes commettent le crime d’apartheid. Les Palestinien·ne·s demandent depuis longtemps que le régime israélien soit considéré comme un apartheid, et des organisations palestiniennes comme Al-Haq, le Centre palestinien des droits humains et Al Mezan ont été à l'avant-garde du plaidoyer de l'ONU à cette fin.  

La pression pour une telle reconnaissance a pris de l'ampleur en 2022, lorsque deux rapporteurs spéciaux de l'ONU ont conclu que les autorités israéliennes pratiquaient l'apartheid. Le nombre d'États au Conseil des droits de l'homme faisant référence à l'apartheid d'Israël a doublé, passant de neuf en 2021 à 18 en 2022. Plusieurs organisations internationales et israéliennes de défense des droits humains ont également appelé à la fin de l'apartheid, notamment Human Rights Watch, B'Tselem et Yesh Din.  

Les autorités israéliennes se sont données beaucoup de mal pour supprimer et discréditer les conclusions relatives à l’apartheid. Les conséquences sont particulièrement graves pour les défenseur·e·s palestinien·ne·s des droits humains. En août de l'année dernière, les autorités israéliennes ont perquisitionné les bureaux de sept grandes ONG palestiniennes après les avoir qualifiées « d'entités terroristes » et les avoir mises hors la loi. En décembre, Salah Hammouri, chercheur sur le terrain pour l'organisation de défense des droits des prisonniers Addameer, a été déchu de sa résidence à Jérusalem et expulsé vers la France après avoir passé neuf mois en détention administrative en Israël.  

Mépris du droit international 

En mai 2023, le bilan d'Israël en matière de droits humains sera examiné dans le cadre de l'Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Amnesty International a écrit aux autorités israéliennes pour les inciter à s'engager, mais elles ne se sont toujours pas soumises au processus d'examen. Les autorités israéliennes ont ignoré la plupart des recommandations formulées par les États examinateurs et approuvées par le Conseil des droits de l'homme lors du précédent cycle de l’EPU, en 2018. Par exemple, bien qu'il ait été exhorté à plusieurs reprises au fil des ans, puis à nouveau en 2018, de mettre fin à la détention administrative, Israël détient actuellement plus de 860 Palestinien·ne·s sans inculpation ni procès - le nombre le plus élevé depuis 15 ans.

Israël détient actuellement plus de 860 Palestinien·ne·s sans inculpation ni procès - le nombre le plus élevé depuis 15 ans.

«Le mépris de longue date des autorités israéliennes pour leurs obligations au regard du droit international et des recommandations de la communauté internationale continue d'avoir des conséquences désastreuses pour les Palestinien·ne·s et compromet également la protection des droits des Israélien·ne·s», a déclaré Agnès Callamard.  

 «Aucun État ne devrait pouvoir bafouer systématiquement le droit international, y compris les résolutions contraignantes du Conseil de sécurité des Nations unies, en toute impunité. Nous appelons les États à cesser toute forme de soutien aux violations commises par Israël, et à rompre avec des années d'inaction complice en demandant des comptes aux autorités israéliennes.»