De la fumée s'échappe après une attaque à la roquette depuis le Liban sur la ville israélienne de Metula (en arrière-plan), le 31 octobre 2024  © AFP via Getty Images
De la fumée s'échappe après une attaque à la roquette depuis le Liban sur la ville israélienne de Metula (en arrière-plan), le 31 octobre 2024 © AFP via Getty Images

Liban/Israël L'utilisation par le Hezbollah d'armes imprécises viole le droit international

Communiqué de presse du 20 décembre 2024, Londres, Berne– Contact du service de presse
Une nouvelle enquête d’Amnesty International documente les salves répétées de roquettes non guidées tirées par le Hezbollah sur des zones de population civile en Israël. Ces attaques violent le droit international humanitaire. Au cours des trois derniers mois Hezbollah a lancé plus de 200 roquettes en direction d'Israël.

Au cours des trois derniers mois, Amnesty International a enquêté sur des crimes de droit international commis dans le cadre de l'opération israélienne Flèches du Nord, qui a débuté le 23 septembre 2024. Au cours de la seule première journée, les forces israéliennes ont effectué au moins 1600 frappes dans des régions du Liban qui ont touché des villages et des villes dans tout le pays et tué plus de 500 personnes. L’organisation a déjà montré comment Israël a mené des frappes aériennes illégales qui ont tué 49 civils et qui doivent faire l'objet d'une enquête en tant que crimes de guerre, et comment il a émis des avertissements d'évacuation inadéquats pour les civils, en violation de ses obligations au regard du droit international.

Amnesty International a aussi recueilli des informations sur trois tirs de roquettes du Hezbollah sur des zones civiles d'Israël en octobre 2024, qui ont tué huit civils et en ont blessé au moins 16 autres, et qui doivent faire l'objet d'une enquête en tant que crimes de guerre.

Deux experts en armement d'Amnesty International ont analysé 12 vidéos produites par le Hezbollah, qui montrent des exemples de ces tirs de roquettes, ainsi que des centaines de déclarations du Hezbollah publiées sur sa chaîne Telegram expliquant les cibles des frappes. Au cours des semaines précédant le cessez-le-feu conclu entre Israël et le Liban, le Hezbollah avait annoncé qu'il tirait des roquettes sur des villes comme Haïfa, Tibériade, Acre, Safed, Karmiel, Kfar Giladi et la région de Krayot, entre autres. Dans certains cas, des membres du Hezbollah ont insisté sur le fait qu'ils visaient des cibles militaires, mais dans d'autres cas, ils ont déclaré qu'ils s’attaquaient à la ville en général.

Dans les vidéos analysée, Amnesty International a identifié des systèmes de lance-roquettes multiples non guidés de 122 mm, 220 mm, 240 mm et 302 mm. Ces roquettes sont par nature imprécises, car il n'est pas possible de les diriger avec certitude ou de déterminer exactement l'endroit où elles vont frapper. Leur utilisation contre des concentrations de population civile constitue donc une violation du principe fondamental de distinction du droit international humanitaire.

« L'utilisation inconsidérée par le Hezbollah de salves de roquettes non guidées a tué et blessé des civils, et détruit et endommagé des habitations civiles en Israël, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.

« L'utilisation de ces armes intrinsèquement imprécises à l'intérieur ou à proximité de zones peuplées de civils constitue à première vue une violation du droit international humanitaire. Les civils et les biens de caractère civil ne sont pas des cibles et doivent être protégés. Les attaques directes contre des civils et des biens de caractère civil, et les attaques aveugles qui tuent et blessent des civils doivent faire l'objet d'une enquête en tant que crimes de guerre ».

Le Hezbollah a commencé à tirer des salves sur le territoire occupé des fermes de Chebaa le 8 octobre 2023 « en solidarité » avec le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens à la suite de leur attaque contre Israël et des crimes commis le 7 octobre 2023. En réponse, Israël a lancé des attaques contre le Sud-Liban. Depuis lors, Israël et le Hezbollah se livrent à des attaques transfrontalières.

Le conflit entre le Hezbollah et Israël a eu des répercussions importantes sur les civils, en particulier au Liban. Les attaques israéliennes à travers le Liban ont tué environ 4 047 personnes, dont des familles entières, en ont blessé 16 000 autres et déplacé environ 1,2 million, notamment par le biais d'avertissements d'« évacuation » trompeurs et inadéquats. Amnesty International a recueilli des informations sur la manière dont, au cours des derniers mois, les forces israéliennes ont effectué quatre frappes aériennes illégales sur des bâtiments résidentiels au Sud-Liban, dans la vallée de la Bekaa et au Nord-Liban, tuant au total 49 civils, des attaques qui doivent faire l'objet d'une enquête en tant que crime de guerre.

Israël a également pris pour cible des succursales de Qard al-Hassan, une institution financière affiliée au Hezbollah, qui compte plus de 30 succursales à travers le pays dans des quartiers résidentiels densément peuplés, en violation du droit humanitaire international, étant donné que cette institution n'est pas une cible militaire légitime.

Les attaques du Hezbollah en Israël ont tué plus de 100 personnes, et on estime à 63 000 le nombre de personnes déplacées dans le nord d'Israël. Le Hezbollah a tiré des milliers de roquettes imprécises sur Israël et sur le plateau du Golan syrien occupé. Des instituts de recherche militaire ont estimé que plus de 95 % des quelque 100 000 à 200 000 armes à longue portée dont dispose le Hezbollah ne sont pas guidées. Israël dispose d'un système de défense aérienne, Dôme de fer, capable d'intercepter et de détruire les roquettes.


Civils tués dans les frappes

Bien que certaines des zones frontalières du nord frappées par les tirs de roquettes aveugles du Hezbollah aient été en grande partie évacuées par les civils israéliens, Amnesty International a recueilli des informations sur trois tirs de roquettes du Hezbollah sur des villes israéliennes, qui ont tué huit civils et en ont blessé au moins 16 autres à la suite de l'escalade du conflit à la fin du mois de septembre 2024. Le laboratoire de preuves d'Amnesty International a vérifié au total 13 vidéos et six photos liées à ces attaques.

Le 29 octobre 2024, vers 10 h 40, le Hezbollah a tiré une salve de roquettes sur le nord d'Israël, tuant Mohammed Naim, un Palestinien de 23 ans citoyen israélien, lorsque l'une des roquettes a touché sa maison à Tarshiha. Le ministère israélien des affaires étrangères a déclaré que 13 autres personnes avaient été blessées lors de cette attaque.

Yasser Naim, le père de Mohammed, a expliqué à Amnesty International que son fils emmenait ses deux jeunes frères et sœurs dans un abri à l'intérieur de leur maison lorsque la roquette est tombée. Mohammed Naim n'était qu'à quelques secondes d'atteindre l'abri en toute sécurité lorsqu'il a été tué. Yasser Naim a indiqué que des dizaines de roquettes étaient dirigées vers la ville et que le système israélien de défense antimissile Dôme de fer n'avait pas réussi à intercepter certains des projectiles. Il a ajouté : « Toutes les maisons n'ont pas pu être protégées ».

Dans un premier temps, le Hezbollah a annoncé sur sa chaîne Telegram que la cible était le village de Kfar Vradim. Cependant, après avoir appris qu'un citoyen palestinien d'Israël avait été tué quelques heures plus tard, le Hezbollah a révisé son annonce et publié une vidéo affirmant qu'il avait pris pour cible des soldats israéliens à Ma'alot-Tarshiha.

Le 31 octobre 2024, le Hezbollah a tiré 18 salves de roquettes imprécises sur des villes situées de part et d'autre de la frontière, notamment les villes de Karmiel et d'Acre en Israël, et la banlieue de Haïfa à Krayot, selon leur déclaration publiée sur Telegram. L'armée israélienne a déclaré qu'un total de 90 roquettes provenant de ces attaques ont frappé à l'intérieur d'Israël. Dans deux de ces attaques, sept civils ont été tués. Le Hezbollah a déclaré que les cibles visées par ces attaques étaient les forces militaires israéliennes au sud de Khiam, au Liban, et la région de Krayot, en Israël.

La première frappe a touché un verger dans la ville israélienne de Metula, plutôt que des soldats israéliens se trouvant du côté libanais de la frontière à une certaine distance à Khiam, et a tué cinq civils dans une ferme : Omer Weinstein, un Israélien, et quatre travailleurs migrants thaïlandais, Akkapon Wannasai, Prayat Pilasram, Kaweesak Papanang et Thana Tichantuek. Une sixième personne a été blessée.

Lors de la seconde attaque, Mina Shafiq Hassoun, 60 ans, et son fils Karmi Raja Hassoun, 30 ans, citoyens palestiniens d'Israël, ont été tué·e·s alors qu'ils cueillaient des olives dans un verger situé entre Shefa-'Amr et Kiryat Ata. Deux autres personnes ont été blessées.

Le Hezbollah a publié une vidéo montrant prétendument le lancement des armes et indiquant que la cible était la banlieue civile de Krayot, le long de la côte israélienne. L'attaque a été menée à l'aide de roquettes non-guidées de 220 mm Fadi-1. L'imprécision inhérente à ces roquettes et l'illégalité de leur utilisation, même contre des cibles militaires dans des zones civiles, sont démontrées par le fait que l'endroit effectivement frappé se trouvait à environ sept kilomètres de la cible annoncée.


Contexte

Amnesty International a récemment publié un rapport important qui conclut qu'Israël a commis et continue de commettre un génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza occupée. Amnesty International a également trouvé des preuves de crimes de guerre commis par les forces israéliennes, notamment des attaques directes contre des civils et des objets civils ou des attaques aveugles, ainsi que d'autres attaques illégales et des châtiments collectifs infligés à la population civile dans la bande de Gaza occupée.