Israël a-t-elle vraiment pris les précautions nécessaires pour limiter les dommages civils lors de ses frappes sur le Sud-Liban ? Selon le droit international humanitaire, les civil·e·s ne peuvent jamais constituer une cible légitime. Toutes les précautions doivent donc être prises par les parties au conflit pour réduire au minimum les effets d’attaques militaires sur la population civile. Cela implique notamment d’avertir, à l’avance et de manière efficace, les personnes vivant dans les alentours des zones ciblées et de donner des instructions claires pour qu’elles puissent s’éloigner des objectifs.
« Notre analyse montre que non seulement les avertissements émis par l'armée israélienne comprenaient des cartes trompeuses, mais qu'ils ont également été diffusés dans un délai très court – dans un cas, moins de 30 minutes avant le début des frappes – au milieu de la nuit, par le biais des réseaux sociaux, alors que de nombreuses personnes sont endormies, déconnectées ou ne suivent pas les informations diffusées par les médias », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.
Pour être efficace, un avertissement doit en effet être lancé à temps et fournir des informations sur des itinéraires de fuite sûrs. Amnesty International a examiné deux avertissements adressés aux habitant·e·s de Dahieh, une banlieue densément peuplée de Beyrouth, dans la nuit du 27 au 28 septembre, après la frappe surprise qui a tué le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Les frappes aériennes ont démoli des immeubles résidentiels entiers dans cette zone. Chaque alerte identifiait trois cibles militaires et demandait aux habitant·e·s d'évacuer dans un rayon de 500 mètres autour de ces cibles. Les avertissements ont été diffusés par le porte-parole arabe de l'armée israélienne sur X (anciennement Twitter) en pleine nuit, sans calendrier précis ni détails sur les itinéraires de sécurité. En plus de la banlieue de Beyrouth, l’armée israélienne a émis des avertissements d’évacuation aux résident·e·s de 118 villes et villages du Sud-Liban entre le 1er et le 7 octobre.
Dans les deux avertissements adressés aux habitant·e·s de Dahieh, les cartes publiées par l'armée israélienne en même temps que les avertissements d'évacuation étaient trompeuses. Dans chacun de ces cas, la zone mise en évidence sur les cartes pour indiquer la zone de danger pour les civils couvrait une zone beaucoup plus petite que le rayon de 500 mètres que l'armée israélienne avait indiqué comme distance minimale à évacuer.
« Indépendamment de l'efficacité des avertissements, cela ne signifie pas qu'Israël peut traiter tous les civils restants comme des cibles. Les personnes qui choisissent de rester dans leurs maisons ou qui ne sont pas en mesure de les quitter –par exemple parce que des membres de leur foyer sont limités dans leur mobilité en raison d'un handicap, de leur âge ou pour d'autres raisons – continuent à bénéficier de la protection du droit international humanitaire. Israël doit à tout moment respecter ses obligations en vertu du droit international et prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages causés à la population civile. »