Cinq militants marocains encourent des sanctions pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison, pour avoir formé des personnes à l’utilisation de «StoryMaker», une application de journalisme citoyen. © AP/Press Association Images
Cinq militants marocains encourent des sanctions pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison, pour avoir formé des personnes à l’utilisation de «StoryMaker», une application de journalisme citoyen. © AP/Press Association Images

Maroc Des militants risquent la prison pour avoir promu le journalisme citoyen

19 novembre 2015
Le procès de cinq militants de la société civile marocaine, parce qu’ils ont organisé des formations au journalisme citoyen sur smartphones financées par l’étranger, est une atteinte flagrante à la liberté d'expression, a déclaré Amnesty International à l’ouverture du procès le jeudi 19 novembre 2015.

Aux termes de la législation marocaine en matière de sécurité, les cinq accusés encourent des sanctions pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. Ils sont jugés pour avoir formé des personnes à l’utilisation de «StoryMaker», une application de journalisme citoyen pour smartphone, dans le cadre d’un projet financé par l’organisation non gouvernementale (ONG) néerlandaise Free Press Unlimited. Leur avocat a déclaré à Amnesty International qu’aux yeux des autorités, cela menace «l’intégrité, la souveraineté ou l’indépendance du royaume ou la fidélité que les citoyens doivent à l’État et aux institutions du peuple marocain».

Application «StoryMaker»

«StoryMaker» est une application open source qui permet aux journalistes de publier des contenus de niveau professionnel, y compris des illustrations, en utilisant leur téléphone.

«Ces charges sont une tentative éhontée de réduire au silence et d’intimider ceux qui défendent un journalisme citoyen - elles doivent être immédiatement abandonnées», a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

«Une fois de plus, la liberté de la presse est attaquée par les autorités marocaines et une fois de plus, c’est la liberté d’expression qu’elles entendent juger.»

Les cinq personnes concernées sont :

Maati Monjib, historien et membre dirigeant de l’Association marocaine du journalisme d’investigation (AMJI)

Abdessamad Ait Ayyach (connu sous le nom de Samad Iach), journaliste et membre dirigeant de l’AMJI

Hicham Mansouri, journaliste et membre dirigeant de l’AMJI

Hicham Khreibchi (connu sous le nom d’Hicham Al Miraat), défenseur des libertés numériques et ancien président de l’Association des droits numériques (ADN)

Mohamed Essaber, président de l’Association marocaine pour l’éducation de la jeunesse (AMEJ).

Droit à l'information

«Former des membres du public à l’utilisation d’une application de journalisme citoyen n’est pas un crime. Les Marocains ont le droit de savoir ce qui se passe dans leur pays, et personne ne devrait être poursuivi pour avoir enseigné des techniques de journalisme et d’enquête, que des financements étrangers aient été reçus ou non», a déclaré Said Boumedouha.

Un des cinq accusés, Hicham Mansouri, purge déjà une peine de 10 ans de prison après une condamnation injuste pour complicité d’adultère, et Amnesty International le considère comme un prisonnier d'opinion. Amnesty International craint que cette condamnation ne soit en représailles contre son action de promotion du journalisme d’investigation, et demande sa libération immédiate et inconditionnelle.

Diverses accusations

Un autre accusé, Maati Monjib, est par ailleurs accusé de fraude et de blanchiment d’argent, après que le Centre Ibn Rochd d’études et de communication, qu’il a fondé et qui a également proposé des formations à l’application «StoryMaker» et au journalisme d’investigation, a reçu des financements étrangers.

D’autres journalistes, tels qu’Ali Anouzla qui, avec Maati Monjib, a cofondé Liberté maintenant, une ONG de défense des médias, ont également été pris pour cible par les autorités pour avoir pratiqué un journalisme indépendant.

Ali Anouzla a été arrêté en septembre 2013 et incarcéré pendant plus d’un mois. Il a été accusé d’incitation et de soutien à des actes terroristes en relation avec un article critiquant une vidéo d’Al Qaïda au Maghreb islamique, publié sur le site d’information qu’il dirigeait à l’époque, Lakome.com. Le 12 novembre 2015, les autorités ont programmé une nouvelle audience avec un juge d’instruction, peu après que l’International Media Alliance, dont le siège est à Berlin, a annoncé qu’elle lui décernait un prix pour son journalisme courageux. L’audience a été reportée au 26 novembre 2015.


Complément d'information

Les autorités marocaines passent actuellement en revue le Code pénal. La dernière version en date qu’ait lue Amnesty International contient toujours de nombreuses restrictions à la liberté d'expression qui sont contraires au droit international relatif aux droits humains. Le droit à la liberté d'expression recouvre le droit de critiquer le gouvernement et les politiques gouvernementales. Si les États peuvent légiférer pour limiter la liberté d'expression dans l’intérêt de la sécurité nationale, ces lois doivent être claires et ne pas être trop générales, afin d’empêcher que le droit à la liberté d'expression ne soit lui-même affaibli.