Selon la requête déposée à La Haye par l'Afrique du Sud, les actes et l'inaction d'Israël à l'égard des Palestinien·ne·s de Gaza ont un caractère génocidaire. © AFP via Getty Images
Selon la requête déposée à La Haye par l'Afrique du Sud, les actes et l'inaction d'Israël à l'égard des Palestinien·ne·s de Gaza ont un caractère génocidaire. © AFP via Getty Images

Allégations de génocide à Gaza La Cour internationale de justice au secours des civils palestiniens

Communiqué de presse publié le 11 janvier 2024, Londres - Berne. Contact du service de presse
La procédure engagée par la Cour internationale de justice (CIJ) dans le cadre d'une requête déposée par l'Afrique du Sud alléguant que l'État d'Israël viole les obligations qui lui incombent au titre de la Convention des Nations unies contre le génocide pourrait contribuer à protéger les civils palestiniens, à mettre fin à la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza occupée et à offrir une lueur d'espoir en matière de justice internationale.

L'Afrique du Sud a déposé une requête alléguant que les actes et l'inaction d'Israël à l'égard des Palestinien·ne·s de Gaza, à la suite des attaques menées le 7 octobre 2023 par le Hamas et d'autres groupes armés, ont un caractère génocidaire. Dans sa requête, l'Afrique du Sud demande instamment à la Cour d'ordonner des « mesures conservatoires urgentes » pour protéger le peuple palestinien de Gaza, notamment en demandant à Israël de mettre immédiatement fin aux attaques militaires qui « constituent ou donnent lieu à des violations de la Convention sur le génocide ». Elle demande également à la Cour d'annuler les mesures connexes équivalant à des punitions collectives et à des déplacements forcés. Les audiences initiales auront lieu à la CIJ à La Haye les 11 et 12 janvier.

Amnesty International n’est pas arrivée à la conclusion que la situation à Gaza équivalait à un génocide. Cependant, il existe des signes alarmants étant donné le nombre de décès et l’ampleur des destructions, avec plus de 23  000 Palestinien·ne·s tué·e·s en un peu plus de trois mois et 10  000 autres disparu·e·s sous les décombres. Des mort·e·s qui s’accompagnent d’une montée effroyable de la rhétorique déshumanisante et raciste à l'encontre des Palestinien·ne·s de la part de certain·e·s représentant·e·s du gouvernement et de l'armée israélienne. Cette situation, associée au siège illégal de Gaza imposé par Israël, qui a coupé ou sévèrement limité l'accès de la population civile à l'eau, à la nourriture, à l'assistance médicale et au carburant, inflige des souffrances insondables et met en péril la survie de celles et ceux qui vivent à Gaza.

« Alors que les États-Unis continuent d'utiliser leur droit de veto pour empêcher le Conseil de sécurité des Nations unies d'appeler à un cessez-le-feu, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sont monnaie courante, et le risque de génocide est réel. Les États ont l'obligation positive de prévenir et de punir les génocides et autres crimes d'atrocité. L'examen par la CIJ de la conduite d'Israël est une étape vitale pour la protection des vies palestiniennes, pour restaurer la confiance et la crédibilité dans l'application universelle du droit international, et pour ouvrir la voie à la justice et à la réparation pour les victimes », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.

«De nombreux Palestinien·ne·s et expert·e·s en droits humains considèrent que la stratégie israélienne vise à rendre Gaza 'invivable'.»
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International

Tous les États ont l'obligation juridique d'agir pour prévenir les génocides en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 et, comme l'a établi la CIJ précédemment, en vertu du droit coutumier. Cela signifie que l'obligation de prévention est contraignante pour tous les États, y compris pour ceux qui ne sont pas parties à la Convention. Le 16 novembre 2023, un groupe d'expert·e·s de l'ONU a mis en garde contre un « génocide en préparation » dans les territoires palestiniens occupés, et en particulier à Gaza.

« L'ampleur de la dévastation et de la destruction qui ont été causées à Gaza au cours des trois derniers mois est sans commune mesure. Une grande partie du nord de Gaza a été détruite et au moins 85 % de la population de Gaza est maintenant déplacée à l'intérieur du pays. De nombreux Palestinien·ne·s et expert·e·s en droits humains considèrent que la stratégie israélienne vise à rendre Gaza « invivable ». À cela s'ajoutent les déclarations inquiétantes de certains responsables israéliens qui prônent la déportation illégale ou le transfert forcé de Palestinien·ne·s en dehors de Gaza, ainsi que l'utilisation d'une rhétorique déshumanisante », a déclaré Agnès Callamard.

« Dans l'attente d'une décision finale de la Cour internationale de justice sur la question de savoir si des crimes de génocide et d'autres crimes de droit international ont été commis, une ordonnance urgente de mise en œuvre de mesures conservatoires serait un moyen important de contribuer à prévenir d'autres morts, d’autres destructions et plus de souffrances civiles, mais aussi d'avertir les autres États qu'ils ne doivent pas contribuer à des violations graves et à des crimes contre les Palestinien·ne·s. »

Contexte

Les mesures conservatoires demandées par l'Afrique du Sud invitent Israël à renoncer aux actes relevant de l'article II de la Convention sur le génocide, notamment « le meurtre de membres d'un groupe protégé » et « le fait d'imposer délibérément au groupe des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». À ce titre, elles demandent à Israël d'empêcher les déplacements forcés et la privation de l'accès à une alimentation adéquate, à l'eau, à l'aide humanitaire et aux fournitures médicales pour les Palestinien·ne·s. En vertu de la Convention, personne, y compris les plus hauts responsables gouvernementaux, ne peut se prévaloir d'une immunité personnelle pour des actes présumés.

La requête de l'Afrique du Sud auprès de la CIJ cite des éléments de preuve recueillis par Amnesty International qui attestent de crimes de guerre et d'autres violations du droit international commis par les forces israéliennes lors de leur bombardement intensif de Gaza, notamment des attaques directes contre des civils et des biens civils, des attaques aveugles et d'autres attaques illégales, des déplacements forcés de civils et des châtiments collectifs infligés à la population civile. La requête cite également des recherches menées par Amnesty International qui soulignent que le système israélien de domination et d'oppression des Palestinien·ne·s s'apparente à de l'apartheid.

Amnesty International condamne également les crimes de guerre commis par le Hamas et d'autres groupes armés le 7 octobre, notamment les prises d'otages et les homicides délibérés de civils, ainsi que la poursuite des tirs de roquettes aveugles.

L'organisation a demandé à plusieurs reprises que toutes les parties enquêtent sur les violations du droit international, qu'un cessez-le-feu durable soit instauré immédiatement, que tous les otages civils encore détenus par des groupes armés à Gaza soient libérés, que les Palestinien·ne·s détenu·e·s arbitrairement par Israël soient libéré·e·s et qu'Israël mette fin au siège illégal et inhumain qu'il impose à la bande de Gaza.